Kinga était finalement arrivée au bout de ces quinze longues minutes de marche. C’est discuter qui avait fait passé le temps plus vite. Depuis le moment où Kinga s’était mise à courir après Olivier pour la nourriture qu’il avait volé jusqu’à ce moment où le bâtiment s’étendait devant elle, il s’en était passé des choses mine de rien. Heureusement qu’il était gentil avec elle, bien qu’au début ça n’avait pas vraiment été gagné. Maintenant les voilà amis pour la vie. En plus de ça, l’endroit où elle se trouvait n’avait pas l’air si accueillant, elle ne l’aurait même pas trouvée en marchant seule dans la ville. Certains endroits de San Francisco lui sont encore bien inconnus. « Ça a l’air sympa. »

Elle ose pas rentrer Kinga, elle ralentit en arrivant près de l’entrée. Peut-être qu’au final il l’a juste attiré ici pour la tuer ou pour ce genre de choses qu’on voit aux infos à la télé.   Mais bizarrement elle lui fait confiance, lui offre même ce qu’il a prit au café parce qu’au fond maintenant ça vaux plus le coup. Tant pis, après tout c’est que quelques dollars. Alors la polonaise finit par suivre le jeune homme jusqu’à chez lui en marchant prudemment, en essayant de ne pas faire de bruit, en essayant d’imaginer comment c’est derrière la porte. « Et tes sœurs, elles sont là donc ? » Elle aurait peut-être aimé avoir des sœurs, qui auraient été plus gentilles que ses frères, mais elle n’a pas eu cette chance. Elle a toujours été plus proches des garçons de toute façon. Pas qu’elle ait pas envie de faire de nouvelles connaissances, surtout des contacts féminins dont elle manque presque cruellement, c’est juste que ça serait sûrement un peu gênant pour tout le monde, surtout Kinga.

Les quinze minutes de marches n'ont finalement pas fait fuir la jeune femme comme je l’espérais, j'étais donc condamné à la ramener chez moi. Et en parlant de ça, nous venions d'arriver en bas de l'immeuble. Je pense qu'à sa place, en découvrant cette bâtisse presque en ruine, je partirais en courant. Mais elle ne semble pas vouloir le faire. « Je comprendrais que tu fasses demi-tour. Ce n'est pas un endroit pour les jeunes filles comme toi. » Pas plus que pour mes sœurs, mais c'est le seul toit que je peux nous payer. Pourtant, contre toute attente, elle me sort la phrase la plus inattendue de l'année. Elle pense que ça, c'est sympas. Je ricane tout en poussant la porte d'entrée tandis qu'elle effectue un petit mouvement de recule et la fait passer devant moi. « Après toi. » Une fois à l'intérieur, je la laisse regarder autour d'elle. « Ne te formalise pas des quelques araignées ou cafards que tu pourrais croiser. Ils paient un loyer exorbitant et les proprios n'ont visiblement pas l'intention de les mettre à la porte. Oh et il y a des rats aussi, mais ils sont un peu plus discrets, même si tu n'es pas à l'abri d'en croiser un dans la cuvette de tes toilettes. » Je lui souris et entreprend l’ascension des marches d'escaliers. L'ascenseur ne marchant plus depuis… depuis toujours en fait. Et même s'il fonctionnait, je ne suis pas sûre que je m'aventurais à l'intérieur. Je suis persuadée que je n'en sortirais pas vivant. « Concernant mes voisins, il y a le tueur en série du quatrième, la folle du deuxième et un couple de junkie au même étage que moi… Sans parler des dealers et autres qui vivent un peu partout par ici. » Je me tourne vers elle, un sourire narquois sur le visage. « Détends-toi, je plaisante. Sauf pour les bestioles. » Et comme pour confirmer mes dires, nous croisons différents pièges à souris lorsque nous arrivons au troisième. Étage où je vis. « Notre voisin ne porte pas dans son cœur les rats et autres rongeurs… Mais je le soupçonne d'avoir une case en moins. » J'enjambe celle qui se trouve devant la porte de mon appartement et glisse mes clefs dans la serrure. Kinga me demande si mes sœurs sont là et j'acquiesce d'un hochement de tête. « Que Emma. Sophie ne doit pas être rentrée. » Et heureusement, parce que j'en aurais prit pour mon grade. J'ouvre la porte, invite la jeune femme à rentrer et referme derrière elle. « Emma, je suis là ! » Je cris, mais vu la taille de notre logement, elle pourrait m'entendre même en chuchotant. Je jette mes clefs sur le buffet et accroche ma veste sur le portemanteau à l'entrée. Lui aussi, il menace de s'écrouler. Comme presque tout ici de toute façon. J'entends ma sœur arriver au moment où j'explique à mon invité de faire comme chez elle. Je ne lui laisse pas le temps de dire quoi que ce soit et fait les présentations. « Kinga, je te présente Emma, ma plus jeune sœur. Emma, je te présente Kinga, une… une connaissance ? » J'aurais pu dire amie, mais je ne suis pas encore tout à fait sûr de pouvoir la considérer ainsi.

Une autre soirée passée à lire sous les couvertures, malgré le mal de tête infernal que je subis presque sans relâche depuis les derniers mois. Ces fichues migraines causées par les médicaments me donnent du fil à retordre, mais je me dis qu'entre ça ou la tombe, le choix est assez facile. Alors, je continue le traitement sans trop me plaindre et je vis ma vie du mieux que je le peux. Je fais semblant que tout va bien et que rien à changer en lisant un bon roman, petite tradition issue de mon enfance. Depuis aussi longtemps que je peux m'en souvenir, j'ai toujours eu l'habitude de passer mes vendredi blottie sous une couverture avec un bouquin, plutôt qu'à sortir jusqu'aux petites heures du matin comme mon frère et ma soeur. Sauf que ce soir, je m'ennuie un peu. L'appartement, malgré sa taille ridiculement petite, me parait immensément vide.

Mais je suis chanceuse, car au bout d'une vingtaine de pages, j'entends la porte s'ouvrir en grinçant. Des pas se font entendre, mais curieusement, ils semblent appartenir à plus qu'un individu. Étrange. Mon frère, qui vient tout juste de m'appeler, ne rentre pas seul. Ce n'est pourtant pas dans ses habitudes de ramener des gens à la maison. Je quitte donc ma chambre d'un pas rapide qui laisse percevoir mon impatience et ma curiosité face à cette visite inusitée, puis je tombe face à face avec une fille. Kinga. Une brune assez jolie, qui ne semble pas complètement à l'aise. Mais elle n'est pas partie en courant face à notre logement non plus. « Enchantée. Je crois? » Ces derniers mots s'échappent accidentellement d'entre mes lèvres. Ce n'est pas pour être impolie que je dis ça. J'ai juste vraiment du mal à comprendre pourquoi mon frère a décidé de l'amener ici, surtout si elle n'est qu'une connaissance.

« J'suis désolée, je suis juste un peu surprise. Tu veux quelque chose à boire? » Un sourire apparaît sur mon visage tandis que je présente mes excuses à Kinga. Franchement, j'aurais préféré la bombarder de questions directement, mais j'aurais eu l'air mal élevée, alors je me contente de lui adresser les politesses de base. Normalement, quand les gens reçoivent, ils s'arrangent pour que leurs invités soient confortables, non? Bon, ils s'arrangent aussi pour être présentables et surtout, ils ne les accueillent pas vêtus d'un vieux pyjama troué, mais comme il est un peu trop tard pour mon apparence, je me rattrape du mieux que je le peux. « Tu peux t'asseoir si tu veux. Mais je te conseille pas le canapé, il est à moitié renfoncé. » À la longue, je m'y suis habituée et je le trouve même confortable, mais je ne suis pas certaine que ce sera le cas pour Kinga.

« Un endroit pour une jeune fille comme moi ? Pitié, je n’ai jamais vécu dans un château. C’était seulement une grande maison... Mais mon appartement ici n’est pas un trois étoiles, arrête de vouloir m’effrayer. » Ça ne marche simplement pas. Peut-être qu’elle avait l’habitude des mensonges racontés par ses deux frères avant qu’elle déménage, surtout le plus vieux avec qui elle ne partage absolument aucun point commun. Si on exclue le fait que leurs fiancés viennent de la même famille. Deux filles et deux garçons ayant le même destin forcé. Kinga finit par sortir de ses pensées lorsqu’elle pénètre dans le bâtiment qui a autant mauvaise mine qu’à l’extérieur, si ce n’est même plus. Et vu la description qu’Olivier en fait, leur appartement n’a pas l’air mieux que les autres. Mais encore une fois, elle rit légèrement plutôt que de s’enfuir en courant. « Tu peux continuer. Ta capacité à inventer des choses aussi rapidement est impressionnante. T’as révisé sur le chemin ? » Honnêtement, Kinga faisait la maline à plaisanter et rire mais plus ses pas la rapprochait de l’appartement, plus elle se sentait mal à l’aise de rentrer dans l’intimité de deux filles qu’elle ne connaissait pas et d’un garçon qui lui était encore inconnu quelques heures avant. Elle se fit présenter comme une connaissance, c’était déjà bien vu ce qu’ils étaient, ou n’étaient pas.

Sa sœur, qui venait d’arriver, elle était jolie et ressemblait plutôt mal au grand frère. Un peu ce à quoi elle s’attendait, à vrai dire. « Désolé de vous déranger, mais j’avais quelque chose à régler avec... Avec Oliver. Et.. euh.. Un verre d’eau, merci. » Kinga ne savait pas trop quoi faire et révéler qu’elle avait presque fait pression sur le jeune homme à cause de simples pâtisseries volées, c’était plutôt étrange. « Oh, merci. » Alors elle s’était assise en souriant aux deux Grimm. Ça lui rappelait sa propre famille, qui était très loin. Au moins, eux, ils vivaient ensembles.

Je regarde avec un sourire amusé le visage plein d’incompréhension de ma sœur quand je lui annonce que Kinga n’est qu’une connaissance. De toute façon, connaissances ou amis proches, je ne ramène personne dans ce misérable taudis et c’est bien la première fois que je ne respecte pas cette règle que je me suis imposé depuis qu’on crèche ici. Je m’approche d’Emma et pose une main qui se veut compatissante sur son épaule. « Ne cherche pas à comprendre, crois-moi. » Je m’échappe à la cuisine pour récupérer une bière lorsque j’entends Kinga parler de notre affaire à résoudre, expliquant ainsi sa présence ici. « Oui, et elle ne va pas rester longtemps… Surtout maintenant que tout est réglé, n’est-ce pas ? » Hors de question qu’elle puisse enquêter sur moi et encore moins sur mon territoire. Emma lui demande si elle veut boire quelque chose et je lève les yeux vers le plafond. Heureusement que l’un de nous deux se souvient de la politesse et des bonnes manières, parce que mon invitée aurait pu mourir de soif que ça ne m’aurait pas posé plus de problème que ça. Quoi que maintenant, elle serait capable de lui proposer de rester dîner. Ce serait bien ma veine ça. Elle l’invite ensuite à s’installer dans le salon, précisant tout de même qu’il vaut mieux éviter le canapé. On aurait dû jeter ce tas de déchet à la benne depuis longtemps, mais on n’a pas vraiment eu l’occasion de le faire. Puis on n’est pas si mal installé que ça. Ou peut-être qu’on s’est simplement habitué à ne plus avoir de confort. Quoi qu’il en soit, on n’aurait pas les moyens pour s’en offrir un autre alors entre le sol et le canapé, le choix est vite vu. Toutefois, je note dans un coin de ma tête de passer à la déchetterie un de ces quatre, histoire de voir si un canapé en meilleur état que le notre n’aurait pas été abandonné. Je n’aurais qu’à le voler. Un jeu d’enfant. Emma me rejoins dans la cuisine pendant que je décapsule ma bouteille. « Désolée, ce n’était pas prévu que je ramène quelqu’un à la maison. » dis-je à voix basse pour qu’elle soit la seule à m’entendre. Je n’attends pas spécialement de réponse alors je regagne le salon tout en buvant une gorgée. Je m’assois à table, en face de Kinga. « Pour répondre à ta question de tout à l’heure, je n’ai pas pour habitude de réviser quoi que ce soit. Mais quand tu as deux petites sœurs et que des histoires stupides genres contes de fées, tu apprends très vite à te servir de ton imagination. » Chez notre oncle et notre tante, les seuls livres pour enfants qu’il y avait racontaient tous la même chose. Prince, princesse, dragon… Ou prince, princesse et sorcière. Le tour a très vite été fait et j’en avais marre de raconter toujours la même chose alors j’ai fini par inventer mes propres histoires. Plus d’actions et moins de niaiseries. Moins de rêveries et plus de réalités. « J’espère que ta curiosité est assouvie et que tu es plus encline à me croire maintenant. » Certes, il manque une des sœurs à l’appel, mais c’est toujours mieux que rien. Je me redresse sur ma chaise quand Emma revient et sort de mon sac à dos les trois muffins que j’ai volé. « J’ai ramené le dessert ! » Je lance un regard en coin à la polonaise en espérant qu’elle ne vendra pas la mèche. Je vais déjà avoir du mal à faire croire à ma sœur que je les ai acheté, mais si elle se met à raconter la vérité, je n’ai pas fini d’en entendre parler.

Mon regard vague entre mon frère et son invitée, cherchant des explications dans chacun des visages. Je fixe Oli un peu plus longtemps, dans l'attente de réponse, mais je me heurte à un mur. Il s'approche de moi pour me dire d'arrêter de me creuser la tête. Alors, je bafouille quelques excuses pour mon accueil peu chaleureux et je m'empresse de me rattraper en demandant à la brune si elle aimerait boire malgré les paroles de mon aîné. Puis, contrairement à mes attentes, elle demande pardon à son tour. Elle tente, tout aussi maladroitement, d'expliquer la raison de sa présence et du dérangement avant de m'informer qu'elle ne veut qu'un verre d'eau. J'aurais aimé lui demander plus de détails sur ce truc à régler, mais comme je ne veux pas paraître impolie et indiscrète, je me contente de lui dire de s'installer dans le salon et je m'éloigne vers la cuisine où j'entends déjà mon frère se déboucher une bière. Un sourire nait brièvement sur mon visage. Je ne suis pas surprise par ce choix de boisson, mais je trouve amusant qu'il se sente assez à l'aise pour boire devant sa connaissance. Oliver, contrairement à moi, ne se préoccupe pas de ce que les autres pense. S'il veut quelque chose, il le prend et même si ça lui attire pardois des ennuis, je l'admire pour ça. J'aimerais avoir autant de cran. « Désolée, ce n’était pas prévu que je ramène quelqu’un à la maison. » Je n'ai même pas le temps de répondre qu'il retourne déjà auprès de Kinga. Toutefois, malgré la simplicité des excuses, je sais qu'il est sincère. Il ne m'aurait pas dérangé s'il avait eu le choix. Je ne lui lance donc aucune pique. Je me contente de sortir deux verres que je remplie d'eau. J'ajoute même deux glaçons dans chaque, puis je me dirige vers le salon. Au passage, j'attrape le sac à moitié refermé d'Oli. Je dépose les verres sur la table, puis je plonge ma main dans l'ouverture pour en sortir l'objet qui avait attiré mon attention. Il s'agit d'un petit sac froissé, contenant trois pâtisseries enroulées dans des mouchoirs. Les muffins semblaient frais d'aujourd'hui malgré leur emballage curieux. Inquiète, je plonge tout de suite mon regard dans celui de mon frère qui s'empresse de répliquer. Il dit avoir acheté ces gâteries, mais avec le coup d'oeil qu'il lance à Kinga, j'en doute fortement. « On a les moyens de se payer ce genre de trucs, maintenant? » Demandai-je en allant les rejoindre à la table, les deux verres et les mufins en main. Je m'approche lentement, prenant soin de ne rien renverser. Quelques secondes plus tard, je dépose enfin les victuailles sur la surface en bois. Je tends un premier verre à notre invitée, puis je distribue les pâtisseries. Normalement, je serais retournée m'enfermer dans ma chambre pour poursuivre ma lecture, mais là, je suis trop curieuse. J'ai envie d'en apprendre plus et surtout, de découvrir ce que mon frère semble me cacher, alors je reste là, à manger mon dessert. J'attends que quelqu'un reprenne la parole, car si c'est moi qui lance la conversation, je risque de rendre Kinga mal-à-l'aise avec toutes mes questions.

Elle était pas encore très à l’aise ici, et pourtant leur deuxième sœur n’était même pas là. Qu’est-ce que ça sera  quand la famille sera au complet alors que la sienne est bien loin dans un autre pays ? En voyant simplement le frère et la sœur réunit, ça lui fait penser à un de ses frères avec qui elle s’entendait bien, même si ces derniers temps leurs conversations se font de plus en plus espacées. Peut-être qu’un jour ils redeviendront comme Oli et sa sœur. Kinga était dans ses pensées et observait l’endroit où elle s’en trouvait lorsque le jeune homme fit irruption dans la pièce, Kinga ne fait que hocher la tête en l’écoutant, continuant d’observer autour d’elle, ne lui lançant que quelques coups d’oeils par moment. Chez elle non plus c’était pas le plus grand luxe, de toute façon. Son argent, elle le gardait pour les urgences ou les choses dans ce genre. Il lui parle et pour elle, c’est plutôt logique, ayant deux sœurs, son imagination s’est forcément bien développée. Mais elle, malgré tout ce qui lui a raconté, ne s’est pas faite avoir par ses paroles. « C’est bon, j’te crois. Mais pour ma défense, tout le monde aurait pu hésité sur ton histoire. » Malgré tout, ça la fait sourire, juste un peu.

La brune regarde alors l’autre jeune femme ramenant les verres et les muffins. Et dire qu’elle serait chez elle sûrement en train de s’ennuyer si ce vol n’avait pas eu lieu juste devant elle. Mais elle se retrouve chez des presque inconnus à devoir se taire sur la façon dont les pâtisseries ont été acquises. Évidemment, elle ne dit rien, pas forcément pour faire plaisir au garçon mais pour la sœur de celui-ci, pour qu’elle puisse croire à son histoire. Alors elle se contente de sourire et de la remercier en attrapant son verre d’eau pour en boire une gorgée. « Alors... Vous, enfin, tu es la plus jeune, c’est ça ? J’ai cru comprendre que vous étiez trois Elle vit ici aussi votre sœur ? » Elle savait pas vraiment quoi dire, c’est au bout de quelques minutes de silence qu’elle décide d’une petite voix d’entamer la conversation. Après tout, il fallait bien faire quelque chose et rester en silence serait surtout gênant. De toute façon, elle était curieuse et avait envie d’en savoir plus sur cette famille.

J’écoute, à moitié et surtout très sceptique, Tom débattre avec un adolescent pour savoir qui de Thor ou de Hulk est véritablement le plus fort. Le combat a déjà eu lieu dans plusieurs comics, et dessin-animé, mais ils n’en sont pas satisfaits puisque la conclusion arrive toujours à l’union fait la force. J’ai essayé de sortir cet argument, parce qu’il est tard et que nous allons bientôt fermer et que c’est moi qui doit ouvrir demain matin, donc c'est moi qui doit fermer, mais je me suis récolté deux regards noirs. Sauf que ça va bientôt faire vingt minutes qu’ils discutent, Tom n’a pas l’air de vouloir mettre fin à la conversation et l’adolescent n’a pas l’air de vouloir compléter son achat et partir. Je prends mon mal en patience du mieux que je peux, non sans taper du pied, regarder ma montre et pousser des soupirs exagérés pour faire comprendre aux garçons qu’ils sont mignons, ceci est évidemment une boutade mais que l’heure c’est l’heure et je souhaite rentrer.

Mais non, ils sont insensibles à mon agacement et font comme si je n’étais pas là. Je suis à deux doigts de me transformer en Hulk, pour le coup ils devraient comprendre que C’EST L’HEURE BORDEL DE-. Hum, non. On reste calme, Sophie. Je prends une grande inspiration, me lève vivement de mon tabouret et tapote la petite sonnette qui est sur le comptoir pour attirer leur attention. « Les gars, cette discussion est chouette mais elle doit cesser immédiatement, parce que c’est l’heure de la fermeture ! Aller, à trois on dit tous notre superhéros préféré. 1, 2, 3… Iron Man ! Super ! Superbe discussion ! Jeune homme vous achetez le comic ou pas ? » Sans grand étonnement, ils n’ont pas voulu dire leur superhéros préféré. Le jeune homme achète son comic, Tom râle un peu et me traite de rabat joie mais le fin mot de l’histoire c’est que je peux enfin fermer la boutique et rentrer m’affaler sur mon lit en attendant l’heure de manger, et ça c’est plutôt chouette quand même.

Une petite course à skate plus tard, j’arrive au bout des trois étages et pousse la porte de l’appartement que je partage avec Oliver et Emma. Un silence m’accueille, ce qui n’est pas très étonnant. Ce qui est plus étonnant, en revanche, c’est que ma fratrie est présente dans le salon. Avec une inconnue. Dans un silence, donc. Je fronce les sourcils, pousse la porte du pied. Mes mains viennent devant moi, pour témoigner mon incompréhension, paumes vers le plafond. Qu’est-ce qu’il se passe ? Encore des mauvaises nouvelles ? Est-ce que je repars, parce que être une adulte c’est trop fatiguant ? « Euh… Bonsoir ? Qui êtes-vous, que faîtes-vous ici ? Les roux, pourquoi vous ne parlez pas, quelqu’un est mort ? » Pourtant, j’ai eu la malchance de croiser notre oncle et tante il y a peu, et ils avaient l’air en parfaite santé. En attendant une réponse, je me débarrasse de ma veste et de mes chaussures, me mettant quand même à l’aise parce qu’il se trouve que je suis chez moi. Je dévisage l’inconnue, un peu. Elle n’a pas l’air bien vieille, le même âge qu’Oli sans doute. Parce que c’est l’éventualité qui me vient à l’esprit, je me tourne vers ce dernier. Léger soupir. « Oh non, qu’est-ce que tu as fait encore ? » Je n’insinue pas qu’il a une tête de coupable, mais il l’a. Et Emma n’est pas du genre à s’attirer des problèmes, donc si moi-même je n’en ai pas… Il n’en reste qu’un.

Je n'ai pas le temps de rétorquer par rapport à mon histoire – aussi crédible soit-elle – que ma petite sœur revient dans le salon, les bras chargés. Malheureusement pour moi, elle a trouvé les gâteaux avant que je n'ai l'occasion d'en parler ou de me mettre d'accord sur quoi dire avec Kinga. Je pousse un petit soupir, lançant un regard lourd de sens à la jeune femme. Si elle l'ouvre, je la mets dehors, je le jure ! Alors dans un grand sourire, j'informe que, comme tout citoyen qui se respecte, j'ai acheté ces gâteaux. Enfin, je le dis de manière détournée, mais c'est ce qu'elle fait mine de comprendre et c'est tant mieux pour moi. Je la regarde déposer les pâtisseries devant nous. « Disons que la vendeuse m'a fait une ristourne. Je crois que je lui ai tapé dans l’œil. » Ce n'est pas la vérité, mais ce n'est pas un mensonge non plus. J'observe la pâtisserie devant moi avant de soupirer en silence. Je n'ai pas pensé qu'une invitée surprise se joindrais à nous alors il en manque une pour Sophie. Ce muffin me fait drôlement envie, mais je préfère m'en priver. Je le remets dans son emballage et le dépose au centre de la table. « C'est pour Soph'. De toute façon, je n'ai pas très faim. » C'est souvent l'excuse que je trouve, mais comme mon corps ne m'a jamais trahis, j'imagine qu'elle continue de marcher. Un silence pesant s'installe entre-nous jusqu'à ce que Kinga ose prendre la parole. Je la remercie silencieusement de mettre fin à ce malaise et lance un regard en coin à Emma. Je la laisse répondre et me lève en attrapant ma bouteille de bière, ainsi que le paquet de cigarette qui traîne sur la table et regagne le balcon. On n'a pas besoin de moi pour le moment. Après tout, c'est à ma sœur que Kinga s'est adressée et non à moi. Le dos contre la balustrade, j'observe Emma et Kinga discuter. Je tire une taffe et la fumée s'engouffre dans mes poumons, me procurant un bien fou. C'est dans des moments pareils que je me rends compte que je suis vraiment dopé à cette merde. Il n'y a plus que ça pour me calmer et me détendre. Ça et taper dans un mur. Ma chambre garde quelques vestiges de mes excès de colère. J'écoute d'une oreille distraite les banalités qu'elles s'échangent, alternant entre une gorgée de bière et ma cigarette. Est-ce que c'est toujours ennuyeux à ce point-là les discussions de filles ou est-ce seulement parce qu'elles ne savent pas quoi se raconter ? Je me pose sincèrement la question pendant quelques secondes, juste le temps de terminer de fumer et part les secourir. Faut que je trouve un sujet avant que le silence ne gagne la pièce de nouveau. Mais j'arrive trop tard. Plus personne ne parle et je n'ai aucune idée de comment relancer la discussion. Par chance, Sophie rentre et nous fait l'honneur de sa présence. « Euh… Bonsoir ? Qui êtes-vous, que faîtes-vous ici ? Les roux, pourquoi vous ne parlez pas, quelqu’un est mort ? » Je la dévisage avec incompréhension. « Elle s'appelle Kinga. » dis-je en levant les yeux au plafond. « Kinga, je te présente Sophie. Et comme tu peux le constater, elle a sûrement été adoptée. » La chevelure rousse est un symbole de la famille Grimm et la seule à ne pas en avoir hérité, c'est elle. J'ai toujours aimé jouer de cette différence pour répondre à ses piques concernant notre couleur de cheveux. « Et non, personne n'est mort. Et même si c'était le cas, je ne serais certainement pas ici à pleurer sur son sort. » Primo, parce que j'ai plus d'ennemis que d'amis. Et secundo parce que les seuls pour qui on serait prévenu, ce serait pour notre oncle et notre tante et pour eux, enfin surtout pour lui, ce serait une bénédiction des Dieux que d'apprendre leur disparition. Je m'enfonce dans ma chaise lorsque Sophie me lance ce regard, celui qui veut tout dire et que je déteste plus que tout. « Oh non, qu’est-ce que tu as fait encore ? » Je me redresse instantanément sur mon dossier et croise les bras sur mon torse. « Mais rien ! » Mensonge. « Tu insinues quoi ? Que je suis un aimant à problèmes ? » Vérité. Mais pour une fois, je n'ai rien fait. De grave. Enfin je crois. Au final, cette histoire de vol se termine bien, non ?

Je doute de la sincérité de mon frère par rapport aux victuailles qu'il a ramené, mais pour une fois, je me tais. Je n'essaie pas de lui tirer les verres du nez davantage et je ne le réprimande pas non plus, tout simplemant parce qu'on a une invitée et que je ne veux pas la rendre trop mal-à-l'aise. Surtout qu'elle vient d'appuyer les propos de mon frère, ce qui veut dire que le sujet est clos. Je distribue donc les muffins silencieusement et j'attends que quelqu'un reprenne la parole. Je réagis à peine lorsque mon frère refuse la pâtisserie. C'était à prévoir. Normalement j'aurais insisté un peu, mais s'il n'a pas faim, il n'a pas faim. Sophie sera contente! « Alors... Vous, enfin, tu es la plus jeune, c’est ça ? J’ai cru comprendre que vous étiez trois Elle vit ici aussi votre sœur ? » J'ai du mal à ne pas rigoler. Visiblement, je ne suis pas la seule à être dépassée par la situation et à ne pas trop savoir quoi dire. Mais, comme elle n'a pas hésité à me poser une question, je n'hésiterai pas à la questionner en retour. Tant mieux. « Oui, je suis la plus jeune et oui, Sof habite avec nous. On est à l'étroit, mais on est bien. En tout cas, moi je suis bien. » Je continue de parler, tout en observant mon frère s'éloigner. Il sort sur le balcon pour fumer, petite manie qui est loin de me plaire. Mais je ne dis rien. De toute façon, il ne changera pas et j'aime mieux le voir fumer une clope que démolir les murs de notre appartement. « Toi, tu viens d'où? Et tu fais quoi dans la vie? Est-ce que tu te tiens avec mon frère par pitié ou tu l'apprécies vraiment? » Demandé-je en prenant une bouchée de ma collation qui est étrangement délicieuse. Je suis maintenant certaine qu'Oli n'a pas pu se permettre une telle dépense. Mais, comme j'ai vraiment faim et que je sais que ça fera plaisir à mon aînée, je me tais. Pour cette fois. Je me concentre sur ma petite discussion avec Kinga pour oublier l'acte de mon frère, mais bientôt, nous arrivons à cours de sujets de conversation et bien évidemment, il ne fait rien pour aider. Heureusement, Sophie finit par arriver. Elle me fait rire à nous appeler les roux. Comme si c'était un défaut! J'aime mes cheveux, malgré qu'ils ne soient plus aussi beaux depuis le début de la chimio. Je suis certaine qu'au fond, elle aimerait bien avoir hérité de notre couleur. « Tu insinues quoi ? Que je suis un aimant à problèmes ? » À ce moment, je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel. Bien sûr, qu'il est un aimant à problème. Il le sait, on le sait. « Commencez pas à vous disputer pour rien, on a une invitée. Tiens Sof, Oli t'a ramené un muffin et il est pas sec! » J'adresse un grand sourire à ma soeur, espérant que mon intervention suffira à clore le sujet.

Ses yeux foncés passent de la petite sœur au grand frère, alternant entre les deux personnes, un léger sourire aux lèvres. Faudrait pas croire qu’elle passe son temps à être blasée l’européenne, au contraire. Elle repousse son muffin poliment et finit son verre rapidement. « Tu pourras le garder pour ton frère, essayer de le convaincre de manger aussi. » Elle, elle peut en avoir presque tous les jours ou du moins chaque fois qu’elle travaille au café alors autant laisser les trois à tous les membres de la famille. Même ce n’est qu’une invitée, Kinga préfère cependant le laisser à l’aîné. Et puis c’est aussi pour ça qu’elle a décidé juste avant d’entrer dans leur appartement de lâcher l’affaire et de laisser tomber l’argument de la police comme elle avait prévu plusieurs minutes avant. De toute façon, ça n’avait été qu’un mensonge et elle n’avait jamais eu l’intention d’aller plus loin pour ce genre de nourriture qu’elle vend tous les jours. Emma lui répond et elle hoche la tête en simple signe de compréhension. Au moins elle lui répond rapidement et gentiment, pas comme son frère lors de leurs premiers échanges devant son lieu de travail, lorsqu’elle avait essayé -et réussit- de le rattraper pour presque lui crier dessus. « Oh, eh bien, j’habite pas très loin, depuis quelques mois. Je suis même pas du pays, à vrai dire. Et je travaille au Columbus Café, c’est plutôt connu. » dit-elle en observant à nouveau Oliver se diriger vers le balcon, de l’alcool dans une main et une cigarette dans l’autre. Pas le mode de vie le plus sain selon elle mais après tout elle ne peut pas juger. Elle-même tient mal l’alcool les rares fois où elle a eu le privilège d’en goûter. Quant aux cigarettes, c’est quelque chose qui lui est totalement inconnu. « Par pitié ? Non, non. Je le connais pas tellement mais de ce j’ai pu voir, il est pas aussi méchant qu’il prétend l’être. » Elle ne dit rien mais observe en silence, sans savoir quoi dire de plus pour continuer la conversation de façon intéressante. Heureusement, ou pas d’ailleurs, la porte s’ouvre de nouveau et ses bruits de pas se font alors entendre, puis une voix féminine. Une deuxième. Sûrement la deuxième sœur selon elle. Elle n’a même pas le temps d’ouvrir la bouche pour répondre aux questions posées par la seule brune de la famille, voilà qu’on répond maintenant à sa place. Kinga prononce un simple bonjour maladroit, mais rien de plus. Parce que l’attention sur elle est très vite remplacée par la petite dispute, si l’on peut appeler ça ainsi, entre les deux plus grands. Reste la rousse qui essaie de calmer le jeu et Kinga qui se fait toute petite pour ne pas les déranger. Elle observe tour à tour les trois personnes présentes de nouveau silencieusement. Elle ne savait pas réellement si c’était une bonne chose d’avoir poursuivie le pseudo-voleur de muffins et d’avoir insisté pour voir l’endroit où elle vivait. Désormais, la polonaise était partagée entre l’envie de disparaître poliment pour les laisser en famille et celle de simplement s’enfuir durant le conflit. De toute façon, Kinga était maintenant certaine que les deux sœurs étaient réelles et que ce n’était pas un mensonge ou une situation créé pour avoir sa pitié. Sa mission était désormais finie, pourquoi ne pas les laisser simplement et juste repartir ?

Lorsque je rentre ce soir là, je ne m’attends définitivement pas à retrouver ma fratrie réunie dans le salon avec une parfaite inconnue. Généralement, on ne ramène personne à l’appartement, parce qu’il est un peu très miteux et que c’est notre havre de paix à nous. Alors forcément, tout de suite, je pense que l’inconnue est porteuse de nouvelles. Mais là encore, ça colle pas, on n’a pas beaucoup de gens à qui on tient tous les trois. Je ne suis pas sûre qu’un quelconque décès du côté de l’oncle et la tante nous attristerait beaucoup, en plus, alors… Alors c’est de la faute d’Oliver. C’est toujours de sa faute, de toute façon, Emma est beaucoup trop mignonne pour s’attirer des ennuis.

D’abord, j’ai le droit d’apprendre l’identité de l’inconnue.

« Elle s'appelle Kinga. » Je plisse les yeux et regarde mon frère. Oh, et donc je suppose que Kinga n’est pas capable de se présenter seule. Je n’ai pas le temps de faire la remarque, enfiler ma casquette « féministe » pour lui faire la leçon qu’il continue et viens me chercher des poux. « Kinga, je te présente Sophie. Et comme tu peux le constater, elle a sûrement été adoptée. » Sale yaourt périmé. Un rire des plus ironiques m’échappe, et je lève les yeux au ciel. « J’préfère être adoptée qu’être le fils caché de Rick Astley, excuse-toi. » PO PO PO, SHOTS FIRED. Je lui offre mon plus beau sourire, avec ça. Rien de bien anormal. Et puis, j’ai eu la confirmation que Kinga est venue avec Oliver, et que personne n’est mort...

Alors ensuite, j’accuse. « Oh non, qu’est-ce que tu as fait encore ? » Regardez le, à plaider coupable. Il vient croiser les bras sur son torse et commence à s’insurger. « Mais rien ! » Je viens placer les miennes sur mes hanches, comme une petite vieille qui se fâche. Pas très convaincue, de toute évidence. « Tu insinues quoi ? Que je suis un aimant à problèmes ? » Je hausse légèrement les sourcils. « Oui. T’es un aimant de la taille d’un éléphant, même. » Dit-elle avec amour. Emma, comme d’habitude, intervient. « Commencez pas à vous disputer pour rien, on a une invitée. Tiens Sof, Oli t'a ramené un muffin et il est pas sec! » Je pousse un soupir, lance un dernier regard mauvais au vieux avant de bien vouloir céder et ne pas m’agacer. Tout de suite. J’attrape un bout de tabouret et rejoins comme je peux le groupe à table. Et puis j’attrape le muffin, qui a l’air parfaitement consommable et bon. Je lance un autre regard à Oliver, puis porte mon attention sur Kinga, ayant comme le sentiment que ces trois éléments sont liés.

Et avant que le silence ne s’installe et que cette situation ne devienne encore plus malaisante, j’essaie de relancer la conversation. « Aloooooors. Kinga, du coup ? Qui es-tu, que fais-tu dans la vie ? Quel est ton signe astrologique, ta maison à Poudlard ? Est-ce mon frère a encore fait l’imbécile et est-ce que je dois te venger d’une quelconque manière que ce soit ? » L’art de se faire des amis et de socialiser en trois étapes, par Sophie Grimm : 1, identité, 2, futilités importantes, 3, toujours revenir au sujet qui nous intéresse.

Elle a raison et je le sais. Je suis un aimant à problèmes. Généralement, on ne retrouve pas beaucoup d'autres mots à côté de mon prénom. Même quand je ne cherche pas les embrouilles – ce qui, je l'avoue, n'arrive pas souvent – elles viennent à moi sans mon autorisation. Je me suis calmé qu'une seule fois. C'est quand Emma est tombé malade. On avait suffisamment de soucis à la maison pour que j'en ramène une tonne, alors je me suis rangé. Pas très longtemps et pas totalement, mais au moins, j'étais un problème pour personne. Seulement, chassez le naturel, il revient au galop. Dès qu'on a commencé à sortir la tête de l'eau et que l'espoir s'est de nouveau invité dans notre famille, j'ai replongé. Ouais, les conneries m'attirent et j'attire les conneries. Au final, je suis addict à ça. J'aime prendre des risques, j'aime braver les interdits et plus c'est dangereux ou stupide, plus je fonce la tête baissée. Je marmonne dans ma barbe quelques noms d'oiseaux à l'intention de ma sœur, mais je n'ai pas le temps de poursuivre que Emma intervient. Comme à son habitude, elle tente de calmer le jeu entre nous, nous suppliant presque de ne pas nous disputer devant notre invité. Sophie et moi capitulons. De toute façon, ce n'est que partie remise, je le sais. Ce soir, et j'en mettrais ma main au feu, cette discussion surgira de nul part et animera notre soirée. Au final, pas besoin d'avoir une télévision avec les chaînes câblées. Il suffit de nous regarder nous chamailler, c'est tout aussi accaparent. Si ce n'est plus. Avec un saladier de pop-corn bon marché, on pourrait presque se croire au cinéma. Le film ne serait sans doute pas un blockbuster, mais quand même. Je fais abstraction aux dernières piques de mes sœur et hausse les épaules, comme si j'en n'en avais que faire de ses mots. Ce qui est vrai. Tout ce qui sort de sa bouche, j'ai appris à m'en foutre. Quand on vit avec elle toute l'année, notre cerveau met en place des trucs complètement fou pour nous protéger. J'ai cette étrange faculté à bloquer toutes les conversations où elle commence un peu trop à me prendre la tête. Toutefois, ma mauvaise humeur ne part pas pour autant. Parce que je déteste quand Sophie se prend pour la grande-sœur alors que je suis l'aîné et que je mériterais un minimum de respect de sa part. C'est vrai quoi, je ne suis pas qu'un malfrat bon à enfermer, j'ai des bons côtés aussi. Lesquels, je ne sais pas, mais je suis persuadé qu'en cherchant bien, je pourrais me trouver une ou deux qualités. Je me renfrogne et m'enfonce dans mon siège, non sans lui rendre le regard noir qu'elle me lance. Je la regarde du coin de l’œil s'installer à table avec nous et prendre le muffin. « Merci grand-frère adoré d'avoir pensé à moi. Ça me touche beaucoup. » dis-je en imitant du mieux que je peux sa voix, même si ce n'est pas très concluant. La vérité, c'est que ça ressemble à tout, sauf à Sophie. Même un chaton passant sous les roues d'une voiture aurait un timbre de voix beaucoup plus agréable à l'oreille. J'aimerais bien continuer à la charrier, mais je vais éviter de jeter un nouveau froid entre-nous, alors je m'arrête avant de totalement perdre le contrôle et que cette discussion s'enflamme.

Sophie empêche le silence de s'installer de nouveau faisant passer un interrogatoire digne de la police à Kinga. Je la dévisage pour lui montrer mon agacement et prend mon visage entre mes mains. Elle ne lâchera donc jamais l'affaire ? Puis qu'est-ce qu'on en a à foutre de savoir que Kinga est à Gryffondor ou ailleurs ? Ce n'est pas comme si c'était la chose la plus importante dans ce bas monde. Quand tu rencontres quelqu'un, tu ne te présentes pas en l'informant de la décision du Choixpeau. ''Bonjour, moi c'est Oliver et je suis à Serpentard !'' Ridicule. « Pour une fois, tu ne peux pas tout simplement avoir confiance en moi ? » demandé-je à Sophie en poussant un soupir las. Si ça continue, ce n'est pas d'une clope dont je vais avoir besoin, mais d'un ou deux joints.

C’était étrange de se retrouver dans ce genre d’endroits avec des inconnus, enfin surtout pour les deux sœurs de la fratrie. Pour Oliver, ça l’était moins mais tout de même. Et puis leur façon de se parler, de se disputer, tout ça lui rappelait vaguement son frère et elle. Ils étaient presque pareils, dans un sens. Elle voulut tout savoir se présenter à la brune parce que c’était tout de même la moindre des choses mais on l’en empêcha trop rapidement. Le jeune homme l’avait devancé avant même qu’un seul mot sorte de sa bouche. « Adoptée.. et Rick... Quoi ? » Elle fronça les sourcils, pas vraiment sûr de ce qu’elle devait dire, si elle devait s’imposer ici ou simplement en rire. Mais malgré ça, elle était presque persuadée que la présumée Sophie était plutôt gentille, hormis avec son frère avec qui elle se battait presque verbalement avec des références qu’elle ne comprenait pas. Peu importe.

Kinga ne faisait que les observer, et plus le temps passait plus c’était drôle de les voir ensemble alors que la plus petite avait l’air bien plus calme. Elle avait également reposé le muffin qu’elle tenait dans les mains, des comme ça elle pouvait en avoir tous les jours au boulot. Parce que n’oublions pas, c’est bien là qu’Oliver les a eu, en volant surtout. Mais ça, elle se gardait bien de le dévoiler. Si elle révélait ce détail, elle était sûr que Sophie et Oliver continueraient leur conversation sans s’occuper d’elle, ce qui ne la dérangeait pas vraiment mais au final Kinga n’était pas venue ici pour profiter des disputes des enfants Grimm.  « Moi ? Je suis serveuse, c’est tout. Gémeaux et serdaigle, mais... Pourquoi demander ça ? Et non. Non, pas du tout. Il a été plutôt sympa, à vrai dire. Enfin... Je ne le connais pas réellement mais pas besoin de me venger... » Ça, c’était étrange comme conversation. Elle était très enthousiaste, peut-être même plus qu’elle ne l’a jamais été en vingt-cinq ans d’existence. Et puis en ce qui concernait son choix de maison, elle avait dit ça au hasard parce qu’elle n’avait vu tous les films et avait simplement lu les livres plus jeune, c’était loin tout ça. « Vous savez, peut-être que je devrais vous laisser entre vous, je préfère ne pas m’imposer ici. » Pas qu’elle était pas à l’aise dans cet univers mais elle savait bien que la jeune Sophie brûlait d’envie de poser de nouvelles questions à son frère. Et elle savait bien qu’elle devrait repartir bientôt.

J’ai l’habitude à ce qu’Emma ramène quelqu’un à la maison, que ce soit un camarade de lycée, un ami, un chat errant qu’il faut ensuite emmener au refuge pour animaux… C’est très régulier. Oliver, lui, cela n’arrive jamais. Il préfère découcher lorsqu’il décide de passer la soirée avec quelqu’un. Et il clame qu’il n’a aucun ami pour qu’on ne l’embête pas. Alors mon attitude suspicieuse suite à l’arrivée de Kinga est clairement légitime.

On se chamaille comme des gamins lorsque je lui demande ce qu’il a encore fait. A moins qu’il ne soit tombé sur la tête, la présence de la demoiselle n’est pas pour nous annoncer qu’il a rencontré quelqu’un. Ce serait bien. Mais ce n’est pas encore le cas, Oliver est un gros bébé pas mature pour ça alors j’envisage le pire. Emma intervient vite, et me voilà corrompue avec un muffin. Concernant la légalité de l’acquisition de ce muffin, j’ai mes doutes, et j’ai aussi l’impression que Kinga y est pour quelque chose. « Merci grand-frère adoré d'avoir pensé à moi. Ça me touche beaucoup. » Des fois, c’est à se demander lequel de nous deux est le plus vieux. Je ne relève que d’un regard moqueur et des sourcils levés envers mon frère, avant de reporter mon attention sur sa nouvelle amie.

J’aimerais, pour Noël, voir m’offrir un badge de policière parce que je me trouve plutôt à l’aise dans l’exercice.

C’est ainsi que j’apprends que Kinga est serveuse. Ding ding ding, sonnez la cloche, lien avec muffins plus ou moins confirmé. Les informations suivantes ne me sont pas très utiles, à vrai dire, mais ça me donne une bonne idée de sa personnalité. Un aigle bleu à double face ? Lorsque je verrais des posts sur tumblr signs as..., je pourrais savoir qui est vraiment Kinga. Ne lui offrez pas le badge, en fait, Sophie est nulle en enquête. Je hausse les épaules lorsqu’elle me demande pourquoi ces questions. On verra, Kinga du royaume de l’Est, on verra qui tu es vraiment.

« Et non. Non, pas du tout. Il a été plutôt sympa, à vrai dire. Enfin... Je ne le connais pas réellement mais pas besoin de me venger... » Donc Oliver a ramené quelqu’un à la maison qui « ne le connaît pas réellement ». Est-ce que je re-sonne la cloche et fais un petit jingle « c’est pas normaaaaaal » où vous avez compris où je veux en venir ? « D’accord. T’as l’air d’être une chic fille, je te crois Kinga. » Elle n’a pas l’air de mentir, même si elle reste relativement vague. Bon sang, des fois j’aimerais être une petite bestiole qui arrive à se faufiler partout pour voir les âneries que mon frère peut faire. Ou bien être invisible, parce que les bestioles c'est berk et ça se fait tuer facilement. Mais c’est que ça peut vite se finir en invasion de vie privée et prison cette affaire, dites donc. « Pour une fois, tu ne peux pas tout simplement avoir confiance en moi ? » Je plisse les yeux. Le problème, Oliver, c’est qu’il y a trop eu de « pour une fois » et que cette fois là n’est pas différente des autres. Il cache quelque chose, que j’apprendrai tôt ou tard, qui impliquera une dispute, qu’Emma tâchera de résoudre. Jusqu’à la prochaine, dans un cycle perpétuel et fatiguant pour tout le monde.

« Vous savez, peut-être que je devrais vous laisser entre vous, je préfère ne pas m’imposer ici. » Emma commence à protester pour lui assurer qu’elle est la bienvenue. Oliver ne fait pas de commentaires. Je hausse les épaules. Cela m’importe peu, qu’elle soit là ou non. Elle n’a pas l’air méchante, elle ne me dérange pas. C’est l’invité d’Oliver, c’est à lui de la retenir s’il le souhaite. Mais il n’en fait rien, alors c’est avec un bref sourire poli que je salue Kinga lorsqu’elle est raccompagnée à la porte par le rouquin.

Ce n’est que le début de l’histoire, je vous le dis.