Après la collab et le boost donné à notre musique, l'album n°2 de Now or Never a été validé et félicité par notre maison de disque. La campagne de marketing a déjà commencé, nos fans sont teasés sur les réseaux sociaux. Le premier single sort le premier janvier.  La sortie est prévue en février. On part en tournée cette été, en compagnie de nos camarades des Space Boots. Et on pourrait célébrer et se reposer, profiter de nos derniers instants de tranquillité avant de retomber dans le rush et la vie erratique qu'est celle de rockstar. Mais on est trop impatients, on a trop d'adrénaline pour rester tranquille. On a donc commencé les répétitions dans le garage d'Ash, réaménagé pour accueillir plus d'instruments qu'à l'accoutumé. On a très exactement 11 setlists différentes, amenées à changer selon les petits succès de chacun. Les titres sûrs d'être joués sont ceux sur lesquels nous avons collaborés, puisque nous sommes tous les six de la partie. Il y aura aussi plusieurs gentilles compétitions entre les batteurs et les bassistes. Ça va être tellement cool que j'en mourrais presque de hâte. J'ai déjà la bougeotte et l'envie de vivre tout ça, alors que les dates de la tournée ne sont pas encore toutes fixées.

Je m'emballe.

En attendant, ce sont nos voix qui sont en compétition. L'hiver est passé par là et j'ai eu la bonne idée d'oublier de mettre une écharpe, attrapant un rhume qui m'a empêché de chanter pendant une semaine. Alex en a été ravi, au boulot. Ash a supporté mes grognements tout du long. Mais maintenant que ça va mieux, c'est reparti pour un tour - tout en douceur. Et ça pourrait aller niquel si Ben Linskey voulait bien s'adapter à mon nouveau timbre de voix temporaire. Mais non, il continue à l'habituel. Présentement il chante plus aiguë que moi et ça m'agace. Je m'entends à peine chanter, c'est insupportable. Alors je m'arrête, en plein milieu, tant pis. « Ben, urg! » Les instruments derrière nous meurent petit à petit et j'entends déjà les soupirs de nos bandmates. Ça fait deux jours que ça dure. S'ils essayaient de s'en mêler au début, ils ont vite lâché l'affaire. Lynn a déjà quitté sa batterie pour aller chercher de l'eau, les autres ne pipent pas mots et trouvent une autre occupation. Ça peut durer longtemps. « Can you fucking tone it down a little? We don't need your great vocalisation right now! » Please man, shut it a little.

C’est pas qu’il n’avait pas cru à la collaboration quand on lui avait présenté le projet, au contraire même, mais il s’était tout de même gardé une réserve, comme à l’habitude, et avait préféré faire ses trucs de son côté, se présentant à un minimum de jam session. Un cercle vicieux que de rester chez soi en permanence, on finit par ne plus vouloir en sortir du tout.

Bref.

Il avait vécu almost stress free pendant plusieurs mois et ca avait été très apprécié. Puis là, il se retrouvait la tête première en pleine campagne promo de la future tournée, son twitter (son seul réseau social) ne dérougissait plus et il enchainait les répèt’ dans le garage d’Ash. Le changement était simplement trop brusque pour ne pas être en soi un générateur de stress et il était le seul responsable. Ca l’avait mit à cran à un tel point qu’à un moment, Jude l’avait même prit à part pour confirmer qu’il était toujours okay avec le projet, ce qu’il s’était pressé de confirmer évidemment, ce n’était qu’une mauvaise passe, le stress et tout. Il avait rassuré son ami qu’il était aussi heureux qu’eux de la réussite de la collab, ca allait passer de son côté comme toujours. Reste que pendant les répétitions, il était particulièrement chiant à vivre pour tout le monde. Puis ca avait éclaté avec Miss Parker.

Bon d’accords, depuis la promenade dans le parc ils étaient un peu plus en speaking terms, mais ils étaient loin d’être des meilleurs amis et leurs caractères mutuels faisaient régulièrement des étincelles. « Can you fucking tone it down a little? We don't need your great vocalisation right now! » Il avait levé un sourcil en croisant les bras sur son torse alors que tous les autres s’éloignaient presque en même temps. L’ambiance générale étant un : mais pas encore, collectif. «  I would if only I could hear myself over you screeching like a fucking dying pig » Vulgarité à part, il avait bien détaché les derniers mots en se rapprochant d’elle. Il avait arrêté à quelques centimètres de son visage. « if you can’t sing you just shut it. It’s simple yet so hard to understand »

Des fois, c'est à se demander si on a 25 ou 5 ans. Au début de la collab', on pensait que ça allait éclater au niveau des instruments qui se répètent. Mais ce qui en est sorti est plutôt une compétition amicale, une émulation positive. A l'écriture, ça roulait avec Ben. Quand il fallait se répartir le chant sur les chansons c'était plutôt évident aussi. Je ne sais pas pourquoi ça ne marche pas maintenant, mais ça ne marche pas. Sans doute mon côté narcissique qui a envie d'être sur le devant de la scène. Le sien qui lâche rien.

Ça monte vite à la tête, le succès.

La musique est interrompue et les cris commencent. « I would if only I could hear myself over you screeching like a fucking dying pig » « What?!! » Ce serait mon frère et je n'aurais pas autant de respect pour lui que je le frapperais sûrement. Mais il paraît que la violence est prohibée. Mes yeux se plissent lorsqu'il se plante devant moi. L'insulte est pas loin, quand même. « if you can’t sing you just shut it. It’s simple yet so hard to understand » Le doigt d'honneur arrive, tiens, regarde-le c'lui là Linskey. « Fuck you. »

A défaut de la violence, je sors l'arme utile : les larmes. Celles devant lesquelles il ne saura pas quoi faire, Benjamin Linskey incapable de parler aux demoiselles en temps normal. Alors imaginez, quand elles sont tristes. J'ai une maîtrise parfaite des pleurs à la commande, utilisant l'arme fatale dès qu'on faisait une bêtise avec Kerr pour pouvoir mieux l'accuser et ne pas me faire punir. Ça marchait tout le temps. Pas de raison que ça ne marche pas aujourd'hui. La lèvre tremble, je renifle bruyamment en fixant Linskey droit dans les yeux, les larmes arrivent peu après. Un sanglot m'échappe et je les laisse couler, avant de me replier en boule et de me laisser tomber sur une chaise. « Fuck you. » Je répète, la voix tremblante. « I'm trying, okay? I'm working so hard and you're mean and I can't fucking do anything right! » Et bim, tiens les sentiments de culpabilité.

Les autres musiciens étaient devenu silencieux juste assez longtemps pour entendre ce qui se trâmait entre les deux têtes fortes qui leur servait de chanteurs. Les insultes volaient bas et la frustration était palpable. Ben avait continué à fixer Ana jusqu’à temps qu’elle commence à pleurer et il avait visiblement dégonflé. Ses épaules avaient descendus de leur place sous ses oreilles et il avait décroisé les bras prit par surprise. Well, that wasn’t fair Il allait passé pour un connard de première là. Sa frustration était disparu et avait été remplacé par de la culpabilité. Les insultes ca faisait partie de leur relation, okay il y était allé fort, mais elle devait savoir qu’il n’était pas vraiment sérieux, non? Non?! Jude lui avait lancé un regard curieux quand Ana était allée s’asseoir en sanglot et il avait répondu d’un haussement d’épaules. Oui, il savait ce qu’il avait fait pour déclenché tout ca, mais il l’ignorait en même temps alors on pouvait oublier les questions merci bien. Il avait finalement décidé de s’approcher et s’était accroupi devant elle. « Eh, don’t do that. Please. You know I can’t handle crying girls. » Ca n’avait pas l’air d’aider. Il avait grimacé. « Parker, you know I wasn’t serious. Come on » Il avait poussé doucement son genou ppur essayer de la faire réagir autrement.

Après encore un moment de pleurs, Ben se tordait les mains rendu à ce point-là. That’s why He hated social interactions « I need a hand here. I can give you a hug if you need one, but you have to tell me. I don’t know what to do for you to stop crying and the assholes here seems to find my suffering very funny »

C’est pas facile, la vie de chanteur. Faut être méticuleux, écouter son groupe et retenir les paroles. Ajoutez un peu de scénographie et z’êtes cuits. Je plains Britney Spears, finalement, après toutes ces années. Ça devient compliqué lorsqu’on doit partager la scène avec des personnes avec qui on n’a pas l’habitude. Et encore plus plus compliqué quand le pire arrive : la maladie. La reprise est un peu dure et je suis presque autant énervée après Ben qu’après moi-même. Mais comme il a son caractère, le Space Boots, beh l’électricité fricote et après ça explose. Il est vilain, mais je suis plus fourbe. Il me dit de la fermer au lieu de faire mes sons de porcs mourant, je lui réponds d’aller se faire foutre avant de sortir l’argument ultime : les larmes.

J’suis pas vraiment triste mais ça me fait plaisir de le faire chier.

« Eh, don’t do that. Please. You know I can’t handle crying girls. » J’échappe un sanglot encore plus fort. « Yeah well maybe you should have thought about it before ! » Dans la tête de Ben, c’est une reprise de The Handmaid Tale. Lui au centre, nous assis sur des choses : your fault, your fault, your fault. « Parker, you know I wasn’t serious. Come on » Je croise les bras contre ma poitrine, recule légèrement sur la chaise pour appuyer mon dos contre le dossier. « It’s too late, I’m crying. » No turning back. Je le tourmente encore quelques minutes, observant son air désemparé du coin de l’oeil. Personne d’autre intervient mais je pense qu’ils ont tous compris mon manège – ou qu’ils s’en foutent. Ben est dans sa galère tout seul pour le coup.

« I need a hand here. I can give you a hug if you need one, but you have to tell me. I don’t know what to do for you to stop crying and the assholes here seems to find my suffering very funny » Mes pleurs s’arrêtent presque instantanément, mes lèvres s’étirent en un sourire amusé. Je pose mon regard dans celui du chanteur avant de me mettre à rire légèrement. « Stop being an asshole. » Pour le bien être de tous. Dit-elle. Je chasse mes larmes pour me rendre compte que mon maquillage est ruiné, et je pousse un soupir avant de me lever. « I’m taking the hug, by the way. Let’s hug it out, no hard feelings. » Même s’il a compris maintenant que je faisais semblant, je prends la proposition. On s’embrouille, on se réconcilie, je file me refaire une beauté et après on recommence. Une répet’ normale, en somme.

Ben n’avait pas été en mesure de cacher sa surprise et le choc de découvrir qu’il s’était fait avoir comme un débutant. Les larmes de la musicienne étaient totalement fausses. Ses lèvres avaient formées un cercle parfait et ses sourcils s’étaient froncés. « Well. That wasn’t fair! » avait-il répété à voix haute cette fois-là et sa voix avait craqué à la fin de sa phrase. Les bras de nouveau croisé sur sa poitrine, il avait fait mine de bouder pendant un petit moment. C’est qu’il était presque jaloux de ce talent, mais heureusement ou pas pour lui les mecs qui pleurent réussissaient rarement à gagner un argument comme la demoiselle venait de le faire. Il avait au final roulé des yeux en lui offrant son foutu hug. « You’ll pay for that Parker! »avait-il marmonné à son oreille. Il était ensuite retourné derrière son micro en attrapant sa guitare pour enchainer à la prochaine chanson au programme. Les autres les avaient regardé un moment en analysant la situation puis était allé les rejoindre. Ben avait débuté un riff et avait lancé un sourire mi-effronté à la chanteuse. « Go ahead Parker, I’ll stay silent and be the perfect gentleman this time » Crise à part, ca ressemblait maintenant à n’importe quelle répet’.

Si je n’étais pas devenue chanteuse, j’aurais peut-être considéré très sérieusement la carrière d’actrice – avec un si joli minois comme le mien et les larmes faciles, je suis sûre que j’aurais fait un petit bout de chemin avant de décider que ça m’ennuyait et de passer à autre chose. Mes talents aujourd’hui me servent à calmer les ardeurs de Ben – je suis fatiguée et encore un peu malade et je n’ai pas envie de me battre pour avoir de la place sur scène alors qu’on n’a pas encore de spectateurs. Les larmes fonctionnent, sans grande surprise le grand gaillard a rendu les armes, et les sanglots se sont arrêtés immédiatement pour laisser place à un sourire et la supplique qu’il me fiche un peu la paix. « Well. That wasn’t fair! » Je hausse les épaules. À la guerre comme à la guerre, matelot ! Je me lève de ma chaise pour réclamer le câlin promis – dans le fond, je l’aime bien – et qu’on puisse passer à autre chose. « You’ll pay for that Parker! » J’échappe un rire et lui embrasse brièvement une joue – no hard feelings on a dit. Après ça, je m’échappe quelques minutes du garage pour aller enlever le maquillage qui a coulé (ah, qu’est-ce qu’il ne faut pas faire) et prendre une bouteille dos dans la cuisine. J’évite le regard énervé de Lynn derrière sa batterie et échange un plus agréable avec Ashton, un ‘sois mignonne et ne casse pas mon chanteur s’il-te-plaît’ répondu avec un clin d’oeil qui lui fait lever les yeux au ciel – mais j’ai quand même aperçu le petit sourire derrière. Je reprends place derrière mon micro et c’est reparti pour un tour. « Go ahead Parker, I’ll stay silent and be the perfect gentleman this time » Lolz. « Thanks Babe. » Lui réponds-je avant que Lynn ne fasse le décompte.

Ça va être bien, cette tournée. Ça va être très très bien même.

FIN.