La salsa, c’est nul. La danse, ce n’est pas pour toi. Tu viens de te prendre un échec cuisant et une petite humiliation parce que t’es un gros tas pas capable de suivre un rythme et qu’au moins tout le monde de la classe d’initiation s’est foutu de ta poire – ouais, même les deux grands-mères qui étaient là, les vieilles peaux. Tu peux au moins rayer ça de ta liste fraîchement commencée, la danse. Peut-être que tu aurais pas dû commencer par là, par la salsa, peut-être que tu aurais dû trouver un truc plus simple et moins rythmé parce que tu n’as jamais été capable de faire plus de deux mouvements en cours de gym à l’époque. Mais tu avais faim quand tu es allé sur le site de la salle de sport, le nom t’avait fait marrer et tu t’y étais inscrit en rêvant de tacos et de fajitas. T’étais optimiste. Alors forcément, maintenant t’es déçu et triste. Ça se rajoute à la petite pile de tristesse et d’ennui que tu accumules depuis le départ de ta blonde sur les routes américaines. Ça y est, tu es un héros romantique, tu meurs d’amour. Et dans la quête pour le sens de ta vie, ou ton talent super secret super bien caché mais super utile, tu n’avances pas.

Tu laisses la porte claquer derrière toi et tu t’arrêtes une seconde dans l’entrée, regardant dans le vide devant toi. T’as même pas la force d’annoncer ta présence. « It meh. » Que tu beugles, sans âme, enlevant tes pompes au passage. T’entends du bruit dans le salon mais tu l’ignores, tu files dans ta chambre dans le même rituel nouvellement trouvé, nommé ‘rituel de désespoir’. Tu te jettes sur ton lit, tu pousses un soupir, tu regardes ton portable, tu repousses un soupir, tu mesures mentalement combien de centimètres te séparent du joint le plus proche. Ce soir, y’en a trop. Et t’as mal aux muscles. Alors tu re-repousses un soupir. T’attrapes dans un élan de recherche de réconfort la peluche hippo qui te tient désormais compagnie – cadeau de Dawn lors de l’un de vos premiers dates au zoo, qui traînait auparavant dans ton armoire. C’est tout ce qu’il te reste d’elle. Ça va, Mr Drama-King, t’exagères à peine. Tu laisses tes petits cailloux de peine s’échapper de tes yeux, t’enroulant dans ta couette au passage. Sale vie que tu mènes.

T’es un peu déprimé – ouais, c’est ça. Tu n’as pas envie de te jeter du Golden Gate, malgré ce que tu pourrais laisser croire dans tes élans dramatiques, mais tu as envie que ça passe et d’arriver à dans six mois. Quand la tournée sera terminée, quand Dawn sera de retour, quand t’auras pas ce vide dans ta vie et dans ton cœur. Peut-être que la salsa ce n’était pas pour toi, mais en tu devrais vraiment envisager une carrière de poète. « Yo, brother! Can I come in? » Tu marmonnes dans ta barbe, tes dix-huit petits poils qui commencent à se voir parce que tu t’rases plus et ton patron s’est foutu de ta poire d’ailleurs. C’est pas que tu veux pas le voir, Bart, mais il va trop bien et ça t’ennuie. Pire que ça, tu t’sens trahi. T’as perdu ta polonaise et il s’en est trouvé une. L'ironie absolue. Il est en couple, heureux, vous passez moins de temps ensemble et tiens, ah, c’est peut-être ça qu’il a pu ressentir quand tu t’es entiché de Dawn. Sauf que Bart est pas si dépendant de toi, contrairement de toi à lui. Le sauveteur entre sans que t’ais eu besoin de te lever ou de donner véritablement ta permission – il fait bien ce qu’il veut de toute façon. « Hey, dude! » Tu as la force de répéter la première lettre pour le saluer, mais ça sort à peine dans un son. H. Ça va pas, Leo, pauvre chaton.

« I went to the store today. 'Thought you might cheer up with these. » Tu relèves la tête, plissant un peu les yeux pour identifier les paquets qu’il dépose sur ton bureau. Ton estomac lui envoie des cœurs, à Bart. Mais ton cœur se souvient du pourquoi de sa petite attention, et ton cerveau est toujours très au courant de l’humiliation du cours de salsa. You have a fat ass, my King. Tu sais même pas si tu dois être content des gourmandises apportées par ton pote, du coup. « Thank you. » T’es pas ingrat, non plus. Tu te redresses un peu dans ton lit lorsqu’il s’installe dans ton fauteuil. Prochaine mission : lancer ta chaîne Twitch ? Ça implique que tu dois ranger ta chambre, mais au moins tu as un joli fauteuil où t’asseoir. Ou alors, dans le salon. Mais tu serais capable d’abandonner au premier commentaire négatif.

« ‘Still thinking about Dawn? » Tu plisses légèrement les yeux, un souffle moqueur t’échappant déjà. « When am I not? » Tu bouderais presque qu'il ose te poser une pareille question. L'audace. « It fucking sucks, man. I feel like I’m missing a part of me. » Un petit bout d’âme, la lumière qui réchauffe, t’en sais rien… « Like, when you catch a cold? And one of your nostril is blocked? So you regret the time when your nose was just fine, and you regret that you didn't enjoy that enough? » Moins poétique, pour le coup. Tu renifles bruyamment – au moins t’as pas l’nez bouché, petite victoire – avant de te redresser pour de bon et de t’asseoir, dos contre le mur, hippo toujours contre toi, amour propre à la poubelle. « I got humiliated at salsa class today. It was for beginners, and those fucking grandmas mocked me because I can’t spin or shimmy or do whatever right. » Il faut bien que tu racontes tes mésaventures à quelqu’un, même si en temps normal tu serais le premier à te moquer de ta poire. « I hate old people. » Pas vraiment, t’aimes bien tes grands-parents, mais il faut bien que tu t’en prennes à quelqu’un. T’as pas envie de t’en prendre à ton pote, mais tu peux pas t’empêcher de lui demander avec une pointe d’amertume. « Where is your girlfriend? » Elle est probablement de meilleure compagnie que toi, la brune.

Il a l’air à peine convaincu par ta métaphore de ‘il me manque un morceau’ et tu as presque envie de râler. S’il ne comprend plus ta poésie, votre amitié risque de couler à l’eau très vite – il faut dire que t’es pas mal inspiré en ce moment, t’es un champion des lamentations. Tu passes à autre chose, parce que t’es sympa. Et que t’as la défaite cuisante. La salsa, c’est bon qu’en sauce, et les vieux sont cons. What’s new pussycat. « Yeah, they’ve been created to be hated. But why didn’t you asked me if you wanted to try a new activity? Or Gin’? Or Frances? » Tu fronces légèrement les sourcils, parce que t’es pas sûr que les vieux ont été créé vieux mais qu’ils le sont devenus. Votre destin à tous, pire que la mort. « Kill me before I’m 70, please. » Pour le reste, tu hausses une épaule. Oui, une seule. « ‘N I don’t know, I didn’t want one of you to steal my spotlight. » Bon, clairement il n’y avait aucun spotlight à voler ce soir. C’est pas tellement que tu essaies des nouvelles choses ou cherches une distraction. Y’a d’ça, mais dans le fond t’essaies surtout de trouver quoi faire de ta vie. Tu vas pas pouvoir dépendre de tes meilleurs potes tout du long.

Si ta copine est à des kilomètres de toi, celle de Bart l’est moins. Tu devrais profiter du fait qu’il soit seul, pour une fois, mais tu préfères râler à la place. Évidemment. Mila ne viendra pas parce que t’es déprimé – ah, c’est sympa. Tu grimaces, bouche s’étirant vers le bas. « I guess I was right. » Tu regrettes presque d’avoir abordé le sujet. « Sorry I don’t have a firefighter plush for you to cuddle. » Tu fais, un mince sourire moqueur – plus de toi que de lui – sur les lèvres. Ton pote se met en tête de te proposer d’autres idées, mais t’arrives pas à t’emballer. C’est clair que tu n’comptes toujours pas te mettre au sport d’équipe, t’aimes bien ton rôle de supporter dans les gradins. La plongée, ça reste le truc de Bart et toi tu veux ton truc à toi, le truc qui fait sens, le ‘aaaaaaah !’ de ‘mais oui ça fait sens, c’est Leo ça !’. « Or maybe spend some days off at the beach with the girls, build a campfire like the last years… » Tu esquisses un léger sourire. L’idée te plaît bien, mais t’as des contre-arguments. « It’s too fucking cold outside, mate! » T’es frileux, ouais. En plus, un feu de camp c’est là où t’as embrassé Dawn pour la première fois – tu serais bien capable de bader une bonne partie de la soirée. Le sauveteur ne se démonte pas et continue sa propre liste : passer du temps avec tes parents (t’avoues que ça, c’est une très bonne idée), faire du vélo, dormir dehors, encore. « Uuuuuuuurh. » Tu te lèves pour aller piocher quelques sucreries qu’il te tend, aussi et surtout pour la boîte d’allumettes pas loin sur ton bureau. Tu files ouvrir ta fenêtre et t’installes sur le rebord.

« We could also start a twitch chanel and review video games? But… reviewing our way. » Tu allumes le petit bâton blanc foncé, prenant plusieurs secondes pour y réfléchir. Ça pourrait être marrant. Mais. T’es pas un fana des réseaux sociaux, tu comprends pas ce besoin de s’exposer tout le temps, mais s’exposer seulement quand on est heureux et parfait. Tu as déjà zyeuté quelques chaînes Twitch par curiosité, et pour pas être totalement has been, tu as à moitié kiffé. « I don’t think I want to be an Internet star. » Trop d’pression, franchement. Tu veux pas qu’une fois ton nom tapé dans le Google, on trouve toutes les infos sur ta vie, les photos de toi au lycée, ton poids ta taille… Urf. « But why not. » T’as bien conscience que tu rejettes un peu toutes les idées de Bart, et que t’es encore plus chiant du coup. T’essaies de te rattraper. « Maybe I’ll try music again. Want to start a band? » Après tout, ta copine est musicienne – pourquoi pas toi. Parce que tu t’emmerdes dès que tu arrives à maîtriser un peu l’truc. C’est ça, l’histoire de ta vie. Tu essaies un truc, tu n’y arrives pas et tu laisses tomber, tu y arrives bien et ça devient ton obsession pour quelques mois jusqu’à ce qu’on te félicite et que tu te décides de passer à autre chose. Il n’y a que les plantes pour qui tu t’acharnes, mais c’est parce que tu fais ça pour ton plaisir. Tu t’imagines pas fleuriste ou horticulteur, tu t’imagines pas à apprendre la signification de ça et comment mieux faire pousser ci, tu fais au feeling et comme tu l’sens, tu les traites comme tes amis et ça réussit bien. « D’you think I’m going to be a big loser all my life? Should I just open my own legal weed plantation, since that the only thing I’m good at? » T’exagères pas, tu t’poses les bonnes questions – pour une fois.

T’y mets pas de mauvaise volonté, promis. Mais tes goûts sont à des années lumières de ceux de Bart. C’est l’histoire du grand sportif vs la couch potatoe. T’es reconnaissant qu’il te fasse bouger, quand même. T’as bien conscience que sans lui, tu serais sans doute en surpoids depuis le lycée – elle n’a pas tant de qualités médicinales que ça la weed que tu fais pousser. Mais t’as jamais eu envie de te mettre au sport et ce n’est pas maintenant que ça va changer. T’as jamais été un grand fan d’internet non plus, pas trop sur le fond – la forme tu aimes bien, mais ça aussi t’as déjà essayé. Tu te dis que tu peux retenter la musique, tu as un peu développé ton oreille depuis que t’es ingé son, et tu as les bases. Tu proposes à Bart de faire un groupe, même si vous êtes que tous les deux. Ça peut être marrant, des petits concerts tranquilles avec vos potes. Elles ne diront peut-être pas la même chose les demoiselles. « I’m used to play alone but we could start a power duo : Guitar and keyboard. I also have a drum machine. You lead, I follow. It could be a mix of dream pop, indie, electro. » Tu fronces les sourcils, l’air d’y penser un peu plus sérieusement. « Sounds like great music to get high to. » Ce sera le nom de votre chaîne Youtube, aller, vendu. « I’m in. » Qu’il dit, et il y a tes lèvres qui s’étirent en un sourire amusé autour du joint. « Dope. » Quelques autres secondes en plus, alors que tu le regardes récupérer la guitare à laquelle tu joues jamais – mais ça fait une bonne déco pour ta chambre, eh. « But shit, Bart, I think you’re becoming the bottom in our relationship. » You lead, I follow, bah ptn, il a bien changé le sauveteur, ça t’en bouche un coin – et tu vas te récolter un doigt d’honneur dans trois secondes.

Tu as peut-être trouvé de quoi t’occuper, et de quoi passer du temps avec Bart ce qui est plutôt chouette et apaise un peu ton mal à l’âme (ça et la weed), mais t’es quand même perturbé par les rendes réflexions de la vie. Qui suis-je, où vais-je, à quoi bon. T’aurais peut-être dû tenter un cursus de philo plutôt qu’un d’informatique, entre ça et l’herbe tu aurais eu de quoi t’occuper l’esprit. Bon, tu serais sans doute un hipster pédant et chiant, mais la philosophie ça va avec certains risques à prendre. Ça t’emmerde, maintenant, de pas quoi savoir faire de ta vie. De pas avoir d’ambition, de petite passion qui reste. C’était amusant quelque temps, mais t’as 25 ans. Certains insistent pour dire que c’est le quart de siècle, comme s’il fallait que ça soit un truc vraiment fort. 25 ans, c’est à peine 10 ans en vérité. Tu peux pas croire que t’étais maître de toi, tes pensées et ton destin les 15 premières années de ta vie. Après, les 10 suivantes, tu t’es laissé allé. Mais c’était ton choix. Le libre-arbitre. Maintenant, ton choix, il te dit de te trouver un but, un truc, n’importe quoi. Plus facile à dire qu’à faire. Bart se lance dans un de ses petits discours, un d’ceux pour motiver les troupes et repartir à l’attaque. T’as presque envie de chialer quand il te dit que t’es pas un gros loser – c’est clair qu’il ne t’a pas vu te dandiner au cours de salsa. Mais il a quelques arguments, même si tu peux en trouver des contres facilement. La différence entre là où tu étais y’a 10 piges, c’est que t’as quitté la maison de tes parents. Tu fais une petite déprime. T’aimerais avoir des abdos – et c’est clair que tes poumons sont foutus mais ça tu le vis bien. Mais t’as un travail, pas de dettes, des potes. Des fois t’oublies un peu qu’il en faut peu pour être heureux – ou plutôt que t’es un épicurien de base mais avec une addiction pour les pizzas.

Tu échappes un soupir, ok t’as compris va falloir relativiser un peu et lâcher la pression. « You still have time to think about it but let us help you. You can lead something without being all alone and in the end, this thing would have been yours anyway. » Mais à 25 ans, quand même, ça craint d’pas savoir. Tu pinces du bec, faux air dubitatif sur le visage, t'entêtant plutôt à essayer de réfléchir. Ça fait beaucoup d’infos, le petit pep talk, il faut que t’encaisses le tout. T’éteins ton joint – et comme un ingrat t’en as même pas proposé à ton pote, rah la vipère – et fermes la fenêtre. Tu tiens à la bonne santé de tes narines. « Are you saying you want to come with me to zumba class next week? » Tu finis par dire, préférant ramener un brin d’humour dans la discussion. Tu déconnes, à moitié, tu es bien inscrit à un cours d'initiation à la zumba la semaine prochaine. Ouais, tu comptes faire toutes les danses aux consonances latines. « But thanks… You can still top I’m okay with that. » But just you wait. T'arrives pas à être sérieux plus de deux secondes, rah, poses-toi c'est important. Tu retrouves ton lit et ta peluche hippo. Oui c'est aussi important. « In all seriousness, it’s good to have you on my side. Not to flatter your ego but I wouldn’t be there if it weren’t for you. » T'es convaincu qu'il y avait bien une petite raison, pour que Bart débarque dans ton lycée et ta petite-vie alors que son caractère est à des années lumières de toi. Il te complète, et te pousse à donner le meilleur de toi-même. Une sombre histoire d'âmes-soeurs, si tu ne t'abuses.

Tu plisses les yeux, super dubitatif, quand Bart te corrige pour te dire que vous pourriez faire de la musique agressive. Il t’a rencontré, ou quoi ? T’es pas bien capable de t’affoler, t’es pas un musicien excellent, l’agressivité il peut la garder là où ça fait sombre. Le placard, roh, tout d’suite. Puis de toute façon, si tu y mets ton cœur tu peux devenir high sur tous les genres de musique – alors tu hoches la tête pour lui faire comprendre que son argument est non recevable. « And when Dawn will be back, maybe she’ll be glad to record drum parts for you or maybe her voice if she knows how to sing. » Tu restes pensif – c’est vrai que ça pourrait être cool d’avoir des dumdumdumksskss en plus, tu refuseras jamais de faire des trucs avec ta copine et d’ici à ce qu’elle revienne vous aurez éventuellement trouvé vos marques avec Bart (ou abandonné le projet). Tu retiens l’idée, au moins pour la batterie. Pour le chant, t’sais pas. « I can’t help you with it. I’m very bad at singing. » Ça t’fait marrer, t’as le souvenir de nombreuses soirées karaokés – alcoolisées – qui te remontent. Pour le bien-être de tous, on va éviter. « Holy shit, if we ask Dawn and Mila to join to sing we can be the next ABBA?! » Bah ouais, même joueuse derrière, donc même références musicales sorry not sorry. Ça, au moins, ça ferait plaisir à Kowalski, eh. L’idée t’amuse, t’es de plus en plus emballé par le projet. Par contre, Bart il n’assurera pas la guitare, l’instrument n’est pas des mieux accordé et les notes sont hasardeuses – tu retiens tes commentaires, déformation professionnelle alors que t’as pas envie de gâcher l’ambiance, tes petites plaies qui commencent à cicatriser pour ce soir et la nouvelle entente créée. Bon, tu le fais quand même chier avec l’une de tes blagues dont tu as le secret, mais ça c’est cadeau ça fait plaisir. (Si.) « Why do you suddently want to find yourself a passion? Why now? » Tu pousses un bref soupir. « Because y’all are going to get what you always wanted, through your hard work, and I don’t want to be the only one left behind with nothing. » Dawn a commencé avec la musique, et plus tard avec les jeux vidéos, Ginny percera dans la mode, Frances a du succès dans tout ce qu’elle fait, Bart réussit également et toi… Toi t’es là, toi tu les soutiens et t’es heureux pour eux, mais toi quand on te demande quoi d’neuf tu réponds toujours rien. Et t’as 25 ans, il serait grand temps de savoir – ce qui t’anime, ce que tu veux faire, en plus de qui tu veux être.

Le pep talk de ton meilleur ami est bienvenu, tu veux bien essayer de le croire quand il te dit que c’est pas si grave de pas savoir parce que t’as quand même deux-trois trucs chouettes dans ta vie qui est à peu près en ordre. Calme tes boobs, p’tit Leo, tout roule et tout vient à point à qui sait attendre. Une sombre histoire dans le genre. T’essaies de détendre l’ambiance en lui demandant s’il veut t’accompagner à la zumba mais il t’envoie promener. P’t-être que la zumba est ton secret call, il en sait rien, tu veux rien laisser de côté. Y’a peu de chances, quand même, mais on sait jamais. Tu plaisantes que tu veux bien lui laisser les commandes, mais il devient tout sérieux d’un coup avec sa tête de ‘big ass talk’. « I don’t want to. This is an illusion. » What is? Life, time, power? Après la zumba, tu t’enrôles dans une classe de philo, c’est sûr. « The illusion that I’m confident enough to be a leader… Who I’m not. » Tu plisses du nez, ah, non, attendez, il faut qu’il s’entende aussi. « Yeah right, sure. » T’es pas sûr de ce qui fait de lui un leader, mais t’es certain que c’est l’une des têtes de votre petite bande et que dans sa vie quotidienne, les gens l’écoutent. Toi, quand tu parles, on te regarde et on attend de savoir quand est-ce qu’on peut se moquer de ta pèche. Bart, on l’écoute, on acte. Un somptueux mélange de charme naturel et d’autorité, d’une capacité à prendre les décisions et les imposer – avec plus ou moins de douceur selon l’humeur. T’es pas sûr que la confiance en soi soit le seul truc dont il a besoin pour défier l’autorité. « I was raised to be the best in everything but trust me, it doesn’t worth it and being the best is why douchebags are douchebags. » T’échappes un ricanement à ça. « I know, you’re a fucking moron but that’s 50% of your charm. » Avec toute l'affection que tu lui portes. « But being the best is just too much pressure. Do what you like, do what feels right, don’t shit on the others and you’re good. » Tu réfléchis un peu, encore, essayant de te souvenir d’un petit mantra que tu as dû lire quelque part pour conclure ton idée. « Take no shit but do no harm. » Tu demanderas à Ginny de te broder ça – ou alors tu peux peut-être même apprendre à le faire toi-même, adulte indépendant en quête de raison que tu es. Leader ou pas, t’es bien content d’avoir Bart à tes côtés – la vilaine voix sur ton épaule qui t’pousse à bouger ton derrière de temps en temps. « Hey, I’ve always been on your side.  » Good to know, c’est un partenariat à durée indéterminée, il va pas s’débarrasser de toi si facilement. « And you’re here because you wanted to, not because of me. » Tu pinces les lèvres – c’est débattable. Mais Monsieur ‘je n’suis pas un héros leader’ n’attend pas ton avis pour argumenter : l’idée de la coloc vient de toi – pas que, mais – et la reconversion de Bart en sauveteur plutôt que footballeur alors qu’il avait tout à y perdre et à peine passé la vingtaine c’est aussi grâce à toi. Tu commences à acquiescer, oui oui soit, ok ok pas faux. « You played your part too and much more often than you think you did. » Tu finis par lever les yeux au ciel mais tu souris comme un gueux sur la fin. Ça te fait assez plaisir d’entendre ça, ça booste ta confiance et ça te fait sentir utile – et aimé. « Yeah yeah, I’m pretty awesome, that’s because I’m the King. » Et t’es pas capable d’entendre les compliments – même si t’aimes bien les donner, de toute évidence. Tu secoues légèrement la tête, toujours souriant. « I love you bro. » Tu lui dis, allant tapoter son bras ridiculement musclé au passage pour que le message rentre et qu’il soit compris pour ce qu’il est : une déclaration sincère plutôt qu’une plaisanterie. #appreciate, et toutes les vidéos de ces mecs fragiles mais virils (trademark mâle alpha, copyright fragile masculinity) qui sont pas capables de prendre des compliments et d’exprimer leurs sentiments.

Il est pas chaud pour ABBA, ça s’voit qu’il ne sait pas ce qu’il y a de vrai. Music for boomers? Nanananana. (Batman) « ABBA has been reclaimed by the gays, Bart, keep up! » S’il ne suit plus les tendances, tu ne peux plus rien pour lui, aussi. Vous vous chauffez donc pour votre groupe de musique hybride. Tu vas enfin pouvoir mettre ton surnom de Stoner à un usage utile. Leo MC Stoner. Ta petite quête de sens est peut-être inattendue, mais elle n’est pas entièrement infondée non plus. Peut-être qu’avant, elle était juste… Moins prononcée ? Active ? Tu t’en foutais. Mais au bout de 25 ans, alors que ta copine traverse les Etats-Unis pour faire de la musique, alors que tes potes commencent à se faire un nom dans leurs domaines respectifs, tu te dis que tu n’peux rester sans rien toute ta vie – et tu n’peux plus attendre que ça vienne tout seul non plus. Bart te rassure au moins que t’es pas un gros loser, parce que ta vie n’est pas si catastrophique que ça et que tu t’en sors plutôt bien. Tu as surtout de la chance d’être bien entouré. De tes parents, de ta sœur qui veille au grain, de Bart et tes potes pour te motiver et bouger.

T’es plutôt dubitatif quand Bart doute de ses qualités de leader – à bien y penser s’il faut, c’est même pas des qualités mais un gène. Okay, sans doute. Et ça vient juste à côté du gène ‘douchebag’. Conclusion, il est parfait ! « I’m glad you don’t want me to change! Because I won’t! » Tu lèves les yeux au ciel mais tu ricanes. C’est pas faute d’avoir essayé, mais y’a personne qui puisse changer le brun – il est trop buté. Quoi qu’il s’est un peu adouci depuis qu’il fréquente la polonaise brune… Un peu de sucre dans son café et de lait dans son chocolat. Tu te retiens de lui faire la remarque, t’as pas envie de trop l’emmerder non plus alors que vous avez une conversation mature où vous exprimez vos peurs et doutes. Y’a des moments pour tout, et puis vous l’emmerdez bien assez avec ça Bart. « That’s my boy! That’s what I wanted to hear like ten minutes ago. » Tu relèves les yeux au ciel – ce sera de sa faute si tu as une migraine après. « I’ll make it a tee-shirt for you. » Un vrai bro.

Il te réaffirme l’importance que tu as pu avoir dans sa vie – en plus de celle qu'il a pu avoir sur la tienne. Semi-sérieux. La raison que tu trouves à ça c’est que t’es le roi, il t’arrange bien ton nom de famille des fois. « Yes, you’re. Especially for the projet we were talking about, so move your ass or you’re gonna end up like a french king. You’ve got a whole vibe to create. » Eh merde, il était sérieux pour que ce soit toi qui dirige le projet – il va vraiment falloir que tu t’y mettes, il est capable de te mettre des pichenettes derrière l’oreille sinon. Pour la décapitation, c’est plus trop permis askip. « Ah oui oui mon ami, all right, come on! » Est-ce que tu tiens la principauté de tes connaissances en français et en monarchie française de Hamilton et des brefs passages de Lafayette ? Oui. « Don’t push me or the genius won’t come out! » T’es la reine du drama, en plus d’être le roi des idiots. Vous prononcez les trois petits mots affectifs, même si les siens sont accompagnés d’une petite injure délicate au passage. C’est comme ça que vous vous aimez, tout roule. « Want a beer? It’s 3pm but whatever. We’re alone anyways. » Tu réfléchis quelques secondes, sors ton téléphone pour regarder la double horloge que t’as installé. « It’s 6 where Dawn is. We’re good. » Larges. Tu le laisses passer devant, t’attrapes au passage la guitare qu’il a reposé et l’accordeur « And you’re never touching Pamela again. » Tu l’préviens, à peine amusé. Puisqu’il est si tôt et que vous êtes tous les deux, autant en profiter pour plancher sur votre nouvelle lubie.