Le problème n’est pas que je n’ai pas confiance en Bart – j’ai pleinement confiance en lui, il a été plus présent et une voix pertinente dans ma vie en quelques mois que certains de mes amis en plusieurs années – c’est surtout un problème de contrôle. J’ai besoin de contrôler, tout, tout le temps. C’est la seule manière que j’ai trouvé pour garder la tête haute toute ma vie et, même si ça peut être compliqué sur certains aspects – l’amour, ah, l’amour – c’est la meilleure que j’ai trouvé pour que le bordel Kowalski soit à peu près stable. Moi y compris. Cette situation c’était une perte totale de contrôle, et une que je n’ai pas réussi à regagner – autrement qu’en fuyant. C’est pour ça que je n’ai pas spécialement envie d’en parler, ni d’expliquer la véritable raison de ma présence ici : en plus d’être folle et tirée par les cheveux, je n’ai pas un bon rôle dans l’affaire. Le visage de Bart, d’abord tendu après sa question, se radoucit au fur et à mesure de mes explications. Maintenant, il y a la petite ride sur son front et les bourrelets entre ses deux sourcils, ça veut dire qu’il va se lancer dans une grande explication de ‘la vie selon Bart’, que je vais écouter jusqu’à me rendre compte qu’il a raison et que j’en conclue que c’est compliqué, quand même. « I won’t say I understand because I can’t. But now I feel why it’s torturing you and the only thing I’m sure about is that you’re not weak. » Démonstration en une thèse argumentée en trois points, allons-y. J’ai un doux sourire qui commence à s’inscrire sur mes lèvres alors que je fais attention à bien l’écouter. Et je fais attention aussi à ne pas trop trahir mon désaccord avec mes expressions de visage. Mes sourcils se froncent quand même quand il me qualifie de survivante, alors que mon rythme cardiaque a déjà grimpé en flèche lorsqu’il a décidé qui fuir était la meilleure chose à faire. J’en sais rien, je ne sais toujours pas, peut-être, je n’avais pas d’autre choix de toute façon. « You’re a human being, not a superhero. Your feelings are valid. Even though they’re unpleasant, they’re your scars and your reason to stay alive. They don’t make you weak. » Eeeeerg, ça y est, on arrive déjà à la partie ‘il a raison et ça m’fait chier’. Je presse fermement mes lèvres l’une contre l’autre, plantant mon regard dans le sien pour éviter de le détourner. Mais il a raison, aussi bien sur le fait que j’ai l’habitude de tout refouler ce que je peux ressentir parce que ça n’a jamais été le plus important et que ça pouvait m’empêcher d’agir efficacement, parce que j’ai rarement été l’une de mes priorités – et maintenant je n’ai plus que moi à m’occuper et il y a tout qui ressort en plus d’autres trucs qui s’ajoute et ça fait beaucoup. « Hey… Life isn’t delievered with instructions. We all comprehend it differently but you can’t control your sadness or your happiness. Feelings come and go. They’re a part of you. » Mon nez se plisse, ma bouche remonte et c’est ma meilleure grimace d’inconfort que je lui offre. « Yeah, well I’m not… Good with feelings. » Mais je fais de mon mieux pour l’être, c’est mon petit combat de ma vingtaine : m’autoriser à ressentir plus. Et à m’ouvrir plus aux autres, aussi. Ça a commencé avec Andrew qui a éclairé la voie, et je trouve que je m’en sors bien mieux avec Bart. Parce que je n’ai plus le choix, j’essaie de lui expliquer les détails : le pourquoi, le comment, le qui, et le à cause de qui. Un chemin de vie éternellement lié à celui de mes parents, qui me l’ont pas mal pourri, jusqu’à… Maintenant, à vrai dire. C’est bien la première fois de ma vie où ils n’ont pas une influence directe sur mon quotidien. Parce qu’ils sont toujours là, les restes sont toujours bien ancrés dans mon subconscient et dans mon caractère. « When you’ll be ready. I’ll always listen. » Je lâche un long soupir avant d’acquiescer, me serrant plus contre lui et laissant son entièreté m’enivrer et chasser la peur et ses effets négatifs qui restent collés à ma peau. C’est facile, quand il est aussi tendre et présent.

Parce que moi, je n’ai pas le droit d’être un superhéros mais lui a le droit d’être un chevalier, bah ouais, c’est pas toi qui décides des règles du jeu Mila.

Personne ne me fera jamais de mal et il me permet de passer autant de temps avec lui si je me sens plus en sécurité ainsi, quelques petits compliments et ça y est je suis perdue dans les palpitations, je lui demande gentiment de se taire parce que j’ai des sentiments et une réputation à tenir et que je l’aime bien, il me répond cordialement qu’il m’aime bien bien également et c’est définitivement foutu. On ne s’engage pas sur le chemin de la surenchère, ‘no I like you more’, parce que même si l’affection entre nous est évidente – quoi que, en entendant le ‘simple friendship’ j’en doute un peu – elle débouche sur une autre conversation, tout aussi importante qu’épineuse : qu’est-ce qu’on fait, qu’est-ce qu’on est, qu’est-ce qu’on va devenir ? Peut-être que les mots sont mal choisis et il y a toutes les insécurités et le passé qui se manifestent derrière. Bart glisse ses mains sous mon tee-shirt et c’est bien l’une des rares fois – la seule fois ? – ou je le vois presque nerveux, alors je prends le temps de réfléchir – calmer mes pensées et tourments – avant de lui répondre. Il n’a pas posé de questions et n’a rien demandé, au final, mais le sujet est abordé. Je n’ai pas envie que les choses deviennent compliquées parce qu’on parle de relation, s’il n’a pas envie de ça ou qu’il n’est pas prêt maintenant je ne vais pas en mourir, mais c’est certain que j’ai envie de voir ce que plus pourrait donner. I’m all his, maintenant ou plus tard, quand il veut où il veut – dit avec plus de subtilité. « I want us. » Réponse immédiate, aucune subtilité. Un léger rire m’échappe après la furtivité de sa déclaration, comparée à l’hésitation précédente. Ma poitrine est foutrement douloureuse tellement c’est le bordel dedans, j’ai l’impression de m’être prise une décharge d’électricité avec trois petits mots. « Yeah ? You’re sure ? » Je suis prête à reprendre mon petit manège pour être sûre qu’il est sûr – with a statement on paper this time – mais en vérité il y a un certain soulagement m’assaillit, sournoisement mêlé à une vague de bonheur et c’est super fourbe cette affaire. Mes lèvres sont étirées en un sourire beaucoup trop grand, mon regard scrutant le sien pour y trouver un même flot d’émotions. L’angoisse, l’envie, l’exaltation. « Nothing is complicated since we started dating. That’s the reason why I want to be with you. I’m not… afraid of anything. I’m not afraid of a relationship anymore. I just… want to share everything I feel whitout any confusion. » Je pose doucement le bout de mes doigts sur ses pommettes, l’envie de me révolter lorsqu’il me confirme plus ou moins qu’une précédente relation est à l’origine de ses craintes. Je pose tout aussi doucement mes lèvres contre les siennes, le temps d’à peine quelques secondes, ignorant quoi dire et trouvant là une manière de répondre positivement. Je ne sais pas si je ne suis pas effrayée par une relation avec lui, honnêtement dans le fond je flippe un peu, mais pas de lui ni de nous, plutôt de moi et tout ce que ça peut changer. Not good with feelings.

Je me sens quand même obligée de revenir sur un détail, une broutille, un p’tit rien : sImPlE fRiEnDsHiP. « Since we weren’t officially together we were still in a friendship. I couldn’t read your mind, maybe you didn’t wanted a relationship with me. » Je plisse légèrement les yeux, toujours ce fichu sourire sur les lèvres, mais très perplexe de sa logique. Soit je lui ai envoyé tous les mauvais signaux, soit c’est vraiment un idiot. Un peu des deux ? « Geez, okay, but a simple one ? Do you think I kiss all of my friends in greetings ? » Et on ne s’est pas seulement embrassé, avec Bart. Non, je me souviens de plusieurs rendez-vous volés, plaisirs charnels partagés, photos dénudées échangées. Mon regard reste un peu mesquin, l’air de le défier de me contredire. Réfléchis bien, Bart. « That’s why I wanted to discuss this with you. I want to be yours, I want you to be mine. » Shit, shit, shit, y’a jamais moyen de gagner avec le brun, il a toujours le combo parfait pour m’achever. « Fuck, stop. » La supplication surtout destinée à me garder en vie un peu plus longtemps qu’à le faire arrêter. J’attrape l’une de ses mimines et la laisse glisser sous ma poitrine où je suis certaine qu’il peut sentir mon cœur battre – grab her boob it’s an emergency. « You’re killing me. » Ce sont des accusations graves, j’espère qu’il en a conscience. « It’s so stupid how much I want you. » Je confie dans un chuchotement, et avant qu’il ne reparte dans un sermon ‘your feelings are valid’ je reprends l’assaut de ses lèvres – avec un peu plus de ferveur cette fois. Le souffle est court et le cœur va à peine mieux lorsque je daigne me reculer. La suite me fait froncer les sourcils. « Of course I feel like I’m your boyfriend since we spent our first night together a few weeks ago but… I wanted to make sure you agree with it too. Now we’re taking decisions together, especially this one. » J’échappe un autre rire, non pas parce que je trouve l’idée absurde… Pas celle-là, du moins. « I can’t believe you. You’re worried that I might not want a relationship with you but you still feel like you’re my boyfriend ? » Ey, je ne comprends vraiment rien à la logique masculine, parfois. Je me mords les lèvres quelques secondes, avant de hocher légèrement la tête. « Y’want to be my boyfriend, Bart ? » La question est presque un défi, je me redresse pour pouvoir le dépasser, grappille quelques secondes dans cette position dominante avant de bouger. J’ai presque froid lorsque je quitte les couvertures et Bart – surtout Bart – et je me perds quelques autres secondes à observer sa chambre avant d’attraper un bloc de post-it et un crayon sur son bureau. Yes, we’re making this official. Je retourne m’asseoir aux côtés du brun, avant de gribouiller un cœur (that’s disgusting but it does make her laugh) et un ‘Kamila Kowalski’ très très pompeux dedans. « Here’s the deal. You keep being exactly just the way you are and everything stays the same except that we’re not ‘simply’ friends, you assbutt. » Avec beaucoup d’affection, évidemment. Je lui tends son matériel. Deal ?

La conversation est un poil maladroite mais on fait au mieux, et puis on a statué qu’on n’était pas spécialement doué avec les sentiments, avec la notion de couple, alors au final on ne s’en sort peut-être pas si mal que ça. L’attachement est prononcé, le désir d’abandonner la zone de flou également. I wanna be yours tonight. Et il y avait peut-être besoin, de clarifier tout ça, puisque le brun n’était pas certain que j’avais envie d’une relation avec lui mais sentait tout de même qu’il avait déjà une place toute particulière dans ma vie. Aaah, les garçons. « You’re quite silly, Bart. You’re lucky you’re cute. » Je me permets de conclure, évitant de justesse le roulement d’yeux intempestif mais le défiant presque d’affirmer qu’il souhaite être mon petit-ami, that’s so lame. Mon nez se plisse légèrement devant son air narquois – il est beau ce fourbe – et je finis par le quitter pour mieux le retrouver. Avec un post-it rose pale qui pique quand même les yeux, un cœur avec un côté plus grand que l’autre et ma plus belle écriture pattes de mouches. C’est la synthèse, le cœur au bord des lèvres, la métaphore de mon palpitant symbolisé qu’il attrape après quelques secondes d’hésitation et un petit rire pour mieux l’écraser contre sa table de chevet. « Deal, butt munch ! » Voilà ce qu’il en fait, de ma métaphore. Je me mets à rire, guidée par l’euphorie de la situation et la réalisation d’un concret consenti. « And you’d better do the same. Now, come here before I get very angry. » Je hausse légèrement les sourcils, non sans échapper un autre rire qui se mêle au sien, avant d’attraper ses mains et de grimper à nouveau sur ses cuisses. L’espace est minime entre nos corps, les secondes s’éternisent alors que les regards se croisent et les souffles se mêlent. Mes lèvres sont étirées en l’un de ces sourires trop heureux, qui tirent sur les joues, avant d’être cueillies ardemment par Bart.

Le falling aussi, n’est plus qu’une simple métaphore.

Le confort de l’étreinte du brun est presque trop belle pour être vraie, mais c’est surtout le confort des révélations de cette nuit qui en rend le reste plus doux. Je n’ai plus besoin de cacher un passé relativement lourd, plus peur de craindre la réaction de Bart là-dessus. Je peux aussi affirmer l’attachement que j’éprouve à son égard. Et même si le réveil me fait grogner, je me sens relativement légère en ouvrant les yeux. Peut-être que voir le visage du sauveteur au réveil y joue pas mal, mais pour le bien de ses chevilles on va garder ça secret. Je plisse le nez devant son salut trop enjoué. « No no no, I’m not working today, I’m not waking up ! » Le chuchotement râleur est tait avec un baiser rapide avant qu’il ne s’allonge à nouveau à mes côtés. Je me tourne vers lui, un sourire sur les lèvres. J'échappe un léger soupir de contentement, allant glisser une main dans ses cheveux et embrasser ses lèvres du bout des miennes. Je suis bien, et ça fait sans doute des années que je n'ai pas ressenti ça. « When is your next day off ? I need a whole day in bed. » Je suis assez raisonnable pour ne pas lui demander de ne pas aller au boulot aujourd'hui, mais il n'empêche que l'envie de traîner toute la journée au lit avec lui est trop présente pour que je ne l'énonce pas. J'sens que ça va être compliquée, quand même, cette affaire de journée au lit avec nos emplois du temps respectifs. On est bien obligé d'aller courir en plein milieu de la nuit. « Alright, I’m making you breakfast. » Je décide, before things get out of hands, parce qu'il a quelques trois jeunes mousses à retrouver aujourd'hui. Oui, je ne voulais pas me lever il y a trente secondes mais that's the boyfriend treatment.

fin;