Ce qui devait arriver arriva : à force de ne presque plus se nourrir Maman a fini à l’hôpital. Cela fait une semaine qu’elle y est, et grâce aux nutriments qu’elle reçoit elle a repris un peu de couleurs. Mais les médecins sont certains : il ne lui reste plus longtemps à vivre. Un mois, tout au plus, peut-être deux. On passe la voir tous les jours, avec Anton. C’est difficile de croire qu’elle va mourir alors qu’elle semble aller mieux. On ne sait pas vraiment quoi faire, si nous devons la laisser à l’hôpital sous surveillance médicale ou bien la ramener à la maison pour qu’elle puisse au moins s’éteindre dans un environnement familier. J’abandonne tout combat, à la fois fatiguée de me battre mais surtout terrifiée de l’issue de la bataille qui est en train de se jouer et à laquelle on ne peut rien faire d’autre. On a décidé de se laisser une semaine, encore, pour prendre une décision. « Mais Maman n’a peut-être pas une semaine, Ana. » Me rappelle Anton, un soir, alors que je suis encore en train de pleurer sur le canapé. Le pronostic des mois, c’est celui qui est optimiste. Et même si je suis convaincue que la meilleure solution est de la ramener à la maison, je ne suis pas certaine d’être assez forte pour tout ça. J’ai donc une semaine encore pour me faire à cette idée, pour me dire que je risque de rentrer un soir et retrouver le corps froid de ma mère chez moi. Je ne suis pas prête à ça, même si cela fait des années maintenant que je m’inquiète de cette réalité.

J’ai la surprise de ne pas trouver ma mère seule lorsque j’entre dans la chambre d’hôpital, cette fois-ci. Non, aujourd’hui, mon père est là. Et autant ce n’est pas étonnant car ils sont restés en bon termes et amis, même après le divorce, autant ça me fait toujours quelque chose de les voir ensemble. Un sourire vient s’inscrire sur mes lèvres tandis que je me dépêche de me réfugier dans les bras ouverts de mon paternel. Et je commence déjà à avoir les yeux humides, et c’est vraiment fatigant. J’attrape une mimine de Maman que je sers, et il ne manque que Anton pour compléter le tableau de la famille unie et soudée que nous n’avons pas vraiment été, sans que ce ne soit grave pour autant. Je reste quelques minutes, à sourire pour ne pas me mettre à pleurer, mais la pièce est remplie de tension et j’ai l’impression d’être écrasée sous le poids des non-dits et des regrets. C’est la fin pour tout le monde, c’est le temps de dire au revoir. Je finis donc par embrasser une joue de ma mère, lui rappeler que je l’aime, et une de mon père, lui aussi je l'aime, avant de les laisser tous les deux. Je repasserai plus tard.

Je ferme la porte de la chambre d’hôpital derrière moi et prends quelques minutes dans le couloir pour me remettre de mes émotions trop violentes. Un soupir et l’envie de me mettre à pleurer chassée plus tard, je retrouve l’ascenseur pour monter quelques étages. Les murs sont plus colorés par ici, les lits plus petits aussi. Les mines des blouses blanches sont un peu plus souriantes et joviales, parce qu’on accueille des enfants et que ça doit rendre les choses tout autant plus tristes que joyeuses. Je me dirige vers la réception, où je commence à reconnaître quelques têtes après mes nombreux passages par ici. C’est Carol qui m’accueille, aujourd’hui, et je n’ai même pas besoin de lui poser la question qu’elle m’indique que Alex est en salle de pause. Je la remercie avec un sourire avant de m’y diriger, un tantinet agressée par la lumière vibrante des couloirs de l’hôpital alors que mon regard est fixé sur les pas qui sont collés au sol pour nous guider. Lorsque j’arrive à la salle de pause des infirmières, je m’efforce à afficher un nouveau sourire avant de frapper contre la porte qui est ouverte. « Hello hello Blondie. Permission de te voler quelques minutes de pause ? » Alex est un petit rayon de soleil, et c’est toujours un soulagement de la croiser à l’hôpital. Même si ce n’est que pour quelques minutes. Et même si j’aimerais la croiser dans d’autres circonstances, aussi.

L'hôpital. Un endroit où beaucoup ne voulaient pas mettre les pieds, voyant cet établissement comme un lieu de mort, de mauvaises augures. Bref, un lieu mauvais en soi. Pourtant, Lexie y venait quasiment tous les jours, et même si certains jours étaient plus difficile que d'autres, comme dans tout les boulots, surtout un comme le sien, elle ne se lassait pas d'y venir. Sûrement parce qu'elle travaillait dans un des services les plus doux qui soit. Les enfants avaient ce don de rendre la maladie moins dramatique que la réalité avec leur humour, leur petit sourire, leur positive attitude. Toujours le sourire aux lèvres, toujours le mot qui détendait l'atmosphère grâce à leur innocence. C'était ça les enfants. Et c'était pour cette raison que la blonde aimait tant son travail, bien que certains jours, il y ait des coups durs. Parmi tous ses enfants, malgré toutes leurs bonnes volontés, certains ne s'en sortaient pas, et la mort d'un de ses petits patients avait tendance à miner l'ambiance du service pendant quelques jours. Ca avait d'ailleurs été le cas il y a une semaine, avec le décès d'une jeune patiente, atteinte d'une leucémie. Cela faisait plus d'un an qu'elle était entre les murs de l'établissement, et tout le service c'était attaché à elle, bien plus qu'ils n'auraient dû, alors son décès avait été un violent contre-coup. Alex avait particulièrement pris à coeur le sort de la fillette, et avait été bien plus touchée qu'elle ne le disait par sa mort, et il lui avait fallu quelques jours pour l'accepter. Il fallait avoir le coeur et l'estomac bien accroché dans son métier.

De service pour la journée, Alex avait fait le tour de ses petits patients au moment du petit déjeuner, rituel qu'elle avait pris au fil des mois depuis son arrivée, les saluant avec divers check mis au point entre eux et autres idées délurées et enfantines. Puis, elle avait fait son travail habituel, à sa manière entre prises de sang, médicaments et examens pour ses jeunes patients. Une matinée on ne peut plus normale. Une matinée malgré tout fatiguante , et c'est avec joie que la blonde vit l'heure de sa pause arriver. Une heure à ne rien faire, si ce n'est manger, naviguer sur les réseaux sociaux voire même dormir un peu. Une toute petite sieste pour se reposer et apprécier l'après-midi. Ce n'était pas vraiment dans son habitude, mais avec son récent déménagement et tout ce qui en découlait, Lexie avait accumulé un peu de retard de sommeil qu'elle n'arrivait pas à rattrapper pour le moment. Un ou deux jours de congés ne lui feraient pas de mal et dieu merci, c'était pour bientôt. Elle se délectait d'ailleurs déjà de cette perspective, projettant d'aller passer au moins une journée au bord de la mer, avec quelques uns de ses amis. Rien de mieux pour profiter du soleil et passer une excellente journée.
La Harper était toute à ses pensées quand une léger toquement raisonna à travers la salle de pause, émanant de la porte grande ouverte, suivi par une voix qu'elle connaissait bien. Levant ses yeux de son téléphone portable, un sourire se dessina sur ses lèvres en voyant Adriana. D'un bond, elle se leva de sa chaise, répondant à la question de son amie.

- Permission accordée oui !

Et sans ajouter un mot, l'infirmière s'approcha d'elle pour la prendre dans ses bras, et la serrer contre elle. Elle savait l'épreuve qu'Ana traversait en ce moment, elle savait que sa mère était à l'hôpital depuis plusieurs jours, et que son état était assez critique, alors tout ce que la blonde pouvait faire c'était soutenir de manière inconditionnelle la brune, et ça, c'était on ne peut plus dans ses cordes.

- Comment vas-tu Ana ?

Demanda doucement l'infirmière après l'avoir étreinte quelques secondes contre elle. Elle recula d'un pas pour contempler la nouvelle venue de la tête au pied, et comprit rapidement que malgré son beau sourire, ça n'allait pas fort pour elle. Ce dont elle se doutait d'ailleurs.

Blondie saute sur ses pieds lorsqu'elle me voit, et mon sourire s'agrandit un peu plus, conforté. - Permission accordée oui ! Un léger rire m'échappe, même, lorsqu'Alex m'agresse d'un câlin. Je ne me fais pas prier pour retourner l'étreinte qui, même brève, est très bienvenue et a le don de me réchauffer un peu le cœur. Je n'aime pas particulièrement être sentimentale et faible face aux autres. Mais avec mes proches, c'est différent. Avec les Parker, c'est une nécessité en ce moment. Je ne parle pas tellement de ce qu'il se passe à mes copines du groupe, parce que je les embête avec ça depuis des années maintenant et qu'elles sont dans un élan créatif que je ne veux pas gâcher. En parler au Daddy's est plutôt malvenu, rappelons-nous qu'Alexander est un handicapé des sentiments et surtout que notre relation n'a jamais été basée sur ce genre de choses. Finalement, il n'y a qu'à cette Alex là que je peux vraiment parler de ce qu'il se passe, car c'est un quotidien qu'elle connaît. Avec les années, aussi, elle a su développer les mots justes à dire et les gestes à adopter. Comme le prouve cette étreinte pour se saluer.

« Merci pour ça. » Je fais, toujours souriante, lorsqu'on se sépare. Un vrai rayon de soleil, je vous dis. - Comment vas-tu Ana ? Je hausse les épaules. C'est la question à mille dollars, ça. Mais plutôt que de répondre du sale ça va que je réponds habituellement, je pousse un léger soupir. « Pas terrible. » Je vais pas terrible. Je ne vais pas mal, mais je ne vais pas bien non plus. Je pourrais aller mieux. Est-ce qu'il y a une échelle avec des données quantitatives pour mesurer le bien-être de quelqu'un ? J'en aurais un peu besoin pour mesurer ma vie, en ce moment, s'il-vous-plaît. « Je suis aussi perdue qu'effrayée, ce n'est pas terrible. » J'essaie d'expliciter, m'exprimant avec difficulté. C'est compliqué. Mais perdue est vraiment le mot pour décrire mon état d'esprit. J'aimerais que ça soit fini, et en même temps la fin ça veut dire perdre ma mère. J'aimerais savoir quoi faire, au moins. Sachant que toutes les possibilités de décisions ont des conséquences trop importantes. Compliqué. Je hoche la tête, essayant de chasser les pensées qui m'assaillent. Je suis venue trouver Alex pour faire une pause dans tout ça, et la déranger dans la sienne. Parlons d'autre chose, peut-être. « Et toi, comment tu vas ? Ton déménagement s'est bien passé ? Désolée de ne pas être venue aider... » J'ai reçu l'invitation pour venir porter des cartons, mais j'ai dû décliner car ça tombait le week-end de Coachella. Je serais venue, sinon. Alex et sa bande de joyeux lurons sont des personnes plutôt très sympathiques, que je n'ai plus tellement l'occasion de croiser en ce moment, et j'aurais adoré les voir.  

Elle est comme ça Alex, à faire des câlins aux personnes qu'elle aime et qu'elle est ravie de voir. Du coup Adriana n'y échappe pas. Elle sait très bien la blonde que tout le monde n'aime pas les contacts physiques autant qu'elle, mais dans le feu de l'action, elle ne pense jamais à ce genre de détail. Et puis, être ainsi fait parti de sa personnalité, et c'est ce qu'elle aime. Elle qui n'a d'ailleurs pas du tout élevée ainsi, puisque des parents froids et distants, c'est ce qu'elle avait toujours connu. Rarement ils l'embrassaient, alors des câlins... Elle ne se rappelait pas la dernière fois que sa mère l'avait serré contre elle. Ni même son père d'ailleurs... Mais ce n'était pas le moment de s'égarer dans ses pensées, alors fermant une courte fraction de seconde les yeux pendant qu'elle se serrait son amie contre elle, qui avait bien besoin de cela. Elle savait que la santé de sa mère n'était guère bonne, malheureusement...
Un léger sourire se dessine sur les lèvres d'Alex quand elle entend son amie la remercier. Elle n'avait pas à le faire, il n'y avait rien de plus normal, enfin selon la jeune Harper. Elle penche légèrement la tête sur le côté en souriant, sans rien répondre, avant de prendre des nouvelles de son amie. Qui comme elle s'y attendait n'étaient pas au top. Alex n'a même pas besoin de demander ce qu'il ne va pas elle le sait très bien: sa mère. Alors, en guise de soutien, pour montrer qu'elle était là, elle saisit la main d'Adrianna et la serra doucement dans la sienne. Un contact simple, mais qu'elle espérait vouloir dire beaucoup.

- Je suis là au besoin, tu sais...

L'infirmière n'avait pu s'empêcher d'ajouter cela au bout de quelques secondes, avant de sourire timidement. Ce genre de situation était loin d'être facile, et avec son travail la blonde le savait très bien, mais comme à son habitude, elle ne savait jamais vraiment quoi dire exactement dans ces moments là. Mais elle savait être présente, et apporter tout le soutien et l'aide nécessaire durant cette difficile période. Ca là-dessus, on pouvait compter sur elle, sans problème.
Mais Adriana ne semble pas vouloir s'éterniser sur le sujet, alors Alex décida de respecter son choix, sans soucis. Elle savait que son amie en parlerait quand elle en aurait besoin, sans aucun doute.

- Oh bah moi ça va, comme toujours. Et oui le déménagement s'est très bien passé, il y avait pas mal de bras, du coup descendre les cartons et les monter dans le nouvel appartement fut rapide.

Et puis avec le nombre d'amis venus l'aider, ils avaient fait ça en deux temps, trois mouvements comme le dit le proverbe. Et puis son déménagement était tombé en même temps que Coachella cette année, donc elle s'était doutée dès le départ que Driana n'allait pas être disponible, et elle ne lui en tint pas du tout rigueur. D'ailleurs si elle n'avait pas eu à déménager, Alex y serait aussi allée, comme l'an passé. C'était bien un coûteux cadeau qu'elle pouvait se faire grâce à l'argent de sa famille, et elle ne s'en privait pas.

- Si tu veux tout savoir, le plus long fut de tout déballer, tout ranger. J'ai d'ailleurs toujours pas totalement fini, mais ça va venir !

La blonde rajouta cela dans un éclat de rire, avant de se laisser tomber sur le canapé de la salle de pause, invitant d'un geste de la main son amie à faire de même. Il n'était pas des plus confortables, mais elles seraient bien mieux que debout.

- Et d'ailleurs, Coachella ? C'était comment cette année ?

C’est souvent dans l’épreuve qu’on voit qui sont nos vrais amis. Bon d’accord, c’est un peu du bullshit. Parce que l’épreuve dure depuis des années, et que j’ai toujours été bien entourée. Au bout d’un moment, la vie continue, malheureusement. Disons que c’est dans l’épreuve qu’on consolide les amitiés les plus inattendues. Au départ, Alex était cette petite tête légère et frivole que je croisais régulièrement au café où j’ai commencé à travailler justement lorsque ma mère est tombée malade. Alex étant Alex, elle est vite devenue une amie et un soutien imparable dans l’épreuve. Le fait qu’elle soit souvent  à l’hôpital y joue beaucoup, on ne va pas se mentir. Le fait qu’elle ait le cœur sur la main aussi. Je ne sais d’où il sort, ce petit ovni gentil et généreux, mais je suis plutôt très contente de l’avoir dans ma vie. - Je suis là au besoin, tu sais... J’acquiesce avec un sourire, je sais. Je n’aime pas trop parler de ça, je n’aime pas aller embêter les gens avec ma peine alors que personne ne peut rien y faire, je n’aime pas la réaction des gens qui quelconque soit-elle ne semble jamais me satisfaire. Je sais qu’en situation inverse, je ne saurais pas réagir non plus, alors je n’en veux à personne mais ne veux embêter personne non plus. Alex, c’est un peu différent. Elle a l’habitude, elle sait comment faire, je lui fais confiance pour ça.

Mais je n’ai pas non plus envie de m’attarder, ça reste un sujet qui fâche, et je préfère détourner l’attention sur elle. Elle va bien, son déménagement auquel je n’ai pas participé – amie en carton, #badumtss – s’est bien passé. - Il y avait pas mal de bras, du coup descendre les cartons et les monter dans le nouvel appartement fut rapide. Je plisse les yeux, pensant quelques secondes. Elle est bien entourée, Alex, quand même, mon absence n’a pas dû tellement être remarquée, ça va. « Est-ce que Jay est toujours célibataire ? » Je demande pour plaisanter, même si l’info peut éventuellement m’intéresser, urm. Précisons qu’elle a des amis pompiers & policiers, la miss, et ces gueux font du sport et en plus d’être musclés ils sont un tantinet beau. Ça m’intéresse. Je finis par aller m’asseoir à côté de Blondie, souriant lorsqu’elle confesse ne pas avoir fini de tout déballer. « Eh, ça fait plus de six mois que mon frère est revenu vivre à la maison, et je suis convaincue qu’il n’a pas terminé de ranger ses affaires. Tu as le temps. » Nous pas, apparemment. Je ne sais pas ce qu’on va faire une fois que… Une fois que la maison sera officiellement à nous, en fait. Je n’ai pas très envie de rester y vivre, et en même temps je n’ai pas envie de la revendre, mais je n’en ai pas discuté avec Anton. Ni avec Maman, d’ailleurs. Alors qu’on sait que ça va arriver depuis un an, mais la décision semble trop finale. Je retiens un soupir, avant de me perdre à nouveau dans mes pensées pas joyeuses. Je n’suis pas venue là pour ça, il faut que je m’en souvienne. - Et d'ailleurs, Coachella ? C'était comment cette année ? Nouvelle esquisse de sourire. Alors qu’auparavant j’aurais adoré lui parler du festival et lui montrer toutes les photos et vidéos que j’ai pu prendre, je n’arrive qu’à peine à m’enthousiasmer cette fois. « C’était génial. Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas fait d’aussi grande scène et ça fait du bien, vraiment, ça rebooste. Les filles sont à fond pour bosser le deuxième album… » Et moi je passe ma vie à pleurer et à angoisser à l’hôpital. Et d’un côté, ça a toujours été un peu ça, l’histoire de Now Or Never. On rencontre le succès mais la réalité et la maladie de ma mère nous, me, rattrape. Maintenant que c’est bientôt fini, que je pourrais avoir une solution toute trouvée, je n’en suis pas plus heureuse. Ni convaincue. « C’est étrange, parce que être sur scène est ce dont j’ai toujours voulu, pour d’aussi loin que je m’en souvienne. Et là… J’ai le sentiment que ce n’est pas ça, qui est important. Et en même temps, je ne sais pas quoi faire d’autre. J’ai l’impression d’être tout le temps insatisfaite, je ne sais pas quoi faire. » C’est le brouillard, aussi épais que celui qui recouvre San Francisco dans les jours gris. Vais-je réussir à réaliser mes rêves de rock star ? Les ai-je toujours ? Vais-je passer ma vie à tatouer des gens au Daddy’s Closet ? Et si finalement, la vie dont je rêve est celle calme et routinière que j’ai refusé à Harper lorsqu’elle a commencé à avancer l’idée de fonder une famille ? « Tu n’as toujours pas trouvé les réponses à toutes les questions de l’univers, à tout hasard ? » Dieu ne s’est pas réincarné en un enfant ou une sombre histoire d’un téléfilm dans le genre ? « Est-ce que tu as toujours voulu être infirmière ? » Avant de ne lui poser la question à 3 millions, à savoir si elle est heureuse, on peut commencer par la base.

La situation délicate de son amie peinée Alex, mais elle évitait de le montrer. Elle savait que ce n'était pas ce que cherchait les gens en de telle situation: ce qu'ils cherchaient c'était du soutien et du réconfort pas de la peine et de la pitié. Néanmoins, la blonde sera toujours là pour son amie, voilà une chose dont elle était certaine, et elle ne s'empêcha de lui dire avec délicatesse, avant de laisser le sujet dévier sur autre chose, ou plus précisèment sur son déménagement. Qui c'était au final très bien passé, bien mieux qu'elle ne l'aurait pensé, ayant eu assez de bras pour s'occuper des cartons, surtout de bras musclés de ses amis. En parlant de bras musclés, Driana posa une question au sujet de Jay, le meilleur ami Alex depuis leur enfance, question qui eut le don de la faire éclater de rire. Bon dieu, celui-ci était un véritable bourreau des coeurs: partout où il passait, il laissait des coeurs brisés. D'hommes comme de femmes.

- Oui, il l'est toujours. Il a décidé de profiter sa liberté pendant un temps. A voir combien de temps il tient cette fois.

Pas très longtemps, la blonde en était persuadée. Son pompier de meilleur ami était une vraie fleur bleue, autant le dire, et elle ne lui donnait pas deux semaines avant qu'il ne tombe amoureux d'une femme ou d'un homme. Pourquoi pas de Driana si cela l'intéressait, ça pourrait être cocasse et intéressant comme situation.

- Certes, mais autant être honnête, d'ici six mois, j'espère avoir fini de déballer toutes mes affaires. Je me suis d'ailleurs donné pour objectif d'avoir fini la semaine prochaine, on verra bien !

Répondit par la suite la jeune infirmière quand son amie lui annonça que son frère à elle n'avait apparemment toujours pas fini de tout déballer chez lui. Alors que ça faisait six mois qu'il était de retour. Alors là... La Harper espérait ne pas en être là dans six mois. Ca serait un cauchemar pour elle. Tout ce dont elle rêvait c'était de faire disparaître tous les cartons de son appart, ce qui lui permettrait de se sentir enfin chez elle. Et après elle s'attaquerait à la peinture et la décoration. Elle avait d'ailleurs déjà des idées, mais c'était un autre sujet. Qu'elle aborderait une autre fois, quand elle saurait exactement ce qu'elle voulait faire. En attendant, elle voulait des informations sur Coachella, qu'elle avait raté du coup. Merci le déménagement qui était bien entendu tombé ce week-end là. Cela n'aurait pas été drôle sinon. Bref, en tout cas l'édition de cette année c'était apparemment super bien déroulée, et le groupe de son amie avait adoré chanter sur cette scène. Tant mieux, elle était très heureuse pour elles, et déçue de les avoir raté, mais bon, on ne récrit pas l'histoire.

- Oh c'est super pour votre second album !

Ou peut-être pas tant que ça finalement ? Enfin c'est ce qu'Alex eut l'impression de comprendre en entendant la suite des paroles de la Parker, qui exprimait un certain doute. Doute compréhensible au vu de la situation actuelle de la jeune femme d'ailleurs. Mais que pouvait-elle, elle, Alex Harper, bien dire à ça ? C'est la question qu'elle se posait et qui lui fit garder le silence un temps, avant qu'elle ne réponde rapidement.

- Tu ressens ça car pour le moment, ce n'est peut-être pas ta priorité tout simplement ? Et donc tu n'est pas dedans à fond.

Sa priorité étant sa mère, et dans une plus grande mesure, sa famille, vu la situation que celle-ci traversait. Et c'était normal qu'elle ressente ça après tout. Enfin selon la blonde en tout cas. Blonde qui laissa échapper un nouveau rire en entendant la nouvelle question de la brune, avant de secouer la tête, disant par ce simple geste que non, elle n'avait pas trouvé les réponses aux questions de l'univers, bien qu'elle aimerait parfois. Ca pourrait l'aider dans sa vie à elle aussi. Ca elle n'en doutait pas.

Mais son sourire disparut en entendant la suite de la conversation, et la nouvelle question de Adriana qui la laissa pensive. Est-ce qu'elle avait toujours voulu être infirmière ? Non, bien sur que non. Quand elle était jeune, elle voulait être astronaute fut un temps, avant de vouloir devenir aventurière. Etre infirmière cela ne lui est venu que lorsqu'elle avait une douzaine d'années, au moment où elle s'était fait opérée de l'appendicite. Elle avait eu une infirmière tellement géniale, qu'elle s'était promis de faire comme elle quand elle serait adulte, et depuis ce rêve, ce projet ne l'avait jamais quitté. Et autant le dire, son job, Alex l'adorait plus que tout.

- Honnêtement non. Avant de vouloir infirmière, je voulais être astronaute, moi qui a toujours eu la tête dans les étoiles, mais comme tu vois ce n'est pas le cas, je ne le suis pas devenue, à l'évidence. Et après j'ai voulu être aventurière.

Dit-elle doucement plongée dans ces pensées. Elle garda un court silence, avant de reprendre la parole, juste avant que son amie n'ait le temps de parler.

- Après aventurière, je le suis en quelques sortes devenues avec tous mes voyages autour du monde, même si ce n'est pas vraiment l'aventure dont je rêvais enfant. En tout cas, être infrmière ne m'est venue que lorsque j'avais douze ans.

Alex haussa doucement les épaules, un léger sourire sur les lèvres à cette confession, avant de se lever du canapé pour attrapper sa bouteille d'eau alors posée sur la table, et d'en boire une longue gorgée. Ce n'est qu'en se tournant vers son amie qu'elle lui posa une nouvelle question.

- Pourquoi cette question d'ailleurs ? Tu envisages une recommandation dans le monde médical ?

Bon, sa demande était ironique, comme le soulignait le sourire qui accompagnait sa déclaration, mais elle ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi Adriana lui avait soudainement poser cette question.

Mes yeux se plissent légèrement lorsqu’Alex me confirme que Jay est célibataire. Est-ce que j’ai le numéro de Jay, moi ? Est-ce que j’ai vraiment la tête à ça, en ce moment ? Je crois que oui, et non, clairement pas. C’est dommage. On en rira, quand on aura 90 ans, de ce mauvais timing, c’est sûr. Si le type se souvient de qui je suis, bien sûr. J’ai un léger sourire sur les lèvres mais le cœur n’y est pas vraiment. Je suis contente que Blondie aille bien, mais j’ai la tête ailleurs. Coachella c’était vraiment sympa, j’aurais aimé rentrer dans une situation meilleure. Au lieu de ça, je passe mes journées à ignorer mes amis et à angoisser d’une mauvaise nouvelle. - Oh c'est super pour votre second album ! A me remettre en question, aussi. Est-ce que c’est vraiment super ? Est-ce que je ne suis pas un boulet pour le groupe depuis le début ? Est-ce que je ne ferais pas mieux d’arrêter, est-ce que je n’ai pas envie d’arrêter ? Je suis complètement perdue, et je m’en remets à la sagesse de mon amie à qui je confis mes craintes. - Tu ressens ça car pour le moment, ce n'est peut-être pas ta priorité tout simplement ? Et donc tu n'est pas dedans à fond. Et peut-être, j’ai pensé à ça aussi mais j’ai l’impression qu’il y a plus derrière. Je hausse légèrement les épaules, retenant à peine un soupir. Je n’aurais jamais cru me retrouver à 24 ans, avoir rencontré le succès comme j’en ai toujours rêvé et ne pas savoir ce que je veux vraiment dans ma vie. Le destin a quand même un don pour embrouiller les choses. J’ai toujours voulu faire ça, j’ai la chance d’avoir réussi un peu, pourquoi je ne peux pas m’en satisfaire ? Je demande à Alex si elle est satisfaite, elle, de son métier. Si c’est ce qu’elle voulait faire, au départ. - Et après j'ai voulu être aventurière. Un léger rire m’échappe, parce que je l’imagine tellement avec une tenue de cowboy et un chapeau trop grand… Indiana Jones, quoi. Elle a quand même trouvé sa vocation jeune, comme moi, et ça ne m’aide absolument pas. Est-ce qu’ils reçoivent les ados attardés, les conseillers d’orientation, de nos jours ? - Pourquoi cette question d'ailleurs ? Tu envisages une recommandation dans le monde médical ? Erf, non, merci, je n’ai pas envie de retourner à l’école. Les cours que j’ai dû prendre pour rejoindre le Daddy’s m’ont assez cassé les pieds d’ailleurs, et je me souviens que je suis censée passer mon examen cet été, merde. « Je tiens à peine le coup pour ma mère, je ne pense pas que je ferais un bon médecin ou docteur, Alex. » Je peux placer une blague ici et là, éventuellement, mais mon humour serait sans doute un peu trop morbide et on va me renvoyer très vite. Je préfère laisser faire les professionnels, merci. « Mais je ne sais pas, j’essaie de réfléchir…  » Ce serait pratique, quand même, s’il y avait un petit mode d’emploi avec ce qu’on appelle la vie. Reçu à la naissance, qui s’écrit magiquement au fil des années. « Ne mange pas les cailloux », « les règles c’est pas grave », « ne rappelle pas ton ex en plein milieu de la nuit parce que tu es bourrée et qu’elle te manque », « deviens une rockstar et aime ça ». Erf. Non, il faut qu’on devine tout et en plus, il faut qu’on devine juste du premier coup, sinon on n’est pas heureux. « C’est compliqué. » J’explique dans un semblant de conclusion. « Je vais peut-être tout plaquer et faire une thérapie avec des moines tibétains, le temps de découvrir si je suis heureuse ou pas. » Ou pas, si c’est juste un coup de mou à cause d’une mauvaise période… J’espère vraiment que c’est le cas. « Tu voudras venir ? » Un peu de compagnie ne me dérangera sans doute pas, et puis c’est un bout de soleil Alex, elle pourra éclaircir les jours les plus sombres.

Adriana ne traversait pas une phase facile, Alex le savait pertinnement, alors si il y avait quelque chose qui pouvait lui changer les idées, c'était certainement ce qu'il fallait faire. Il y avait apparemment ce second album que le groupe de la jeune femme allait pouvoir enregistrer, mais en regardant bien son amie, la blonde ne semblait pas avoir l'impression que la nouvelle emballée son amie qui était à ses côtés. Cependant, elle ne releva pas cela, préférant se dire qu'elle se trompait ou que la phase que traversait son amie pouvait expliquer son manque total d'enthousiasme. Cet album n'était pas sa priorité, et cela pouvait parfaitement se comprendre. Si sa mère à elle était clouée au fond d'un lit d'hôpital elle aurait sûrement les pensées préoccupées par son état... Quoi que, la relation d'Alex avec ses parents ne ressemblait en rien à celle que son amie avait avec sa mère. Mais le moment n'était pas venu de penser à cela.
Leur conversation dériva sur ce que la blonde avait voulu faire enfant, avant de devenir infirmière, et comme tout les gosses, elle avait voulu être des tas de choses. Pour finir infirmière. Un métier qui lui plaisait vraiment, bien qu'il soit parfois lourd et difficile, surtout quand on travaille en pédiatrie, et que les enfants que l'on soigne ne sont pas guérissable. Mais avec le temps, Alex s'était endurcie, tout en restant passionnée et attentive à chacun de ces petits patients. D'ailleurs, la blonde se faisait la remarque que peut-être son amie voulait rejoindre le monde médical, bien que cela l'étonnait vu ce qu'elle traversait. Et elle ne se trompait pas.

- Ouais, ce n'est pas un métier facile...

murmura-t-elle en réponse à son amie qui lui disait que non, elle ne tiendrait pas le coup vu ce qu'il arrivait à sa mère. Pauvre femme d'ailleurs? Tout ce que l'infirmière espérait c'est qu'elle ne souffrait pas trop.

- Réfléchir à repartir de zéro professionnellement ?

Interrogea la blonde doucement, avant de tendre la main vers sa bouteille d'eau pour en boire une gorgée, tout en écoutant Adriana lui dire qu'elle irait peut-être faire une thérapie chez des moines tibétains.

- Des moines tibétains, carrément ? Tu irais aussi loin que le Tibet ? Car si jamais, je sais qu'il y a une retraite du même genre à l'extérieur de la ville, à une cinquantaine de kilomètres, au calme dans les monts californien. Ca peut peut-être t'intéresser.

Elle le savait car sa soeur y avait fait une retraite de plusieurs semaines l'an passé, lorsqu'elle avait fait une sorte de burn-out à cause de son travail, de ses enfants, et de ses parents qui lui prenaient la tête sans arrêt. Du coup, elle était allée s'enterrer là-bas, et au besoin, sa soeur pourrait lui demander l'adresse.

- Quant à t'accompagner, ça pourrait se faire oui. Du repos, du soleil et de la méditation, que demander de plus ?

Des vacances en somme, et la blonde en avait besoin. Elle avait d'ailleurs hâte d'y être dans quelques semaines.

- Je nous vois bien faire du yoga au lever du soleil pour saluer le début de sa course journalière.

Ajouta-e-elle dans une petite pointe d'humour, sourire aux lèvres, espérant détendre l'atmosphère de la pièce.

Je pensais qu'à presque 25 ans j'aurais compris le sens de la vie et saurais au moins quoi faire de la mienne. Fut un temps où j'étais une ado rebelle pleine d'ambition. Aujourd'hui je suis un quart de siècle complètement perdu, qui a un peu réussi dans la vie et qui ne sait déjà plus quoi faire, et encore moins comment. Je n'envisage pas de me reconvertir en infirmière ou médecin, pas sérieusement du moins. J'ai déjà fait ce saut de reconversion professionnelle, il m'a bien réussi et je vais éviter de repasser par cette étape. Ce n'est pas comme si j'ai à choisir entre la musique ou le tatouage. Pour l'instant, j'arrive à exercer les deux sans trop de soucis. Non mon problème, c'est le facteur Maman Parker qui a toujours tout influencé dans ma vie. Elle m'a élevé, elle a poussé indirectement la carrière de Now Or Never puisque j'ai forcé la chose pour pouvoir payer son traitement, mais elle l'a aussi ralentie parce qu'elle est l'une des raisons pour laquelle on ne s'est pas précipité sur le succès du premier album et qu'on est resté ancré à San Francisco. Je suis en train de perdre mon facteur, et si c'est une épreuve en soi que je me prépare à vivre depuis plusieurs années c'est surtout l'après qui m'effraie. Est-ce que je suis vraiment si douée ou si indispensable que ça dans la musique ? Est-ce que je ne suis pas bonne pour une vie simple et posée, avec la famille et les enfants dont Hannah rêvait ?

- Réfléchir à repartir de zéro professionnellement ? Je hoche légèrement la tête, non, ce serait trop extrême quand même. Mais je ne sais pas, je suis paumée, je sens qu'il y a un truc qui cloche et me frustre et que je ne suis pas heureuse. Je plaisante à moitié lorsque je dis que je vais faire une retraite spirituelle au Tibet et l'invite à me rejoindre, fronce les sourcils lorsqu'elle me parle d'un lieu plus proche. Franchement ? Mon moi ado aurait ri, mais mon moi d'aujourd'hui semble avoir cruellement besoin de repos, d'aide et de changement. Je suis la première surprise de ma réponse, mais j'en suis assez confiante. « En vrai, oui, ça m'intéresse. » Ça peut-être une expérience comme une autre. Au mieux, j'en sors grandie. Au pire, ça ne me plaît pas et je pourrais ajouter ça à la liste des choses qui ne sont pas pour moi. - Quant à t'accompagner, ça pourrait se faire oui. Du repos, du soleil et de la méditation, que demander de plus ? Je suis presque sûre que la réponse à ça est la paix dans le monde. Mais bon, des vacances, c'est déjà bien. Et plus réaliste. Pour le yoga, je ne suis pas sure, mais soit. « Tu me parles de yoga et la seule chose à laquelle j'arrive à penser c'est ce foutu lama fan de yogz dans le dernier L'Âge de Glace. » J'ai de la culture, il ne faut pas croire. Et je parle beaucoup de L'Âge de Glace dans mes RP avec Alex, je suis désolée.

Le biper d'Alex résonne et je jette un oeil à l'horloge sur le mur. Je m'attarde, et la belle doit retourner travailler. Je saute sur mes pieds, m'étire dans un soupir. Vous voyez, je fais un peu de yoga, quand même. « Je vais te laisser travailler, tu as des vies à sauver. » Et j'ai des vies à aller câliner, au-dessus, avant qu'elles ne disparaissent. Je tends les bras pour serrer la blonde brièvement, esquissant un léger sourire. « Merci pour ton temps, ta patience et ton oreille attentive. » J'ai vraiment de la chance d'avoir des gens comme Alex dans ma vie, si vous me demandez. On devrait tous être des Alex, même. Alex blondie, pas Alex grumpy cat qui m'sert de boss, précisons. A la prochaine, pour le cours de yoga en plein milieu du désert ?