Emma savait trop bien, et pas à la fois, le temps qui avait passé entre l'officialisation, aux yeux de tous, du kidnapping de sa sœur et son retour. Elle s'en était voulue, diantre elle s'en voulait toujours, de ne pas avoir été celle qui avait pu faire remarquer l'étrangeté de son absence au monde entier, le silence qu'elle avait offert aux autres contre son gré. Sophie est beaucoup trop bruyante, et rayonnante, pour arrêter de résonner dans la vie des autres ainsi, un péché vraiment ce geste, à défaut d'utiliser d'autres termes beaucoup moins polis dans sa jolie bouche, qui avait fait vibrer dangereusement les nerfs déjà à fleur de peau de la plus jeune sœur de la fratrie. Elle avait dû se taire suite à la réception du SMS incriminant dans le téléphone de son frère, alors qu'elle avait plutôt envie de hurler. Au final, elle avait préféré se cacher au fond de son conte favori au lieu d'argumenter dans le vent face au projet de zozo de son frère. Ce n'est pas comme si elle avait eu la moindre possibilité de l'empêcher de faire quoi que ce soit même si elle le voulait du plus profond d'elle-même. L'ignorance était encore et toujours le meilleur moyen de protection et elle feindrait la surprise plus tard. L'ironie dans tout ça, c'était que c'était Black, d'entre toutes les options possibles, qui avait finalement sonné la cloche d'alarme. Les policiers finalement avisés, le reste, c'était mis en branle rapidement et elle avait observé d'un œil l'as au-dessus de la couverture usée de son livre le mouvement de tout les gens qui traversaient l'appartement à intervalles réguliers. Ça avait un arrière-goût de déjà vu qui lui avait donné la nausée et elle avait du prendre quelques gorgées d'eau avant de réussir à s'en débarrasser. Avec les heures, la fourmilière qu'était devenu l'appart, c'était vidé et le temps semblait s'être arrêté. Emma n'avait pas bougé de son fauteuil dans le salon depuis le début de toute cette histoire, à l'exception d'une visite de temps à autre dans la salle de bain pour une douche ou une pause pipi. Question de rester poli et de ne pas empester les autres. Il lui fallait être à l'affût des dernières nouvelles, elle avait même dormit sur le fauteuil pour être certaine d'entendre qui que ce soit entrer dans son chez-elle. Dans leur chez-soi. Dans le cocon des Grimm envers et contre tous. Mais l'endroit était maintenant sans bruit, recouvert du même brouillard particulier que le restant de la ville. Elle s'était donc endormie à nouveau, ironiquement bercé par le stress qui brûlait ses entrailles.

Puis le téléphone avait sonné.

Elle s'était levée comme une balle, manquant de peu de s'étaler contre un meuble, pour décrocher. Un peu plus et ses doigts maigrichons laissaient une marque permanente sur le combiné qu'elle serrait comme si sa vie en dépendait. Sophie était à l'hôpital. Elle allait bien, si on ignorait tout le reste, et elle avait besoin de quelqu'un pour aller la récupérer. Emma avait confirmé qu'elle serait là le plus rapidement possible et avait jeté le téléphone un peu plus loin pour attraper ses clés et sortir de l'appartement.

Le chemin entre les deux endroits qui prenait habituellement presque 30 minutes dans le meilleur des cas avait été fait en 15 minutes par une Emma qui prenait à la légère la nécessité de faire des arrêts complets aux coins des rues lorsqu'il n'y avait personne d'autre qu'elle. Elle avait eu la chance de ne croiser aucun policier et 20 minutes après l'appel, elle avait arrêté la voiture dans une place de stationnement de l'hôpital. Dans sa hâte, elle avait même oublié d'aviser Oliver et elle avait sortit son portable pour le faire une fois devant le bureau d'accueil de l'endroit. Peut-être était-il déjà au courant, ça ne surprendrait plus la cadette, mais on ne pourrait pas l'accuser de cacher des informations à quiconque. Si seulement, elle avait la tête à cacher quoi que ce soit à quelqu'un, ça voudrait dire qu'elle avait assez d'heure de sommeil dans le corps. En prenant en compte que son décompte d'heures de sommeil était dans le négatif depuis plusieurs jours, c'était espérer beaucoup. Elle avait finalement arrêté son monologue intérieur et elle avait finalement décidée de demander à la dame derrière l'immense comptoir les directions vers la chambre de sa sœur. Elle était tout au fond du dernier étage, parfait vraiment. Elle avait soupiré et s'était mit en marche doucement afin de s'assurer de ne pas se perdre. Ça serait le comble. Une dizaine de minutes plus tard, elle arrivait devant la porte fermé de la chambre de son aînée. 

Elle avait hésité, la main au-dessus de la poignée. Elle aurait finalement préféré se perdre et repousser un peu le moment. Est-ce qu'elle voulait vraiment voir sa sœur dans l'état, peu importe l'état vraiment, dans laquelle l'avait mit ses ravisseurs ? Peu importe, non? Non, c'était un mensonge, mais il lui fallait être là pour Sophie. Elle avait donc soupiré à nouveau plus doucement que la fois d'avant pour ne pas se faire entendre et pour se donner un minimum de courage et elle avait toquer tout aussi doucement sur la porte avant d'entrer.

Sophie était installée sans couleur dans un lit d'hôpital qui en était tout autant dépourvu. Les yeux fermés, elle semblait dormir, en tout cas du point de vue de la rousse. Elle n'avait pas par contre, l'air serein que les gens ont habituellement quand ils dorment et l'estomac d'Emma s'était tordu un peu plus. Elle s'était dépêché d'installer un sourire à ses lèvres avant de refermer la porte derrière elle. Hors de question que Sophie la voit avec l'air de déterrer qu'elle portait avec talent depuis le début de la semaine dès qu'elle croyait que personne ne la regardait bien caché derrière ses pages vieillies par le temps et la lecture. Elle s'était rapprochée doucement pour s'asseoir sur la petite chaise installée tout près du lit, juste à temps pour voir sa sœur bouger et ouvrir les yeux. Son sourire s'était élargi par réflexe. «  Bonjour toi » Elle n'avait rien rajouté, pas de blague inutile ou de question stupide. «  Tu veux partir tout de suite? Ou dormir encore un peu? » demanda-t-elle ensuite. Elle n'avait aucun problème à l'attendre si elle jugeait ne pas avoir la force de se lever tout de suite. Elle avait aussi gardé ses mains bien à plats sur ses genoux, ne sachant pas comment l'autre jeune femme réagirait à un contact physique peu importe de qui il venait.

Est-que c'était voulu, dans le grand dessein de tous les problèmes qui pouvaient potentiellement tomber sur le crâne des Grimm, qu'Emma rencontre sa fratrie, suite à des expériences traumatisantes, dans des pièces qui manquaient incroyablement de couleur et, du coup, de chaleur humaine? Le karma devait se marrer de son point d'observation. Tant qu'il décidait de leur laisser une petite pause à un moment ou un autre, c'est tout ce que la rousse demandait. Parce que personnellement, elle commençait à s'essouffler de plus en plus. Elle avait regardé sa sœur, d'un regard qu'elle voulait le plus rassurant possible, alors que cette dernière essayait à la fois de se relever dans son lit et d'empêcher l'humidité de ses yeux de devenir des véritables larmes. Elle ne pouvait pas la juger de ne pas vouloir en verser. Emma étant tout de même de celles qui refusent de pleurer pour quoi que ce soit.. ou presque. Sa sœur lui avait confirmé ensuite vouloir rentrer tout de suite et Emma s'était fait un plaisir de serrer sa main dans la sienne. Probablement un peu trop fort, si l'on se fiait à ses jointures blanchies, mais ni l'une ni l'autre n'avait fait de commentaire. C'était une façon comme une autre de se convaincre que tout ça était vraiment réel. Accusons le manque de sommeil de les faire douter un peu du contraire.

Elle s'était ensuite mordu la lèvre de honte lorsque Sophie lui avait demandé où diable se trouvait leur grand frère. En d'autres mots hein, mais ça revenait au même. Déjà qu'elle l'ignorait, parce qu'il fallait avouer qu'emmerder son frère pour savoir ses déplacements avait été le moindre de ses soucis dans les derniers jours, mais en plus parce qu'elle avait totalement oublié de l'aviser qu'elle était en route pour récupérer leur sœur avant d'être déjà à l'hôpital. On pouvait même ajouter là-dessus le fait que le SMS manquait totalement de tact si ce dernier n'était pas au courant de la présence de cette dernière là-bas. La plus jeune aurait tout son temps pour s'en vouloir et se faire pardonner plus tard. Sophie avait besoin de toute son attention entre temps. Peut-être pas, mais on parlait de son point de vue actuel.

Elle avait secoué la tête en lui offrant un ricanement. « Je sais, je suis magnifique. » Ça sonnait faux, autant la phrase que le rire. Mais la rousse espérait que ça change, ne serait-ce qu'un peu, l'ambiance de la pièce. Elle avait essayé de trouver du regard des vêtements de rechange dans la pièce, soit les vêtements que Sophie avait à son arrivée ou un truc que l'hôpital lui fournissait tout pour qu'elle puisse enlever cette jaquette dégueulasse. Elle avait sursauté de surprise lorsqu'elle lui avait demandé si elle allait, l'interrompant dans sa recherche. « Je.. hm.. » Elle pourrait mentir et dire que tout allait très bien, mais ça serait.. Disons-le.. peu crédible. Pas crédible du tout même. Elle avait secoué la tête. « Ca va mieux.. t'es là » résuma-t-elle finalement avant de se lever pour continuer ses recherches. Elle était finalement revenue avec des vêtements qu'elle avait finalement trouvés au fond de l'armoire tout près de la porte de la salle de bain. « Allez.. on rentre à la maison » avait-elle ensuite dit en déposant les vêtements à côté d'elle sans toutefois bouger de sa place. Prête à l'aider sans un mot. « J'ai juste hâte de partir d'ici » marmonna-t-elle , probablement plus pour elle-même, lorsqu'elle aida Sophie à passer le t-shirt au-dessus de sa tête. Sa propre tête lui tournait un peu, signe physique qu'il lui fallait probablement se reposer un peu.

Se concentrer sur les gestes qu'elle faisait, c'était la seule chose dont elle était capable. Coordonner ses mouvements sur des gestes qu'elle connaissait trop bien. Ne pas avoir trop besoin de réfléchir. Parce qu'en ce moment, elle était incapable de réfléchir avec espoir à l'avenir, de s'imaginer des contes de fées impossible. Le présent, tout simplement. C'était tout ce qu'elle était capable de gérer. Il ne fallait pas lui en demander plus, s.v.p. Le front plissé de concentration, parce qu'elle était beaucoup trop concentré. Plus qu'il ne le fallait en tout cas, pour aider sa sœur à enfiler un simple t-shirt. Tout vraiment, pour ne pas avoir à lever les yeux vers les siens. Tout pour ne pas apercevoir les larmes qui s'accumulaient derrière ses paupières. Sinon, c'était assuré qu'elle l'imiterait, et ça c'était non.. Tout simplement non. Elle lui avait ensuite posé une colle, la faisant même légèrement sursauter, qu'est-ce qui s'était passé cette semaine ? Bonne question ! Elle avait haussé un sourcil en réfléchissant, tout en se penchant pour enfiler les chaussettes et les chaussures de Sophie. Cette dernière était tellement ankylosée que la plus jeune ne l'avait même pas laissé essayer de le faire elle-même. « Je sais pas trop.. » commença-t-elle. « Il a neigé un peu..L'état de l'appartement est a pleurer, y'a de la poussière partout » avait-elle continué sur des sujets inutiles et qui aurait pu se passer n'importe quand. « .. c'est la faute des policiers. C'est pas comme s'ils prenaient la peine de retirer leurs chaussures avant d'entrer. J'ai pas trop eu la tête à nettoyer derrière eux. J'ai .. attendu l'appel. Peu importe l'appel vraiment. » Et c'était ça. Ça faisait même pitié tellement ce n'était rien.

Une fois qu'elle était habillé correctement, elle l'avait aidé à se lever. « Allez, c'est le moment de rentrer à la maison » avait-elle dit avec le plus d'entrain possible. Elle avait glissé son bras sous les siens pour l'aider. C'était étonnant ce que la volonté pouvait faire vraiment, alors qu'elle était plus petite que sa sœur d'une bonne tête. Et tout doucement, elles s'étaient dirigés vers la voiture de la plus jeune. Le chemin vers l'appart avait été silencieux et une fois arrivée à la maison, Emma avait aidé sa sœur à s'installer sur le sofa avant de se diriger vers la cuisine. Bien décidé à manger un minimum. La normalité Emma, la normalité « Tu veux un truc? À boire? À manger? » avait-elle demandé à voix haute à sa sœur, à défaut de savoir quoi faire d'autres.