Les jours ne se ressemblent pas, en ce moment. Tout s'enchaîne très vite et j'ai à peine le temps de penser à demain que demain est déjà hier. C'est avec un certain regret que je pense à la Ana de 2017, malheureuse de vivre parce que ça fait deux mois qu'elle est revenue à San Francisco et que rien n'a l'air d'aller, alors que pas mal de choses allaient bien, et qu'elle en a donc envoyer bouler quelques-unes. J'aimerais lui dire que ce n'était qu'un mauvais moment à passer, que les choses s'arrangent quand même vite, et qu'on y arrive à ces instants d'adrénaline et de rush. Après, évidemment, Ana de 2017 ne m'aurait pas écouté parce qu'elle était jeune et un poil impulsive. Et bien sûr, je n'aurais sans doute pas cette vie aujourd'hui s'il ne s'était pas passé ça avant. J'ai vu Endgame, c'était nul, mais c'est l'histoire de la ligne du temps qui se fait incohérence à la fin mais bref. Tout ça pour dire ? Ma vie est éclectique et je bouge beaucoup, en ce moment, c'est très plaisant. Bien sûr, il y a toujours la routine imposée par mon boulot au Daddy's. Mais même ça me semble différent, changé, je m'y sens mieux. À croire qu'il me fallait juste un petit bout de papier certifiant mes compétences pour ça. Je sais qu'avoir enfin obtenu ma licence que je repoussais depuis longtemps n'est pas la seule raison à. L'ambiance reste cool, je n'ai plus l'esprit préoccupé de pensées sombres à cause de ma mère, et Alex a été compréhensif dans l'épreuve ce qui était franchement sympathique de sa part. J'ai l'esprit préoccupé par d'autres trucs, aujourd'hui, mais des joyeux et des plus musicaux. On commence à voir loin dans mon emploi du temps et mes rendez-vous, le chargeant moins alors que la fin de l'année approche et que mon absence risque d'être imminente. J'essaie de séduire Alex à l'idée de laisser Kerr me remplacer, sans grand succès pour l'instant. Mais si tout se passe bien, on sort un album dans quelques mois et l'envie de repartir en tournée me démange. Faire quelques dates ici et là ne suffit plus, on a tout un public à conquérir, avec des nouvelles choses. Une musique différente du premier album, beaucoup trop de propositions à faire au label. On n'a pas chômé, clairement, mais on a créé par envie inspiration et non par nécessité comme c'était un peu le cas au début et ça y joue beaucoup. Ça fait du bien. L'idée d'inclure les garçons au projet n'était peut-être pas si mauvaise que ça, finalement.

Le squat se fait entre mon domicile et celui d'Ashton, maintenant. C'est un peu comme ces téléréalités nulles, il y a la maison des filles et la maison des garçons. Celle d'Ash a l'avantage de l'habitude et de pouvoir accueillir plus de monde pour dormir, la mienne a le privilège d'avoir un studio de musique au sous-sol. Coïncidence étant que nous n'habitons pas loin l'un de l'autre, c'est pratique pour les répétitions express. On est samedi matin, début du week-end. Kerr dort dans mon bureau non aménagé qu'il a décidé de transformer en sa chambre, et je ne dis rien parce qu'il y a tellement de passages et de monde qu'une personne de plus ou de moins ne dérange pas, et c'est Kerr. Lynn occupe le canapé du sous-sol, Ash - oui, le même Ash qui habite la maison d'un côté - celui du salon, malgré quelques protestations de ma part lui indiquant que je possède un lit deux places. « Stop trying to get in my pants, Parker. » Qu'il a dit, gagnant un regard dubitatif de ma part. Been there, done that, mate. Mais je n'ai pas lutté, il était déjà deux heures du matin et un truc moelleux et douillet m'appelait. C'est un truc moins sympathique qui me réveille, beaucoup trop tôt à mon goût, et il me faut tout le courage du monde pour me lever. Je travaille cet après-midi, il n'y a plus grand chose dans mon frigo et tout un tas de gueux à nourrir, il faut que je me bouge le derrière. Ne faites pas d'enfants. Personne n'est debout lorsque je rejoins la cuisine, bercée par les presque ronflements du drummer endormi dans mon salon. Ceci est un appel à la luxure du sommeil et c'est indécent. Je me dépêche de petit-déjeuner avant de ne céder à la tentation d'aller me coucher. Ashton a un œil d'ouvert quand je passe aussi discrètement que possible devant lui pour aller chercher mes chaussures, et grogne quelques syllabes impossibles à comprendre car trop endormies et australiennes. Mais c'est très mignon, ne faites pas ça M'sieur. Je l'ignore, attrape mes baskets - appareillage nécessaire pour déambuler au supermarché - mais accorde quand même un poil d'attention à l'endormi qui tend un bras dans ma direction quand je repasse devant lui. Je me penche légèrement pour aller lui embrasser un bout de son front, glissant quelques mots près de son oreille. « My bed is still an option, Monkey Man. » Ça le fait rire, et c'est avec un sourire aux lèvres que je quitte mon chez-moi.

Je ne suis pas une grande fan des courses, j'achète toujours trop. C'est pratique en ce moment parce que j'ai du monde chez moi, ça l'est moins quand il n'y a personne ou la routine et que trois paquets de chips ne font pas un repas. J'ai ma liste de faite, et une plus petite en coin avec le nom de Bash au-dessus, mais mon caddie déborde toujours et je n'arriverai donc jamais à lutter contre cette fichue société de consommation. Triste affaire. Kerr et Lynn petit-déjeunent dans la cuisine quand je repasse déposer ma multitude de sacs en tissus, soyons le minimum de l'écolo, et je les charge de tout ranger et d'être sages - leur embrassant une joue à chacun au passage. Je commence à développer des instincts maternels, c'est un tant soit peu effrayant.

I hope you're awake lil' fucker, I'm coming over.

C'est avec toute l'affection que je lui apporte que je préviens Bash de mon arrivée imminente. Il commence à avoir l'habitude, je pense, de mes visites impromptues et jamais à la même heure. Généralement après que j'ai fait la corvée courses, où je récupère quelques produits frais pour lui. Un esprit dans un corps sain. J'ai conscience qu'il est parfaitement capable de faire ses courses seul, mais ça me permet de trouver une excuse pour passer chez lui et c'est une des manières dont je dispose pour lui montrer que je suis là. Occupée et pas forcément toujours disponible, mais présente, cette fois-ci. Bash n'a pas l'air d'être réveillé quand je frappe puis sonne chez lui. Et vu l'heure tardive, j'espère qu'il a une bonne raison pour ne pas venir m'ouvrir, et pas une mauvaise type consommation de substances dangereuses voire illicites. Mais la porte finit par s'ouvrir, et c'est un Bash échevelé et tout en bataille qui apparaît. Mes lèvres s'étirent en un sourire et je ne me fais pas prier pour entrer. « Hi! » Parce que c'est la journée distribution de bisous, je me hisse sur la pointe des pieds pour lui embrasser une joue, avant de filer dans sa cuisine. « I've bought you carrots, to make you nicer. » Faisant comme chez moi, je commence à ouvrir son frigo et ses divers placards pour y ranger les denrées alimentaires nouvellement achetées. Et pour vérifier qu'il n'y traîne pas de petit ou gros sachet, pour sa consommation personnelle ou pour en revendre. Bash est plus intelligent que ça, j'imagine, s'il voulait continuer ou replonger il trouverait sans doute d'autres endroits où planquer ses affaires. Mais ça me rassure, à défaut de pouvoir être physiquement présente pour lui, je prends ce que je prends. « How you doin'? » Je demande, prenant soin de regarder le brun pour entendre sa réponse.

@Bash Portters  

On dit souvent que le temps passe et que les choses changent. Est-ce-que c’est vraiment le cas ? Je n’en suis pas sûr. Parfois j’ai l’impression que oui, parfois j’ai l’impression que pas du tout. Quand je regarde dans les quelques mois, les années passées, pas mal de choses ont changées, et pourtant, j’ai l’impression que je n’ai pas tant changé que ça, que je suis toujours le même sale gosse, que je n’ai pas fait foncièrement grand-chose de mieux que ce que j’ai pu faire. Puis il ya des jours où je me dis que j’en ai fait du chemin, que je reviens de loin. Que ça pourrait être pire. J’aurais pu finir entre 4 planches, ou encore entre quatre murs de béton avec pour seule compagnie, des rats. J’essaye de changer, de faire bouger les choses, mais c’est pas simple. En même temps, pour qui c’est simple ? Changer toutes vos habitudes, perdre certaines qui vous détruisent à petit feu, en prendre certaines pour tenter d’avoir une vie plus confortable, ce serait simple pour vous ? Seriez vous prêts à tout abandonner, pour mener une longue bataille, difficile, pour prendre un chemin différent ? Je me suis longtemps demandé si j’étais en capacité de changer vraiment, si j’en avais la force… Parfois je me dis que oui, quand je passe des bons moments, quand ma vie pour une fois se fait un peu plus douce, quand j’arrive à me lever le matin et que je ne ressent rien d’autre que la légèreté d’un corps un temps soit peu clean, que ma tête ne menace pas d’exploser. Dans ces moments je me dis que j’ai la force d’aller plus loin de continuer. Mais il y a ces douloureuses insomnies, ces tremblements parfois, ce corps qui lâche souvent, ce souffle qui se fait court quand le manque est trop fort. Il lui arrive même d’être trop fort, et de me rapprocher un peu plus de la folie, de ces moments où je me dis simplement, Qu’est ce que t’en a à foutre, Bash, elle est déjà foutue ta vie. T’as passé 21 ans à faire de la merde, c’est trop tard pour toi. Ces moments-là où abandonner me semble être la seule solution, la seule chose qui me reste à faire. Ces moments où Bash prends le dessus sur Bastian. Cette dualité. Ce combat contre moi-même. Il est épuisant ce combat. Il est difficile à mener, mais quelque part, j’essaye chaque jour de me dire que je peux y arriver. Même si c’est pas gagné d’avance, et que je vais sûrement encore chuter en chemin, il parait qu’on s’en relève.


J’ai fait des efforts, et j’ai fais le tri dans ma vie. J’ai trié mon appart, j’ai fais du vide. Je n’ai  Je ne suis plus seul, je m’entoure, j’essaye. J’ai tiré un trait sur certaines personnes. J’ai réussi à dire au revoir à Prim, après une brève passade. C’était difficile, au début, parce que c’est une croix sur mon passé, c’est une page que je tourne, mais je pense aussi, que c’est un poids dont j’avais besoin de me débarrasser. C’était une belle histoire, mais une histoire qui se devait de prendre fin, et d’avoir une fin propre, et raisonnée. J’ai réussi à faire revenir Ethann, à mes côtés. Il m’épaule dans mon combat, c’est pas simple, pour lui, ou pour moi, parce que j’ai du mal à parfois être calme, et c’est lui que j’appelle, lorsque mon corps lâche, ou que mon esprit flanche. C’est loin d’être simple pour nous deux, mais Ethann est un véritable ami. J’ai de la chance d’avoir son soutien. Il y a Marley, elle est souvent présente dans ma vie ces derniers temps, elle aussi, je crois qu’elle veut s’en sortir, mais je pense qu’elle est aussi paumée que moi, parfois, alors on essaye de trouver notre chemin ensemble. On peut pas dire que ce soit toujours très concluant, mais on s’entraide, et je crois que j’aime bien l’avoir avec moi. Elle apporte quelque chose à ma vie, un peu de soleil. Ethann il dit que j’ai un type, il me soupçonne d’avoir un souci avec les rousses, Primrose, Ana, Marley. Il pense que j’ai un truc pour Marley, que je souris plus quand elle est là, perso, j’en sais rien. Je veux pas savoir. J’ai pas vraiment le temps, ni l’énergie pour me pencher sur le sujet, pour le moment. C’est pas le moment, justement. Je pense qu’il faut que je me construise moi-même, avant de construire quelque chose. Il faut bâtir les fondations, avant de fonder une maison. En attendant, elle a dormi là hier soir, et est partie bien trop tôt ce matin, après avoir eu un appel de sa sœur. J’en avais profité pour me reposer, et dormir encore un peu.


Et puis il y a Ana.


Oh Ana, l’ange de mes démons. Elle est toujours là, une lumière à mon tableau. Elle va mieux, je crois, elle a repris la musique, et elle sourit, alors je pense qu’il y a du mieux, et j’en suis heureux. Elle le mérite. Elle mérite d’être heureuse, Ana. Quand elle disait qu’elle voulait être dans ma vie, et m’aider, disons qu’elle n’a pas pris les choses à la légère. Elle se pointe bien trop souvent à l’improviste pour vérifier si je vais bien, et si je suis dans un bon état physique et mental. J’ai pris l’habitude, mais parfois, y a une pointe d’agacement, mais je le vis bien en règle générale. Mais là il est trop tôt, et je veux dormir, et j’ai eu une longue nuit, on a discuté tard avec Marley, et ugh. J’ai même jeté mon téléphone, qui avait vibré pour me prévenir de l’arrivé d’un message. Mais elle s’est pointée à ma porte, et elle sonne même. Aucune chance que je puisse finir ma nuit, donc. Bon. Je pose les pieds sur le carrelage trop froid, et me dirige vers la porte, me fichant clairement de ne porter qu’un short, et de ressembler à un balais à récurer les toilettes vu ma coupe approximative, mais c’est Ana, et elle m’a vu dans des états pires que ça, et bien moins habillé aussi. Mais ça, c’est de l’histoire ancienne. « Hi ! » Elle est bien trop enjouée et… AH, très bien, j’ai même le droit à un bisous sur la joue. « You’re way too joyful for a mornin, Ana. » Que j’ai grondé, en referment la porte, alors qu’elle se glisse dans ma cuisine, pour ouvrir mon frigo et y ranger les courses qu’elle me fait régulièrement. « I’ve bought you carrots, to make you nicer.” Que de gentilesse. Je m’appuie contre mon plan de travail, la bouteille de jus d’orange entre mes mains. «  How nice of you. Thanks. You know you don’t have to do that, right ?» J’apprécie le geste. Ana est foncièrement adorable de prendre soin de moi comme ça… Je sais que ça la rassure, et quelque part je préfère ça, puis j’aime à croire qu’il y a une relation de confiance entre elle et moi, et c’est rassurant pour moi aussi. Je me sens entouré, et c’est important. Je sais que je m’en sortirais pas seul. «  How you doin’ ?» L’habituelle question, alors qu’elle termine son tour d’inspection par ma face mal réveillée du matin. « Actually, i wanna go back to sleep. But otherwise, i’m fine. I guess. »  J’ai pas fais de crises dans mon sommeil, ni de cauchemar. Yay me, good job. J’hausse les épaules, et lui tends un verre de jus, j’ai plus de bières dans le frigo. Ca aussi c’est une nouvelle résolution. « You’ve got dark circles. Hard night ?» Me pris-je à demander un sourire taquin au bord des lèvres pour qu’on évite de trop parler de mon état. Même si c’est la principale chose qui meuble nos conversation, il est trop tôt, et je me sens bien, et rien ne se cache dans mon appart, et au pire, c’est à Marley et pas à moi.

HURRY UP BUTTERFLY, THE CLOCK IS TIKIN'. C'est que je ne peux pas rester toute la journée à attendre que Bash daigne m'ouvrir sa porte, après ça je dois filer bosser. Je mangerais quelque part ou en chemin selon si je m'attarde ici ou non. S'il ne m'ouvre pas, c'est bien parti pour en chemin. Mais il ne doit pas trop aimer que je viole sa sonnette, pas pratique pour dormir, parce qu'il ouvre enfin - tout débraillé, digne d'un modèle d'une pub pour les céréales, il devrait se reconvertir. Je le salue comme il se doit, avec un peu de bonne humeur et de tendresse, avant de m'inviter chez lui. « You’re way too joyful for a mornin, Ana. » Ça m'arrache un bref rire, je hausse les épaules. « Thanks, you're cute, I try. » He doesn't like being called cute. Pas besoin de petites drogues pour être plein d'énergie, Bash, il suffit de faire de la musique jusqu'à pas d'heure, voyons !

Je commence à ranger les courses, essayant de lui faire un inventaire de ce que je lui ai apporté, le taquinant au passage. « You know you don’t have to do that, right ? » I know, but I want to. « Ta-ta-ta, you're not getting rid of me that easily Bastian Portters. » Yep, j'utilise le nom entier pour lui témoigner de mon sérieux, 'tention ça ne rigole plus. J'arrête de m'agiter et roule en boule les sacs en tissu - la patience, je ne connais pas - avant de lui demander comment il va. Il n'a pas l'air terrible et fatigué des états de manque, mais il n'a pas l'air heureux des beaux jours non plus. Je ne sais pas, par un simple regard, comme il va, et je m'en inquiète un peu. « Actually, i wanna go back to sleep. But otherwise, i’m fine. I guess. » ... C'est rassurant ? J'attrape le verre de jus qu'il me tend, les yeux plissés. « Okay? » Il peut développer, peut-être ? « You’ve got dark circles. Hard night ? » THAT'S NOT HOW YOU TALK TO WOMEN, JEEZ. « Productive night. I think. I don't remember much, but yeah, we got high on life and banged 'til late. » That's way too much double meaning, that, Ana. « What about you? Got high on anything and banged anyone lately? » J'vous jure que sur l'instant, j'ai une expérience où je me vois de l'extérieur, développer ces instincts maternelles qui ne me ressemblent qu'à peine. « What I mean is: why are you lacking sleep? » Je suis en pleine période de fertilité, ou comment ça s'passe ? Send the fucking help fucking right now.

@Bash Portters  

Est-ce que j’ai dis que je manquais de sommeil ? Que je veux retourner dormir ? Que la compagnie de mon lit, me manquais plus que tout actuellement ? Je ne l’ai pas quitté depuis plus de 5 secondes pourtant, mais non. Le bougre me manque déjà. Il est fidèle quand même, et confortable, et… Et Ana continue de toquer à la porte, et à harceler ma sonnette pour que je vienne lui ouvrir. Mais je traîne des pieds, je sais qu’elle s’impatiente derrière la porte, ou qu’elle s’inquiète, j’sais pas trop ce qui lui passe par la tête, par moment. J’ai pas pris la peine de m’habiller, j’avais pas envie, j’avais la flemme, tout ce que vous voulez, et puis c’est pas une paire ou deux d’abdos, qui risquerait de la choquer, elle en a vu d’autre. Je finis par tomber sur son grand sourire, et ses salutations trop enjouées, pour un matin, je me questionne sur ce qu’elle boit, ou mange le matin tout de même. Mais elle est tendre, et jolie avec ce sourire, alors c’est sans surprise, qu’elle finit par m’en coller un, de sourire. « Thanks, you're cute, I try. » UGH. Non. Elle fait tout de suite disparaitre mon sourire. Je veux bien être plus cool, et détendu, et moins chiant, il n’en reste pas moins que je déteste qu’on dise que je suis cute tout simplement parce que j’ai trop de casseroles pour être quelqu’un de cute. Je me contente de lever les yeux au ciel, de râler un peu, avant de la suivre.


Je l’écoute faire son retour de courses. Son engouement me fait du bien, sa compagnie aussi, elle m’évite de sombrer. Mais ce matin, je vais bien. Elle m’aide, et je vais bien. C’est fou, de me dire que par moments, j’ai l’impression d’aller bien, puis, d’un coup, tout peut tomber, tel un château de cartes poussé par le vent. Je suis un château de cartes, bancal, fragile, avec de faibles fondations, mais pour le moment, je me construis, en attendant la prochaine rafale. Elle viendra. Pour le moment, je profite de son absence pour m’ériger, et espérer ne pas totalement m’écrouler. Alors je profite aussi du peu que j’ai. J’ai Ana, qui range mon frigo, comme elle rangerait celui d’un proche. Je suis un proche. Je vais bien. « Ta-ta-ta, you're not getting rid of me that easily Bastian Portters. » Elle utilise mon prénom, mon vrai prénom, et sur le coup, je ne sais pas si ça me fais du bien, où j’ai envie de lui vomir mon jus d’orange sur ses baskets. « That’s kinda weird. I think kinda, like being called by my full name. Do you find it weird ? » Demandais-je un peu perdu dans mes pensées. On s’étends sur des politesses, à savoir la question qui lui démange la langue depuis qu’elle est là. Vais-je bien ? Tu le sais toi, Ana ? Parce que moi non plus. « Okay ? » Oui, donc, demander Puisses-tu, Bastian, développer, et exposer ton état de santé, en 2 diaporamas, et un exposé de 70 pages ; s’il te plait ?, aurait été plus simple, hein. « I’m fine means, i lack sleep, but, i’m doin good. No crisis, no nightmares, no pills, no alcohol, for a couple of days. It’s complicated sometimes, but I’m doing good at keeping a bit of control. It’s just tiring. Like, it’s a battle, and it’s complicated, so I might not look fine physically, because you woke me up, but I’m good, I swear. » Dis-je après avoir avalé ce liquide, qu’avant j’aurais été incapable de boire , sans une goutte de vodka, ou que tequila à l’intérieur. On est sur le bon chemin, je crois. « Is it bettre that way ? » Ajoutais-je, un sourire narquois sur les lèvres, après le récit du je vais bien, tout va bien, je suis juste fatigué. C’est épuisant, ce genre de bataille.


Elle aussi, elle a l’air épuisée. Elle a des cernes bien creusées, bien bleues, et si vous croyez que je me suis fait un malin plaisir à le remarquer, c’est clairement le cas. Ca détourne le sujet de ma personne 3 secondes. J’ai cependant bien du mal à ne pas lever un sourcil sur ses phrases qui veulent tout dire, et rien dire à la fois. Je sais qu’elle s’est replongée dans la musique, mais l’a-t-elle fait seule, ou a-t-elle un soutien particulier ? J’éluderais la question plus tard, parce que comme un boomerang, on redirige la conversation sur ma personne. J’ai envie de soupirer, mais je suis poli. « What about you? Got high on anything and banged anyone lately? What I mean is: why are you lacking sleep? » qu’elle a rajouté, en voyant que j’avais pratiquement avalé mes vitamines liquides de travers. Okay, alors on part là-dessus ? On va se conter nos histoire personnelles ? I guess, let’s go. « I’m lacking sleep, because i was with a… » Je cherche pendant quelques instants comment définir Marley. « … Friend. She slept here last night, just slept, if you’re asking, but yeah. We talked without looking at the clock, and she barely even slept to be honest, her sister called her earlier before your arrived.» Dis-je en haussant les épaules. Rien de plus ou de moins, certes mon entente avec Marley était agréable, presque trop belle. Mais on avait besoin de surmonter nos démons, tous les deux, avant de songer à quoi que ce soit. Le chemin sera compliqué, mais Marley à confiance en moi, et moi en elle. C’est précieux, il parait. « We’re struggling the same stuff… But anyway,we’ll be fine I supposed. What about you, how are you ? What’s new in Ana’s world ? How’s the collab with your friends going ?»

L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Ou une sombre histoire dans le genre, hein, moi j’en sais rien. En tout cas je me suis levée tôt malgré m’être couchée tard parce que j’ai des trucs à faire. Les courses, aller bosser. Je ne suis pas prête à abandonner mon boulot au Daddy’s, parce qu’on n’est qu’au début du deuxième album. Et même si on rencontre le succès espéré, si on repart en tournée, j’ose espérer avoir toujours ma place au salon. Il va falloir que je fasse un argumentaire très logique et que j’essaie de prendre Alexander Black par les sentiments, si je vous jure il a des sentiments et il m’aime bien – quoi qu’il en dise. Mais ce n’est pas pour tout de suite. Tout de suite, c’est affronter la tête bougonne et mal réveillée de Bash et renflouer ses placards. Bash qui essaie presque de me chasser, moi et mes nouveaux instincts de maman poule – je blâme Kerr pour ceux-là – m’obligeant à utiliser son nom entier. J’ai vu sa carte d’identité avec sa tête pré-pubère dessus. « That’s kinda weird. I think kinda, like being called by my full name. Do you find it weird ? » Je hausse les épaules. « Don’t know. I hate being called by my full name, but that’s just because it used to mean I did something wrong and my parents were about to ground me. » Adriana Isabella Parker, come here right now young lady. J’en frissonne encore de dégoût, brr. « But maybe not much people have called you Bastian, maybe it can be your new start or your salvation, whatever, own it back? » Trop de philosophie, j’ai étudié l’histoire de l’art à la fac pas la psychologie, rappelons-le.

Je lui demande comment il va, et il me faut un peu plus de détails. Je répète : je n’ai pas étudié la psychologie ou le langage, et aux dernières nouvelles je ne sais toujours pas lire dans les pensées. Il va bien, il manque de sommeil, pas d’mauvais trucs nuls, 10/10. « It’s complicated sometimes, but I’m doing good at keeping a bit of control. It’s just tiring. Like, it’s a battle, and it’s complicated, so I might not look fine physically, because you woke me up, but I’m good, I swear. » Je lève les yeux au ciel lorsqu’il me rappelle l’avoir réveillé – remets-toi en frère – mais un sourire finit par s’installer sur mes lèvres. « That’s great. » Vraiment, je suis contente de voir qu’il se prend en main et qu’il cherche à aller mieux. « Is it better that way ? » Don’t tease me, Bastian. « Much. » I’ll make a poet out of you. Il me retourne la question, je suis fatiguée mais d'une bonne fatigue et élude le sujet rapidement pour le ramener sur lui. Dans le genre chiante, bonjour. « I’m lacking sleep, because i was with a… » A GIRL HE WAS WITH A GIRL. « Yeeess ? » Je ne cherche pas les gossips, c’est : faux. « … Friend. » NO ! « Disappointing, but go on. » Il ne s’est rien passé, d’après lui. Uh. Choquant. « Who are you and what have you done to Bash? » J’ai trop dormi et il est devenu gentleman, d’un coup d’un seul ? Wow. Je suis impressionnée, dites-donc. « We’re struggling the same stuff… But anyway, we’ll be fine I supposed. » Qui se ressemble s’assemble, et on fait les meilleures confitures dans les vieux pots ? C’est la journée des expressions pourries, oui pourquoi ? « Do you like her? » Il sait qu’il a le droit de traiter les femmes avec respect et de les aimer, ou je le lui rappelle avec gentillesse ?

« What about you, how are you ? What’s new in Ana’s world ? How’s the collab with your friends going ? » ALORS ALORS, buckle up. « I’m doing pretty great. I managed to snatch my tattoo artist diploma and get a raise, which is pretty cool. » Je joue dans la cours des grands maintenant, ça y est. « And the collab is going so good! I was a bit afraid at first but we clicked at some point and now we’re full on inspiration, so yeah. » I’m very happy and fulfilled. « Also I sort of have a boyfriend now. » Big up à la Ana d’il y a quelques mois qui ne pouvait pas entendre ce mot sans faire une crise d’urticaire. Je hausse les épaules, un sourire sur les lèvres. « So anyway, I’ve been through some shit but life is better now. » Y’a pas de raisons pour que ça ne lui arrive pas également, faut garder espoir.

@Bash Portters