≡ POSTS : 1502 ≡ ÂGE : 25 ans, déjà, elle va commencer à complexer. (01/06/95) ≡ SURNOM : Soph, Fifi, Grimm, les plus courants. ≡ OCCUPATION : Vendeuse de BD, presque incollable sur le MCU, team Iron Man. Elle est en pleine conception de son propre comic, aussi, rien de concluant pour l'instant. Elle a commencé les cours du soir pour se former au management, à voir. ≡ STATUT CIVIL : En couple, heureuse, elle respire, ça fait du bien. ≡ ATTIRANCE : Tout le monde, vraiment tout le monde. Elle est plus attirée par la personnalité de quelqu'un que par son genre. (Pansexuelle) ≡ QUOTE : Sometimes you put a bunch of misfits together and you get a family. Sometimes you get a bunch of assholes. ≡ LOGEMENT : #32, Castro District avec sa soeur et le chat. ≡ RPS :
Je me suis remise à pleurer lorsqu'un miaulement m'a accueilli, la porte de l'appartement poussée, et que Merguez a couru du salon jusqu'à l'entrée pour venir se frotter contre mes chevilles. La boule de poils récupérée et installée dans mes bras, c'est contre mon frère que je suis allée sangloter dans le salon. Des masses molles, ornés de cheveux roux pour la plupart, à se pleurer les uns sur les autres. Je me demande toujours où est-ce que je trouve toute la force pour pleurer autant. Mes derniers épisodes de larmes remontent à cet été, lorsque j'ai vu Conrad pour la première fois avant d'apprendre que les parents Grimm n'étaient pas morts. C'était épuisant. Je ne suis pas prête à revivre ça. Mais le fait est que je n'ai pas le choix. Mon esprit est trop blessé pour que je ne pense raisonnablement, que je reprenne des habitudes normales. Bien que je sois de nouveau en sécurité chez moi et avec ma famille, j'ai peur de parler plus fort qu'un chuchotement. Mon corps est trop douloureux et me rappelle constamment ce qu'il s'est passé, que je n'arrive toujours pas à nommer proprement d'ailleurs. J'ai du mal à croire qu'il y a quelques heures encore, je n'étais pas... Libre. Est-ce que je suis libre, maintenant ? Je n'en suis pas si sûre. Lorsque je croise le regard plein de remords et d'interrogations d'Oliver, je n'en ai pas l'impression. Je n'ai pourtant toujours pas envie de discuter de ce qu'il s'est passé, de pourquoi, de comment. Je n'ai pas non plus envie de lui demander d'où vient son sparadrap sur son nez, et pourquoi celui-ci est violacé. Alors je m'appuie sur le soutien d'Emma, pour qu'elle m'aide à éviter une quelconque discussion avec notre aîné. Je me retrouve dans la cuisine, les joues encore humides de larmes, avec le chat qui me ronronne sur les genoux pendant que ma sœur s'affaire à préparer du pain perdu. Je n'ai toujours pas faim, mais je sais que mon corps a besoin de nourriture et je me force à en manger deux tranches. Mais si auparavant le pain perdu avait un doux arrière-goût de Noël, sur le moment il n'a qu'un goût amer de besoin vital de manger pour survivre. Accompagné d'un creux dans ma poitrine et des quelques pensées sombres qui ont pris l'habitude de l'accompagner. Je n'ai plus tellement l'envie de vivre.
Je me rends compte que je fixe mon assiette vide depuis quelques minutes maintenant quand la tête de Merguez entre dans mon champ de vision pour vérifier s'il n'y a pas des miettes à grignoter. Je pousse un semblant de soupir qui s'apparente à un rire avant d'aller lui grattouiller le crâne. Lorsque je relève la tête, j'ai deux paires d’yeux fixés sur moi et... Non, je ne peux pas. Je préfère être seule que supporter les regards inquiets de ma fratrie. J'ai déjà assez de mes pensées à cogiter, pour en plus devoir m'inquiéter des leurs. Il faut d'abord que je me remette de ce qu'il s'est passé, cette semaine, avant de m'inquiéter de ce que c'était de leur côté. Égoïstement, il faut que je pense à moi avant de penser à eux. Je ne vais pas pouvoir m'en remettre, sinon. Au moins une journée. Je demande à Oliver et Emma de me laisser tranquille une journée. Et de ne prévenir personne de ma présence ici, ou bien d'éviter qu'ils ne débarquent. Je ne suis pas prête pour les effusions d'amour et autres retrouvailles larmoyantes. Je sais, ou j'imagine du moins, que mon absence a dû inquiéter mes amis. Et même si je les aime de tout mon cœur et que j'ai hâte de les retrouver, je ne peux pas. Pas maintenant. Les Grimm acquiescent leur accord, je vais leur embrasser une joue avant d'aller m'enfermer dans la salle de bains.
J'ai une allure épouvantable.
Mes cheveux sont toujours roses de la soirée du nouvel an. Particulièrement sales et désordonnés. Je ne me suis pas lavée depuis une semaine, et je regrette un peu de ne pas avoir commencé par là. Pardon les Grimm. Je retire avec difficulté les vêtements prêtés par les policiers, observant avec une grimace les hématomes et égratignures qui siègent désormais sur mon corps. Je ne pleure pas, cette fois. Je n'arrive qu'à être en colère, mais d'une colère sourde et fatiguée. Je ne peux rien y faire. Je prends mon temps sous le jet d'eau chaude, observant d'un œil vide l'eau se colorer de rose et les bulles de savon disparaître au fur et à mesure que le temps passe. Je grimace encore de douleur lorsqu'il me faut sécher mon corps, hésite un peu à aller demander de l'aide à Emma pour me sécher les cheveux. Les mots du médecin me reviennent à l'esprit, tout comme ceux que j'ai pu dire à Oliver lorsqu'il est rentré de prison. Ce n'est pas un mal, de demander de l'aide. Alors j'enfile mon pantalon de jogging et un tee-shirt trop grand qui appartient à... Urm, Alban, me semble-t-il, avant d'aller frapper à la porte de la chambre de ma sœur. Plongée dans un bouquin. Ça me fait du bien de retrouver l'Emma habituelle, un peu. Je tente une esquisse de sourire, avant de lui tendre ma serviette mouillée. Je ne peux pas lever le bras gauche, I need help. Elle s'affaire, me raconte l'histoire de son livre après que je lui ai demandé. C'est simple comme échange. J'arrive presque à oublier pourquoi je suis là au départ. Presque. La conversation s'amenuise jusqu'à disparaître alors qu’Emma me démêle les cheveux, et la peur qu'elle me pose des questions vient me tordre l'estomac. J'ai très envie de fuir, je dois refréner des soubresauts de stress de s'emparer de ma jambe à plusieurs reprises. Lorsqu'elle me tend la brosse et la serviette, je suis sur mes pieds en moins de deux. Et je grimace, parce qu'ils sont toujours blessés et que c'est douloureux. « Merci, Em'. » Je suis déjà à la porte. J'hésite, quelques secondes, avant de me retourner vers ma sœur une dernière fois. « Je ne sais pas si... Est-ce que tu pourrais prévenir Alex ? Que je... Vais bien ? » À peu de chose près. Elle acquiesce, et je la remercie avant de la quitter pour de bon cette fois.
Je retrouve le confort de mon lit et de mes couvertures. Merguez vient se poser près de mon oreiller et je gigote pour pouvoir passer une main dans sa fourrure et me rassurer de sa présence. Je ferme les yeux, fatiguée, m'enfonçant dans un semblant de sommeil. Je ne dors pas. Mais je ne suis pas vraiment réveillée non plus. Et des bribes de souvenirs m'assaillent, et j'ai la nausée. Je sursaute, comme lorsqu'on se réveille d'un cauchemar. Je deviens dépendante des ronronnements du chat qui semblent être la seule chose normale dans l'instant présent. J'essaie de me concentrer sur ma respiration pour ne pas me remettre à pleurer, encore, lorsque la poignée de la porte de ma chambre s'abaisse et que cette dernière est poussée avec prudence. Je n'ai pas eu peur, cette fois. Mais je geins déjà. « J'veux être seule. » Une journée, s'il-vous-plaît. Mais ce n'est pas une tête rousse qui apparaît, mais plutôt une brune de trois mètres de haut. Et mon cœur manque plusieurs battements et mon estomac s'affole. Je me redresse, chouinant déjà, et commence à tendre les bras vers Alex alors que ma vision devient floue.
Évidemment qu'il est l'exception à mon désir de solitude.
Les deux derniers jours ont sans doute été les plus longs de ma vie. C’est une course contre la montre qui s’est engagée, urgente et angoissante. Toutes mes jauges de colère, de peur et de frustration sont élevées à leur maximum, les mots d’Oliver résonnant encore dans mon esprit tandis que je multiplie les appels téléphoniques.
Tic, tac. Ils vont tuer Sophie. Tic, tac.
Prévenir les flics. C’était ça, ma superbe mission censée régler ce merdier. Prévenir les putains de flics. Attendre une heure ou deux après le départ d’Oliver histoire d’apaiser tout soupçon, de peur que cet imbécile heureux se soit fait suivre jusque chez moi, puis me rendre au commissariat le plus proche et remplir un formulaire de merde qui signalera officiellement l’enlèvement de Sophie. Je leur ai tout déballé, tout ce que je savais à propos des frères Harrison, de la vendetta de James contre l’aîné des Grimm. Je leur ai donné sa lettre de menace, fournie par Oliver comme pièce à conviction, l’ultimatum semblant gravé au fer rouge au bas de la feuille de papier et me faisant encore grincer des dents lorsque l’officier le lit à voix haute. Toutes les informations reçues ce matin se bousculent encore dans mon esprit, un véritable ouragan qui m’empêche de réfléchir de façon cohérente. Au final, je n’ai qu’une idée en tête : retrouver Sophie le plus rapidement possible avant qu’il ne lui arrive quoi que ce soit. Mais j’ai eu beau gueuler sur les uniformes pour qu’ils se magnent parce qu’une vie était en jeu, je n’ai récolté qu’un très condescendant « Monsieur, nous allons tout notre possible, laissez-nous faire notre travail et lâcher mon collègue ou je vous place en garde à vue », ne faisant qu’amplifier ma frustration.
Tic, tac.
Je les emmerde, tous autant qu’ils sont. S’ils s’imaginent que je vais rester sagement bras croisés le temps qu’ils mènent leur petite enquête, ils peuvent se fourrer le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate. Pendant qu’ils s’organisent, Sophie est enfermée au fond d’une cave à la merci de l’humeur d’un psychopathe, peut-être blessée, ou pire. Et ça me fout la gerbe. Ce ou pire ne cesse de clignoter en lumière rouge dans ma tête, motivant mes jambes à avancer plus vite dans les rues de San Francisco malgré la nuit qui commence à tomber et la fatigue qui ralentit mon rythme. Je ne sais même pas ce que je cherche, ni après quoi je cours. Ce n’est pas comme si James et sa bande allaient se balader en public comme si de rien n’était. Mais je m’en fous, j’ai juste besoin de faire quelque chose ou bien je vais devenir complètement fou. À moins que ce ne soit déjà le cas, vu les regards désapprobateurs que me lancent les résidents lorsque je me mets à beugler le prénom de Sophie dans leur petit quartier tranquille.
Je finis par atterrir dans un parc, le souffle court et l’âme en peine. Mes pas me guident jusqu’à un arbre contre lequel je me laisse glisser au sol. Entre mes jambes légèrement repliées, je remarque mes doigts qui se sont mis à trembler. Tic, tac. Mon cœur menace de s’échapper de ma cage thoracique à chaque battement, à tel point que ça en devient douloureux. Des images de Sophie, inconsciente et ensanglantée, gisant aux pieds de James, dansent dans mon champ de vision qui devient de plus en plus flou. Je gémis faiblement, dissimulant mon visage entre mes mains pour tenter d’atténuer mon soudain vertige. Une petite voix qui me murmure à l’oreille, vicieuse. Elle est peut-être déjà morte. Le souffle qui se bloque dans ma gorge prise en étau. Je ne peux rien faire d’autre que subir, forcé de faire face à mon impuissance totale quant à la survie de Sophie. Mes doigts qui s’enfouissent dans mes cheveux pour tirer aux racines, fébriles. Rien du tout.
Alors je hurle.
Je hurle à la Lune, animal blessé. Je hurle mon désespoir, ma rage et ma frustration. Ma colère contre Oliver et ma haine envers James. Envers moi-même, aussi, qui ne s’est pas inquiété plus tôt, qui n’a pas songé à aller chercher Sophie en voiture ce soir-là plutôt que de la laisser rentrer à pied. Je hurle ma souffrance. Je hurle à m’en péter les cordes vocales et jusqu’à m’en retourner l’estomac. Quand ma voix finit par se briser, mettant fin à ma plainte, je me laisse retomber contre le tronc humide, épuisé. La panique commence à refluer, décrispant doucement mes muscles pour laisser place à un début de migraine. J’ai l’impression d’avoir couru un marathon dans le désert. Des volutes de vapeur s’échappent d’entre mes lèvres tandis que ma respiration reprend un rythme régulier et normal. Et moi je reste immobile, le regard perdu dans la voute céleste au-dessus de ma tête.
Et maintenant ?
J’ignore combien de temps je reste dans cette position mais ce n’est que lorsque mes membres se remettent à trembler, de froid cette fois, que je me décide à bouger. Je me relève péniblement, grimaçant en réaction aux courbatures dans ma nuque, avant de quitter le parc. Le jour, accompagné de son typique brouillard qui recouvre la ville de son épais manteau blanc, commence à peine à se lever lorsque j’atteints la porte d’entrée de mon immeuble.
Sans surprise, je dors mal. Trois ou quatre heures, maximum, avant que l’alarme de mon téléphone ne me fasse difficilement émerger d’un sommeil sans rêve. Je grogne et me tortille afin d’attraper l’appareil encore fourré dans la poche arrière du jean que je n’ai pas pris la peine de retirer la veille. Plus de batterie. Merde. Un rush d’adrénaline finit de me réveiller complètement tandis que je me redresse à la recherche du chargeur, fixant ensuite avec angoisse l’écran qui se rallume dans l’attente d’un quelconque message ou appel en absence. Mais les deux seuls textos qui apparaissent finalement sont celui d’Adan, qui s’interroge à propos de mon absence au shop hier, et celui d’Oliver qui me demande des nouvelles du commissariat. Je réponds brièvement au premier, lui indiquant de fermer le Daddy’s aujourd’hui encore – le pauvre réceptionniste doit me détester en ce moment, je m’attends presque à ce qu’il me remette sa démission dans les prochains jours – et raconte au second mon passage clairement improductif chez les flics avant de lui demander si les nouvelles sont meilleures de son côté. Mais rien. Je serre les dents, réprimant le sentiment d’impuissance qui me tord les tripes, et me lève du canapé après m’être assuré que le mode silencieux de mon portable était bien désactivé.
Une douche et trois clopes et demie plus tard, j’ai un plan d’attaque. N’ayant que très peu d’estime pour les forces de l’ordre et dans leurs capacités à retrouver Sophie rapidement, j’ai pris les choses en main en contactant les amis de cette dernière via Facebook. Tous très inquiets et cherchant désespérément à se rendre utile, il n’a pas été difficile de les convaincre de passer la journée à m’aider à ratisser la ville au peigne fin pour maximiser nos chances.
C’est la première fois que je rencontre la majorité d’entre eux, mis à part Alban que j’avais déjà entrevu à plusieurs reprises et Jude qui est un client du shop. Mais l’heure n’est pas aux présentations et je n’essaye même pas de retenir le prénom des deux autres. L’expédition est simple : on se sépare en deux groupes, on interroge les gens (« Euh, Alex ? Est-on obligé de menacer leur famille et leur chien s’ils refusent de nous aider ? » « Oui, Alban. On est obligé. »), et on placarde partout les affiches imprimées à la hâte par la petite brune. « Des questions ? » Le petit groupe reste silencieux devant mon ton autoritaire et se contente de hocher docilement la tête de droite à gauche, certains masquant leurs reniflements derrière une fausse quinte de toux. Mais je vois de l’espoir dans leurs yeux humides, et ça booste un peu mon moral. « Alors c’est parti. N’oubliez pas de garder vos portables allumés. Prévenez-moi au moindre truc louche, vous avez mon numéro. »
Malheureusement, et malgré toute la bonne volonté du monde, la journée se termine sans avancée significative de notre part. C’est comme si Sophie s’était volatilisée en pleine rue, personne n’a rien vu, rien entendu. Et ça me rend complètement dingue. Mon paquet de clopes n’a pas tenu la journée, j’ai dû en ouvrir un deuxième pour tenter d’apaiser un temps soit peu l’angoisse qui ne cesse de faire trembler mes doigts. C’est un véritable cauchemar, réveillez-moi. Et au-delà de ça, je n’arrive pas à me dédouaner de toute responsabilité, c’est impossible, je n’aurais jamais dû la laisser rentrer seule, de nuit et à pied alors qu’elle avait bu et… Bordel j’aurais dû le prévoir. Et m’inquiéter plus tôt si seulement ma foutue fierté ne m’en avait pas empêché ! Bordel.
En rentrant chez moi ce soir-là et pour ce qui semble être la quinzième fois de la journée, j’envoie un message à Oliver pour lui demander des nouvelles, que ce soit de la police ou de James, mais sa réponse reste toujours la même. Rien. Salem vient se frotter à mes chevilles en ronronnant lorsque je m’accoude au comptoir de la cuisine, incapable de m’asseoir, et je me penche pour prendre le chat dans mes bras. « T’es pas inquiet, toi ? » Ses ronrons s’intensifient tandis que je lui gratouille distraitement derrière les oreilles, faisant naitre un sourire las sur mes lèvres. Ça m’apaise, un peu. Je finis même pas enfouir mon nez dans la douce fourrure noire et blanche pendant de longues secondes, inspirant l’odeur chaude et familière, avant de relâcher Salem et de passer le reste de ma nuit à éplucher Internet sur les traces de James Harrison.
* * *
Cinq jours.
Cinq jours que Sophie est détenue quelque part dans cette foutue ville. Cinq jours qu’un taré tient sa vie entre ses mains. Cinq jours qu’on n’a pas la moindre nouvelle, ni le moindre signe de vie.
Mais aujourd’hui c’est samedi et je ne peux plus me permettre de déserter mon travail pour entièrement me consacrer aux recherches. Les clients commencent à gueuler dans ma boîte mail et Adan ne va pas pouvoir continuer à faire tampon très longtemps, malgré ma très grande envie de tout envoyer balader. Ce serait stupide, surtout que si je suis parfaitement honnête avec moi-même, je suis à court d’idées. Les affiches n’ont encore rien donné, mes recherches Internet non plus. Ce type est un véritable fantôme. Je n’ai donc plus qu’à prendre mon mal en patience et attendre des résultats de la part des flics.
Jamais je n’ai autant espéré que mon portable se mette à sonner.
Et ce n’est finalement qu’aux environs de dix-sept heures que vient la délivrance.
Un numéro inconnu s’affiche sur le petit écran et je me jette dessus, appuyant sur le téléphone vert sans même chercher plus loin. C’est Emma. Elle me salue d’une petite voix hésitante avant de m’annoncer que Sophie est rentrée à la maison. Un poids énorme est retiré de mes épaules et je dois m’asseoir sur l’un des hauts tabourets du Daddy’s afin d’assurer mon équilibre.
Sophie est rentrée.
Mon cerveau prend à peine le temps d’enregistrer l’information que déjà je bombarde Emma de questions concernant sa sœur auxquelles elle a du mal à répondre. J’apprends quand même que Sophie a réussi à s’enfuir, mettant le feu à la planque de James avant qu’une voiture de police ne la retrouve et ne l’emmène à l’hosto. Et il me reste au moins un bon milliard de points d’interrogation mais la rouquine commence à bégayer à l’autre bout du fil et les clients à l’intérieur du shop me regardent de travers, m’incitant à baisser d’un ton. « Sorry. Thanks for calling, I’ll be there in a minute. » Je raccroche sans lui laisser le temps de répondre ou de protester contre ma venue. Même Adan qui a assisté à l’échange depuis son bureau ne tente même pas de me retenir lorsque j’attrape ma veste et sors du shop pour sauter dans ma voiture.
Sophie est rentrée.
Pourtant, il est encore trop tôt pour me réjouir et relâcher totalement la pression. Dans quel état vais-je la retrouver ? Est-elle sérieusement blessée ? Et outre le physique, à quel point son mental a-t-il été atteint ? D’autres questions tentent de s’immiscer dans mon esprit, viles et cruelles : A-t-elle seulement envie de me voir ? M’en veut-elle, pour ne pas l’avoir trouvée plus tôt ? Je les écarte, me concentrant sur mes pas qui montent les escaliers quatre-à-quatre, dénigrant l’ascenseur, jusqu’à l’appartement des Grimms. « Elle est où ? » que je demande, pressant, lorsqu’Oliver m’ouvre la porte, mais je n’attends pas sa réponse pour entrer et me diriger vers la chambre de Sophie. Mes doigts se referment sur la poignée que j’abaisse prudemment. L’obscurité de la pièce me fait plisser les yeux tandis qu’une voix enrouée s’élève depuis le lit. « J'veux être seule. » Mon cœur fait un bond dans ma poitrine avant de se remettre à battre bien trop rapidement. « Soph, c’est moi… » De faibles geignements me répondent et mes yeux finissent par suffisamment s’habituer au manque de lumière pour distinguer la jeune femme assise entre les draps défaits. La porte se referme doucement derrière mon dos alors que je franchis à la hâte le maigre espace qui nous sépare pour me précipiter entre ses bras ouverts, étreignant Sophie contre mon torse comme si elle pouvait encore m’échapper à tout moment. Mon palpitant est au bord de la tachycardie mais je m’en fous, seul importe le corps tremblant entre mes bras. « Fucking hell, you’re here. » Je souffle contre ses cheveux, n’arrivant toujours pas à y croire. Les pleurs de Sophie redoublent et je ferme les yeux. Je déteste la voir pleurer. « It’s okay, it’s okay. It’s over. I’m here. You’re gonna be alright. » Je répète ces mots pendant de longues minutes sans jamais desserrer mon étreinte, comme une douce litanie.
C’est fini. Mais à quel prix ?
Je suis le premier à m’écarter lorsque ses sanglots finissent par se calmer. Mes mains viennent délicatement encadrer son visage, mes pouces tentant d'essuyer les sillons mouillés sur ses joues alors que mes yeux cherchent avidement à croiser les siens. « Don’t do that to me ever again. Understood ? » J’ai l’impression d’avoir pris trente ans dans la gueule ces cinq derniers jours, je ne veux plus jamais revivre ça. Ce sentiment d’impuissance qui me bouffait de l’intérieur, c’est pire que tout. Ni tenant plus, mes lèvres s’écrasent contre son front et y restent jusqu’à ce qu’un gémissement de douleur de Sophie me fasse reculer, sourcils froncés. Ce n’est que maintenant que je remarque le pansement blanc qui barre son arcade et le bleu qui souligne son œil gauche. Mon estomac se tord, je n’ose même pas imaginer les autres hématomes probablement cachés sous ses vêtements. « What did they do to you ? What did this fucker dare do to you ? Sophie, tell me. Did they- » Mon débit de parole se fait de plus en plus pressant, mon regard jonglant frénétiquement entre ses yeux humides pour essayer d’y lire une réponse. Ou pire. « Did they fucking touch you ? » Et on sait tous les deux que je ne fais pas références qu’aux coups qu’elle a pu recevoir.
Je vais tuer ces ordures. Qu'ils osent sortir de leur trou et je les tue un par un.
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Même si j'ai rêvé des retrouvailles avec les Grimm durant de longues heures agonisantes, je n'arrive pas à supporter leur présence inquiète et l'état de fatigue léthargique qui nous assaille tous les trois. Je ne supporte pas le regard coupable d'Oliver, les questions muettes d'Emma, les vagues de peur qui m'assaillent dès que l'un d'eux prend la parole. Je ne supporte pas la familiarité de mon appartement, alors que c'est le seul endroit où j'ai envie d'être pour l'instant. Seule la présence du chat arrive à me consoler, finalement. Parce qu'il n'a pas la capacité à me poser des questions. Il reste avec moi parce que ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu ou bien parce qu'il sent que ça ne va pas. Je me contente de ça, pour le moment. Je suis trop épuisée pour vouloir passer du temps avec mon frère et ma sœur, même si je les aime. Je n'ai pas du tout envie de retrouver le squad, même s'ils doivent être inquiets. Si je leur donne de mes nouvelles, je sais qu'ils seraient capables de débarquer et je ne suis pas prête à affronter leur inquiétude et soulagement. Pas prête à entendre leur version de l'histoire et leurs voix se faire de plus en plus fortes parce qu'ils voudront parler en même temps. Je ne suis pas prête à retrouver Alex, non plus. Mais je n'ai pas envie qu'il continue à s'inquiéter, lui, aussi j'ai demandé à Emma de le prévenir de mon retour. Je n'ai pas cru qu'un SMS suffise à le calmer, je n'ai pas non plus espéré à ce qu'il vienne me retrouver.
Et maintenant qu'il est là, je ne sais pas si je souhaite sa présence autant que je la redoute. J'aligne des sons qui ne font pas sens les uns avec les autres lorsqu'il s'annonce, retrouvant avec un certain soulagement son étreinte rassurante et un peu trop forte pour le coup. J'ignore mon corps qui me rappelle sa fragilité et la douleur qui m'assaille, j'ignore mon cœur qui menace de sortir de sa cage thoracique tellement il bat fort. Je laisse mes larmes couler, et quelques sanglots s'échapper, sans me soucier de paraître faible ou d'avoir déjà trop pleuré. Parce que c'est Alex, parce que je n'ai pas à craindre de le blesser en étant faible, parce que je n'ai pas peur de son jugement. J'ai peur de son regard, j'ai peur de sa version de la semaine passée, j'ai peur qu'il ne s'énerve, après moi, mais je n'ai pas peur de lui. Alors je me laisse aller, parce que c'est peut-être la seule chose dont j'ai réellement besoin. Quelqu'un pour me soutenir. « Fucking hell, you’re here. » Et je ne sais pas si c'est du soulagement, de la colère, autre chose, tout et rien à la fois, mais ses paroles rendent la chose plus réelle, plus douloureuse, et je pleure un peu plus. Je cache mon visage contre son torse, maladroitement, pour y faire taire mes pleurs. Son tee-shirt devient rapidement humide. Mes mains viennent agripper le vêtement dans son dos, pour avoir quelque chose à quoi m'accrocher. Je me laisse bercer par ses mots rassurants. La douce illusion que c'est vraiment fini et que je vais vraiment aller bien ne dure pas tellement, alors que mes poumons me font mal et que mes sanglots de plus en plus bruyants. J'ai envie de crier parce que mon monde est en feu, mais je me concentre sur les battements de son cœur pour m'en empêcher.
La fatigue prend le dessus, finalement.
Après un moment, mes épaules s'affaissent et mes larmes tarissent. Je me laisse simplement reposer contre Alexander, mes bras mollement posés d'une part et d'autre de son corps, le laissant prendre les devants. Bien que plus calme, la peur s'empare de moi une nouvelle fois lorsqu'il se recule et vient attraper mon visage de ses mains. Je ferme les yeux quelques secondes, le laissant effacer les perles salées, avant de me résigner à poser mon regard sur son visage à lui. Il a l'air fatigué, et inquiet. C'est de ma faute. « Don’t do that to me ever again. Understood ? » Ma bouche s'étire vers le bas mais je ne me mets pas à pleurer, cette fois. « M'sorry. » J'articule à peine, d'une voix rauque et basse. Je ne sais pas, de quoi je suis désolée. Ce n'est pas comme si j'avais vraiment prévu les récents événements. Je m'excuse surtout par peur des représailles, même si elles ne viendront pas. James a réussi finalement, j'ai peur de tout, même des personnes que j'aime. Je geins lorsque les lèvres d'Alex se posent trop près de mon arcade douloureuse. Il se recule, une nouvelle fois, et l'inquiétude fait place à la colère. « Alex... » Ce n'est pas grave, c'est trop tard maintenant. Je n'ai pas le temps de lui demander de ne pas lancer le sujet que les questions fusent déjà. « What did they do to you ? » Son ton est pressant et j'ai l'impression de suffoquer. Je baisse légèrement la tête pour échapper à son regard, à défaut d'échapper aux piqûres de son inquisition. « Did they fucking touch you ? » Je relève le menton, un hoquet de terreur m'échappant, avant de hocher négativement la tête. Non, mon sort n'a pas été aussi terrible que celui de Stella. Et je ne sais pas si je dois me considérer chanceuse ou non pour ça.
Je déglutis difficilement, prenant plusieurs longues inspirations. Mes mains tremblent un peu lorsqu'elles viennent chercher celles d'Alex, tout comme ma voix qui s'échappe dans un chuchotement. « Please don't get mad. » Je demande, suppliante, avant de commencer à désigner les divers endroits de mon corps blessé. Je n'ai pas assez de courage pour lui raconter ce qu'il s'est passé, pas encore, alors je préfère lui montrer. Il a déjà vu mon visage. Je le laisse effleurer les marques rouges de mes poignets du bout des doigts, retenant une grimace. Puis je laisse lentement l'une de ses mains se poser près de mes côtes, où il peut sentir l'épaisseur du scotch en dessous de mon tee-shirt plutôt que ma peau. J'ai d'autres égratignures et hématomes, mais je ne sais pas où est-ce qu'ils sont précisément. Je n'ai pas envie de le savoir, et je n'ai pas envie qu'il le sache non plus. Pas de suite, du moins. « I'm so sorry. » Encore une fois, je ne sais pas de quoi. Je veux juste qu'il ne s'énerve pas.
L'inspection terminée, je repose mon visage contre son torse, et guide sa seconde main de l'autre côté pour m'offrir un semblant de sécurité. Je lutte quelques secondes, hésitante. J'ai déjà partagé plus avec lui qu'avec les Grimm. Parce que c'est Alex, la seule personne avec qui je me sens assez en confiance pour partager mes pensées les plus sombres sans aucun masque. Je finis par briser le silence, les laissant sortir. « I didn't think I would get out of there alive. » J'avoue avoir perdu espoir. James aura au moins le mérite d'avoir très bien joué son rôle, un parfait bourreau. J'ai peur de tout, j'ai peur d'Alex et d'Oli et d'Emma, j'ai peur de mes amis. J'ai peur de moi-même. L'idée de ne pas survivre était à la fois terrifiante mais assez satisfaisante en un sens. Celui de ne pas permettre à ce tordu d'accomplir le peu de vengeance qu'il aurait gagné si je ne m'étais pas échappé avant qu'il ne puisse mettre son plan à exécution. Ça devrait aller mieux, maintenant que je suis dehors et hors de danger.
Mais ce n'est pas le cas. C'est pire, même.
« I don't... I don't think I want to live anymore. » Ma voix est plus basse encore, et j'espère qu'il ne m'a pas entendu. Sauf que son corps se raidit, et il se recule. Encore. Non. J'évite soigneusement son regard, même si je le sens brûlant sur ma personne. « It's just too much, I'm too tired, I want it to be over already. » Le karma des Grimm et son lot d'emmerdes a finalement eu raison de moi, c'en est trop cette fois. Je peux me relever de la mort de nos parents, je peux me relever de la maladie d'Emma, de l’overdose d'Alex, du séjour en prison d'Oliver. Mais je ne peux pas me relever d'une semaine de torture. Il faut croire que si j'étais si forte, dans le passé, c'est parce que je n'étais pas impactée directement par les événements. Je suis un imposteur, depuis tout ce temps. « I'm not strong enough, Alex. I'm sorry, I love you, but you deserve better. » Je finis par dire, les yeux de nouveau humides lorsque j'arrive enfin à regarder le brun en face. Et je le pense vraiment. J'ai l'impression d'être devenu un fardeau et je n'ai pas envie d'être la personne qui le tire vers le bas. Je n'ai plus rien à lui offrir et il mérite bien mieux que ça. Mieux que moi, ou ce qu'il reste de moi en tout cas.
Ce n’est pas la première fois que je vois Sophie pleurer, loin de là, mais aucune crise de larmes versées pour un frère, une sœur ou un abruti dans un lit d’hôpital ne saurait se comparer à la situation actuelle. Entre mes bras qui l’étreignent comme s’il allait m’échapper, le corps est brisé, faible et contusionné. Une poupée de chiffon avec à peine assez de force pour s’agripper à mon t-shirt et ne pas s’effondrer. Les pleurs redoublent, terribles, à m’en déchirer le cœur, lorsque le soulagement me fait lâcher un juron, extériorisant la frustration immense qui m’ôtait le sommeil durant ces cinq derniers jours. Je resserre mon étreinte tandis que mon nez, plongé dans les cheveux cuivrés aux restes de reflets roses, se rassasie de l’odeur familière de laquelle il a été si brusquement privé. J’ai cru devenir fou, ce fameux matin où Oliver est venu m’annoncer l’enlèvement de Sophie en implorant mon aide. J’ai cru mourir cette nuit-là, dans ce parc, lorsque l’angoisse et la panique enflammaient mes poumons et que les ongles sales du désespoir venaient gratter mon cœur comme pour le déloger de sa cavité. Mais enfin elle est là, sauve, bien que recroquevillée contre mon torse qu’humidifient ses sanglots, et je peux respirer.
A quel moment suis-je devenu si dépendant du bien-être de cette femme ? A quel moment a-t-elle pris une place si importante dans ma vie que son absence me déboussole et que la simple idée de la voir souffrir m’est insupportable ?
On reste ainsi un moment, sans bouger, accrochés l’un à l’autre comme si notre vie en dépendait, jusqu’à ce que je sente le corps de Sophie s’apaiser entre mes bras, vaincu par la fatigue. J’aurais peut-être dû continuer à la bercer et la laisser s’endormir, rattraper le repos dont elle a probablement cruellement besoin, mais je n’arrive plus à me taire avec toutes ces inquiétudes qui s’agitent dans mon esprit. Je finis donc par m’écarter à regret, me gorgeant des traits délicats entre mes doigts comme si je les découvrais pour la première fois. L’émotion est palpable dans ma voix, mais je m’en fous. Le filtre et l’armure que je me tue à conserver peuvent bien disparaître quelques heures. « M'sorry. » C’est une voix rauque et brisée qui me répond du bout des lèvres. Ça me tord l’estomac. Je hais la voir comme ça, si loin de la femme forte et audacieuse que je connais. Elle s’excuse et je fronce les sourcils avant de m’approcher à nouveau dans un triste soupir. « There’s nothing to be sorry for. » Je marmonne contre son front. En vérité, ce serait plutôt à moi de m’excuser pour ne pas avoir pu la sortir des griffes de ce psychopathe. Une incompétence et une stupidité que je ne me pardonnerai sûrement jamais. Je n’arrive pas à m’empêcher de penser aux et si, à ce qui aurait pu se passer si Sophie n’avait pas réussi à s’échapper en incendiant la planque de James, si ce-dernier en avait eu marre d’attendre, finalement. Si sa folie l’avait poussé à frapper plus fort. Des images cauchemardesques se mettent à danser dans mon champ de vision et je me force à les ignorer en approfondissant le chaste baiser. Un gémissement inattendu m’oblige pourtant à me reculer, confus, la colère s’emparant immédiatement de mon être lorsque je remarque enfin les hématomes. « Alex... » J’ignore le ton suppliant de Sophie, la pressant déjà de questions sur son état de santé. Ce qui ne relevait que d’hypothèses et d’imagination vient de se transformer en une réalité trop tangible dont j’ai le besoin viscéral de connaître l’amplitude. Frénétique, mon regard scrute le visage fatigué qui me fait face, la peau virant au violet par endroits et les égratignures qui commencent à cicatriser, pour les plus superflues. Mon palpitant s’affole lorsque une pensée insupportable s’immisce dans mon esprit, me faisant déglutir avec difficulté lorsque je la prononce à voix haute. Please say no, please… Sophie écarquille les yeux avant de secouer la tête de droite à gauche, comme si la possibilité qu’un tel scénario se produise ne lui avait jamais effleurée l’esprit jusqu’alors. J’imagine que c’est une bonne nouvelle, même si j’ai vraiment du mal à qualifier quoi que ce soit de bon dans ce merdier.
« Are you sure ? I swear I will… » Mon débit de parole est plus rapide que mes réflexions, j’en suis déjà à imaginer mon poing s’écraser dans la gueule de James, encore et encore. Je le ferais, j’en suis convaincu. Qu’il ose seulement croiser mon chemin, cet enfoiré. Mais je suis interrompu au milieu de ma phrase lorsque les mains de Sophie se posent délicatement sur les miennes, aussi légères et incertaines que deux plumes emportées par le vent. Sa voix n’est pas plus forte qu’un chuchotement, pourtant la supplique suffit à me faire taire. « Please don't get mad. » Ses paroles me déconcertent. J’aimerais protester en justifiant que ma colère n’est pas dirigée contre elle mais contre ses agresseurs. « I’m not… » Et je comprends. Son langage corporel, auquel je n’ai prêté qu’une vague attention, trop focalisé sur mon propre ressenti, ne cesse pourtant de me crier son mal-être et sa peur. Sa peur… de moi ? Mon cœur se serre à cette pensée et je me contente de hocher docilement la tête, regrettant d’avoir haussé la voix. Mon amertume ravalée, je laisse Sophie guider mes mains, découvrant grâce à ses indications silencieuses l’étendue de ses blessures. Ses poignets, tout d’abord, dont l’obscurité ambiante ne suffit pas à masquer la teinte rouge vif. Le plus délicatement possible, mes doigts effleurent la peau abîmée par des liens trop serrés, tellement sensible que je sens la jeune femme se tendre d’appréhension sous mon geste. Je reste muet tandis qu’elle désigne une autre partie de son anatomie, laissant ma main se poser sur son flanc qu’enserre un épais bandage. Aisé d’imaginer des os fissurés sous le pansement. « Sophie, I… » Je ne sais pas quoi dire, tout commentaire semble futile à côté de ça. « I'm so sorry. » Sa voix se brise sur un sanglot mouillé tandis que je la regarde avec impuissance, la gorge nouée.
J’ignore comment réagir, que dire ou faire pour la rassurer et la consoler. Une seule chose est claire, je ne peux supporter de la voir souffrir plus longtemps. Aussi je retire mon bras de ses côtes pour le laisser retomber sur le matelas entre nous, malgré mon envie brûlante d’étreinte la jeune femme pour en recoller les morceaux. Sophie met fin à mon dilemme intérieur en venant reposer sa tête contre mon torse, attrapant à nouveau ma main pour la guider jusqu’à sa joue exposée. Je ne me fais pas prier, enserrant son corps de l’autre, attentif à ne pas appuyer malencontreusement sur un hématome. Elle me fait penser à une enfant, prostrée de cette façon. Fragile et délicate. Elle rompt le silence au bout de quelques secondes, sur le ton hésitant qui annonce une honteuse confidence. « I didn't think I would get out of there alive. » L’aveu me fait frémir. Face au reflet de mes angoisses exprimées de vive voix, je me sens encore plus coupable que je ne le suis déjà. Si même Sophie, cette femme que j’admire et respecte plus qu’aucun autre être humain sur cette terre, si fière et courageuse malgré les épreuves, si même elle a perdu espoir… C’est dur à entendre. « I never should’ve let this happen, I’m sorry. I should have found you sooner. Hell, I never should’ve let you walk back home alone that night in the first place. » Et j’aurais dû… La frustration me fait serrer les dents alors que je me force à ne pas hausser le ton. Mon menton vient reposer au sommet de sa tête et je lâche un soupir fatigué, attendant la suite avec appréhension. Je ne sais pas si j’ai vraiment envie de l’entendre, d’ailleurs. Que rajouter ?
« I don't... I don't think I want to live anymore. » Mon corps tout entier se raidit sous la surprise, s’écartant aussitôt de sorte que je puisse l’interroger du regard. J’aurais presque pu penser avoir mal entendu si Sophie n’avait pas baissé les yeux, évitant soigneusement les miens. « What… ? » Le son tient plus de gémissement pathétique d’un petit gibier sur lequel on vient de tirer que d’une question légitime mais, pour le coup, ma dignité est bien le dernier de mes soucis. « It's just too much, I'm too tired, I want it to be over already. » Ça me fait l’effet d’une claque. Sèche et brutale. Je n’ai jamais pensé assister à la chute de Sophie Grimm. Jamais. Les mots semblent tellement étrangers dans sa bouche, ça ne lui ressemble pas. Je refuse que ça lui ressemble. « Don’t say that. » Elle ne peut pas, elle n'a pas le droit. C’est pas comme ça que ça marche. « Just… Don’t. Please. » Je ne le tolèrerai pas. Du bout des doigts, je viens chercher son menton pour l’obliger à me regarder, esquissant un pauvre sourire qui se veut encourageant mais auquel même moi je ne crois pas. « You’re gonna be alright, I know you will. You’re one of the strongest people on this damn planet, Sophie. You can’t… You can’t give up. » Si elle abandonne, c’est mon monde qui s’écroule avec elle. Parce que, que j’accepte de l’admettre ou non, la vérité c’est que cette nana est une constante dans ma vie bancale. Ces derniers mois, alors que j’étais prêt à mourir pour échapper à mes démons, c’est elle qui a su s’imposer pour me redonner goût à la vie, jour après jour, nuit après nuit, et malgré mon foutu caractère. Le seul pilier qui arrive encore à me tenir debout. « I'm not strong enough, Alex. I'm sorry, I love you, but you deserve better. » Je cligne des yeux plusieurs fois, pris de court et confus par tant d’informations à digérer. She loves… me ? Impossible. Mon palpitant s’emballe à nouveau tandis que je tente de rationnaliser mes pensées agitées. Why would she say that ? Le pense-t-elle vraiment ou est-ce le traumatisme qui la fait délirer ? Non. Stop. C’est pas le moment. Il me faut rassembler toute la volonté dont je suis capable pour faire barrage à la vague d’émotions qui menace de me submerger. « That’s bullshit. » Je contre, reprenant contenance dans la dureté du juron. Mes mains viennent de nouveau encadrer son visage tandis que je plante mon regard déterminé dans ses iris claires et humides. « Ok listen to me now. Listen closely. I’m not good at this, I don’t know how to cheer people up and to make them smile and shit. I’m not this kind of guy. I’m the kind of crappy human with poor social skills and a fucked up brain, remember ? I’m the kind of guy who needs to be cheered up, and who needs someone who I can be myself with, someone who won’t hesitate to knock some sense into that stupid stubborn head of mine and… » Et ça n’a aucun sens ce que je raconte. Ça me frustre, d’être incapable de mettre des mots sur ce que je ressens, de pas savoir articuler mes pensées comme je l’entends. Sans papier ni crayon pour m’exprimer, je crains le faux pas et l’incompréhension. Finalement, je pousse un bref soupir, cherche mes mots, avant de me lancer. « I guess what I’m trying to say is that I can’t live without you, Soph. I need you. More than you can possibly imagine. » Ça sort naturellement, sans filtre, et sincère. Et je le pense vraiment. Sans elle, je ne serais pas là aujourd’hui. Sans elle, rien ne me retiendrait. Sans elle, rien ne me pousserait à aller de l’avant. Sans elle, c’est un monde fade et gris, sans saveur ni bonheur. Je laisse retomber mes mains sur les draps, aussi vulnérable que je ne l'ai jamais été. « I can’t give up on you, so please don’t give up on yourself. »
Elle s’est battue pour moi alors que je la repoussais à maintes reprises et refusais son aide. Peut-être qu’aujourd’hui, c’est à mon tour de me battre pour elle.
≡ POSTS : 1502 ≡ ÂGE : 25 ans, déjà, elle va commencer à complexer. (01/06/95) ≡ SURNOM : Soph, Fifi, Grimm, les plus courants. ≡ OCCUPATION : Vendeuse de BD, presque incollable sur le MCU, team Iron Man. Elle est en pleine conception de son propre comic, aussi, rien de concluant pour l'instant. Elle a commencé les cours du soir pour se former au management, à voir. ≡ STATUT CIVIL : En couple, heureuse, elle respire, ça fait du bien. ≡ ATTIRANCE : Tout le monde, vraiment tout le monde. Elle est plus attirée par la personnalité de quelqu'un que par son genre. (Pansexuelle) ≡ QUOTE : Sometimes you put a bunch of misfits together and you get a family. Sometimes you get a bunch of assholes. ≡ LOGEMENT : #32, Castro District avec sa soeur et le chat. ≡ RPS :
« There’s nothing to be sorry for. » Et pourtant. Pourtant j'ai l'impression que si. Que tout est de ma faute. Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi. Mais je sais que la situation actuelle, une rencontre larmoyante entre nos deux corps épuisés, est de ma faute. Je sais que l'inquiétude qu'il dégage est de ma faute, je sais que la culpabilité d'Oliver est de ma faute, tout comme la fatigue d'Emma. Je ne dis pas que mon enlèvement était de ma faute. Mais peut-être que certains coups, si. Et la fin des événements, pour sûr. Je chasse les pensées intrusives qui m'assaillent, les et si et les que s'est-il passé pour eux. J'ai déjà du mal à gérer mes émotions, à comprendre ce qu'il s'est passé, à me rendre compte que j'ai réussi on ne sait comment à m'en sortir. Je me fonds dans la chaleur rassurante d'Alex, même si la chaleur rassurante va de paire avec la colère du brun lorsque je ne retiens pas un geignement de douleur. Je m'efforce de le rassurer du mieux que je peux, non il ne s'est pas passé le pire, mais ses questions pressantes me font du mal. Je n'ai pas envie de parler de ce qu'il s'est passé, je ne suis pas prête à revivre tout ça. J'ai presque autant peur de revivre tout ça que de voir la colère dans ses yeux océans. Je sais que ce n'est pas après moi, enfin j'espère. Mais ce n'est pas un sentiment auquel j'ai envie de me confronter. Je lui demande une dernière fois de ne pas s'énerver, trouvant la force de soutenir son regard quelques secondes. Yeah, you are.
Le laisser parcourir avec prudence mes diverses blessures rends la chose trop réelle, et je finis par me laisser reposer une nouvelle fois près de lui. Reconnaissante à l'étreinte qui se referme autour de moi, je laisse mes yeux se fermer et une expiration s'échapper avant d'enfin formuler à voix haute toute la peur qui a pu m'habiter dernièrement. Je ne veux pas parler de ce qu'il s'est passé, mais j'en ai besoin, je crois. J'ai besoin qu'au moins une personne partage mon fardeau, j'ai besoin qu'Alex comprenne que je ne suis plus comme avant et que je ne suis sans doute pas aussi forte qu'il peut le croire. Que j'ai pu me croire, aussi. Je me presse un peu plus contre lui alors que son torse résonne des chuchotements qu'il laisse passer. La culpabilité, surtout. Le plus dur, dans toute cette histoire, c'est de trouver le vrai coupable. Il est tout désigné en vérité. Mais il est trop loin, trop intouchable, il y a tous les et si qui s'insinuent sournoisement sous la peau, et tout le monde arrive à se blâmer d'un quelque chose. J'échappe un son de mécontentement lorsqu'il énonce l'un des et si. Ça ne sert à rien. Et s'il était venu me chercher, cette nuit là ? James aurait trouvé un autre moment pour me trouver, avec peut-être un vrai plan cette fois. On pourrait refaire l'histoire et le monde, si on part ainsi, mais c'est rajouter de la frustration à de la douleur. « Did you look for me ? » Je demande, trouvant plus correct de me concentrer sur ce qu'il s'est passé plutôt que sur ce qui aurait dû se passer si. Je préfère rester contre lui, le cœur battant, une main maladroitement posée dans son dos pour essayer de le serrer moi aussi. Pour la première fois depuis un long moment, je me sens en sécurité.
C'est tellement inespéré que je suis légèrement submergée.
Et c'est en parfaite confiance que je continue à me confier. Même si les mots sont venins et que j'ai autant envie de les prononcer qu'il a envie de les entendre. Mon cœur manque un battement alors qu'il émet un son presque effrayé, et je me sens si coupable que je suis obligée de baisser les yeux pour m'expliquer. Je suis fatiguée. Toute ma vie, j'ai l'impression d'avoir dû me battre pour avancer. Tout le temps. Et c'en est trop, je ne sais pas quel chemin a pris notre karma maudit, mais je ne peux plus suivre. Je n'en ai plus la force, c'est terminé pour moi. Ou plutôt, j'aimerais que ce soit terminé pour moi. « Don’t say that. Just… Don’t. Please. » Et peut-être que j'aurais dû le garder pour moi, finalement. Je presse mes lèvres l'une contre l'autre pour ne rien rajouter, but it's the truth Alex, plisse légèrement les yeux lorsqu'il me force doucement à le regarder. Il sourit, mais c'est trop forcé et ça ne lui ressemble pas du tout. Rien à voir avec son sourire taquin habituel, ou celui qu'il retient lorsqu'il veut garder son apparence de blasé, encore moins avec le plus réel qui lui prend lorsqu'il rit aux éclats. C'est à peine l'ombre d'un sourire, celui-ci, je n'aime pas ça. Mais c'est celui que j'ai mérité, à vouloir être trop franche.
Il y a des choses qui ne se disent pas.
« You’re gonna be alright, I know you will. You’re one of the strongest people on this damn planet, Sophie. You can’t… You can’t give up. » Mais c'est tout le problème. Je n'ai pas l'impression que je puisse aller mieux un jour. J'ai déjà abandonné tout espoir. Et s'il y a une chose dont je suis sûre, outre le fait que j'aime cet individu de tout mon cœur, c'est que je ne suis pas assez forte. Pas assez forte pour prétendre que je vais me relever de ce qu'il s'est passé d'un clin d’œil. Pas assez forte pour rester à ses côtés et être cette même Sophie, celle enquiquinante avec un semblant de joie de vivre, qu'il a l'habitude de voir. C'est terminé, je ne peux plus.
C'est peut-être ça le plus difficile, peut-être ça qu'il ne peut pas comprendre. Mais ce qu'il semble ignorer, c'est qu'il n'a plus besoin de moi pour aller mieux. Il n'a jamais vraiment eu besoin de moi, d'ailleurs. Une simple présence, n'importe laquelle, aurait fait l'affaire. Mais je suis plutôt heureuse, que ce fut moi, quand même. « That’s bullshit. » Mes sourcils se haussent légèrement sous la surprise. Dans d'autres circonstances, sa détermination m'aurait fait sourire. Là, elle laisse juste de nouvelles larmes s'échapper sur mes joues, joues sur lesquelles il vient poser ses mains. Je me sens prise au piège, mais la seule peur qui m'habite est plutôt liée au fait que je crains les mots qui vont suivre. « Ok listen to me now. Listen closely. » Alors j'écoute, attentivement. Et je continue de pleurer. Pas parce qu'il n'est pas doué à l'exercice, ce n'est pas tellement ce que je lui demande, mais parce qu'il déborde de sincérité. Qu'il me rappelle qui il est, alors que je le sais très bien. I fell in love with that crappy human, remember ? Peut-être qu'il ne me remonte pas le moral, mais il fait quelque chose de mieux. Il me donne une raison de vivre. « I guess what I’m trying to say is that I can’t live without you, Soph. I need you. More than you can possibly imagine. » Mon cœur s'emballe, et il me faut quelques secondes pour que j'en comprenne la raison. « Oh god. » Je chuchote, presque effarée, alors que je ne m'en rends compte que maintenant. Que j'ai glissé les trois petits mots, magiques mais terribles, que je retiens depuis des mois maintenant. Qu'Alex ne les a pas répété en retour, mais qu'il n'en a pas vraiment eu besoin. Je glisse une main devant ma bouche, essayant d'y récupérer ce qui a été dit, avant de la poser près de ma poitrine où mon palpitant s'emballe. C'est dit, c'est un fait.
Ses mains quittent mon visage pour retomber sur le lit, et je m'en vais les saisir immédiatement. He opened up, et ce n'est pas quelque chose qu'il fait souvent, et c'est important. C'est trop important, cette fois. Parce que les rôles sont inversés, parce que j'ai envie de mourir alors qu'il a envie que je vive. Une belle équipe d'âmes perdues. « I can’t give up on you, so please don’t give up on yourself. » Je grimace, parce que ça pique un peu, quand même. Une douleur éphémère, fulgurante, qui fait bondir mon estomac et qui me donne envie de répéter les trois mots. Ça ne change à rien, à tout ce qu'il s'est passé. Le vide à l'intérieur de mon être est toujours là. Mais ça aide. Il a quelque chose, tout de même, à quoi se raccrocher. Je me demande si c'était pareil pour lui, il y a quelques mois. I can't live without him and he can't give up on me, how nice. « But I'm a mess. » Je finis par contrer, faiblement. Je prends le temps de prendre une grande inspiration, pour faire fuir tous les sanglots qui menacent de sortir à tout moment. « I'm gonna need you so damn much, Alex. It will be awful. I don't want you to think less of me. » Or worse, to get annoyed with me. Parce qu'il a une trop grande estime de moi, quand même. Et il y a un avant, et un après. Peut-être qu'il aime la Sophie d'avant, mais qu'il détestera la Sophie d'après. Je ne l'aime déjà pas beaucoup, moi, la Sophie d'après. Je ne vois pas pourquoi il continuerait de s'y attacher.
Mais soit.
Mon regard se perd de longues secondes dans le sien. J'aimerais en dire plus. Pour le prévenir. Pour le remercier. Pour rien, pour tout. Pour me faire sentir vivante, même lorsque tout est perdu et douloureux. C'est fou, d'aimer quelqu'un à ce point. J'ai l'impression de goûter à l'éternité, à un sentiment improbable de bien-être, même après tout ce qu'il s'est passé. Je ne suis pas certaine d'avoir ressenti ça avant, d'avoir aimé autant. Pourquoi lui, en plus ? Crappy human with poor social skills and a fucked up brain. Pourquoi moi, sinon ? Strange but cute yet annoying ginger-ish weirdo with bad karma. Une sorte d'évidence loufoque, presque improbable. Qu'est-ce que j'ai fait pour le mériter, à part le séduire à l'aide d'un coquillage sur une plage un soir d'été ? Un soupir de contentement m'échappe, alors que je hoche la tête positivement et qu'un sourire s'inscrit sur mes lèvres. I love this piece of shit, so much it hurts. « Can you do the forehead thing, please ? » The forehead thing, qui me permet d'entrer dans son espace personnel et de sentir sa présence rassurante. Ce geste, intime, qui me donne toujours la sensation que nous sommes seuls au monde. C'est tout ce dont j'ai besoin sur le moment. J'ai besoin de lui.
« Did you look for me ? » La ridicule innocence de la question m’arracherait presque un rire, dans d’autres circonstances. A la place, je me contente de resserrer brièvement mon étreinte autour des épaules de Sophie, mon pouce caressant distraitement sa joue. « Of course I did. » Je fouillerais chaque maison, chaque foutu bâtiment de San Francisco pour toi, que j’aimerais même rajouter. Mais je ne le fais pas, parce que je suis un lâche. C’est pourtant la vérité, si seulement elle pouvait se rendre compte de l’angoisse et de la panique qui ont pétrifié mes membres durant ces derniers jours. De la frustration immense due à cette impuissance insupportable tandis que je quadrillais la ville en compagnie d’Alban et des autres, de la peur qui faisait trembler ma voix lorsqu’inlassablement j’interrogeais les passants. De mes courtes nuits sans sommeil, rongé par la culpabilité et les et si innombrables. Rien que de partager à voix haute ces scénarios possibles ravive mes angoisses et je me sens obligé de m’excuser à mi-voix. Pour mon manque de discernement et de prudence, pour ne pas avoir su prévoir la menace.
Sophie reprend la parole finalement, si bas que je faillis ne pas l’entendre. Jamais je n’aurais imaginé ces mots-là sortir de sa bouche. Et ça me terrifie. Parce qu’il est impossible d’ignorer le parallèle avec ma propre situation, quelques mois plus tôt seulement, lorsque j’étais prêt à rendre les armes. Je l’aurais fait si la rouquine ne m’avait pas insufflé juste ce qu’il fallait d’espoir pour me pousser à continuer de me battre. Mais à ce moment-là, j’étais au plus bas et je voulais juste que cette souffrance s’arrête enfin. C’est la pire des douleurs, ça vous bouffe de l’intérieur jusqu’à ne laisser qu’une coquille vide. Que Sophie exprime des sentiments similaires me colle des frissons. Parce que je sais ce que c’est, et c’est un putain de boulet que je ne souhaiterais pas de traîner à mon pire ennemi. Sophie mérite bien mieux, elle mérite d’être heureuse, d’être la femme forte et courageuse que j’ai toujours connu. Le noir, ce n’est pas son monde. Du bout des lèvres, je la supplie de ne pas en dire plus. C’est égoïste, mais je ne le supporte pas. Mais elle continue et chaque mot est un petit coup de poignard que je me prends en plein cœur. D’un côté, son honnêteté me touche sincèrement : je l’exprime peu à voix haute, mais le fait qu’aucun non-dits n’ai jamais existé entre nous est un pilier de notre relation que je respecte plus qu’un autre. De l’autre, j’aurais presque préféré ne rien entendre.
Les mots s’échappent d’entre mes lèvres en un débit désespéré et incohérent tandis que mon regard sonde avec avidité celui de la jeune femme. J’ai jamais été doué pour les grands discours, ou même exprimer ce que je ressens en général, mais là je me sens obligé de faire un effort, même si le résultat n’est pas aussi glorieux que je l’aimerais. Ça me frustre. Je finis par me reprendre, cherchant au plus profond de moi les mots qui me semblent justes. J’ai besoin d’elle, plus que quiconque, à tel point que ça me ferait presque peur. Mais là tout de suite je n’ai pas loisir à m’attarder là-dessus, c’est trop important. Mes mains retombent sur le lit avant que celles de Sophie ne les trouvent et les pressent doucement. Un petit geste d’encouragement qui m’encourage à conclure dans un souffle débordant de sincérité. Une affirmation, presque supplique, un fait indéniable. Si ce n’était pour elle, je ne serais pas là aujourd’hui. Je la vois renifler faiblement et ses yeux s’humidifier, une lueur indéfinissable se reflétant dans ses prunelles grises. « But I'm a mess. » rétorque-t-elle d’une petite voix tandis qu’un léger sourire – un vrai cette fois - s’incruste sur mon visage. « Yeah, you are. » Ses joues sont striées de larmes salées, ses cheveux sont emmêlés sur son crâne et ses yeux sont gonflés d’avoir trop pleuré. Elle est belle. « But you’re a mess I’m willing to deal with. » Parce que c’est ce qu’on est : two messed up humans dealing with too much problems for their own sanity, but they’re here for each other. « I'm gonna need you so damn much, Alex. It will be awful. I don't want you to think less of me. » Je secoue doucement la tête, relevant une main au niveau de son visage pour écarter une mèche rebelle derrière son oreille. « How could I ? You’ll always be the strongest person in the room, but even strong people need to rest sometimes. »
Nos regards s’entremêlent et on reste comme ça un moment, suspendu, orage et océan trouvant réconfort l’un dans l’autre. Je me sens incroyablement chanceux. Pour avoir une Sophie dans ma vie. Pour qu’elle soit rentrée aussi saine et sauve que je puisse l’espérer, même si je la retrouve un peu cassée. Chanceux d’avoir échappé au pire. Chanceux d’être là, avec elle. Qu’elle m’apprécie assez pour me faire confiance et s’abandonne dans mes bras sans crainte. J’ignore si je le mérite, mais c’est agréable. « Can you do the forehead thing, please ? » J’ai l’impression que mon cœur vient de grandir de trois tailles, ça prend toute la place dans ma poitrine. This fucking woman will be the death of me. The forehead thing, comme elle aime appeler cette démonstration d’affection sortie d’un peu nulle part mais qui veut dire beaucoup. Délicatement, je laisse mes lèvres déposer un chaste baiser sur son front avant que le mien ne vienne les remplacer. Nos soufflent se mélange dans le maigre espace qui nous sépare et bientôt nos respirations s’accordent. Je ferme les yeux, me rassasiant de son odeur et de sa présence pendant de longues minutes, enfin apaisé. Je donnerais beaucoup pour rester dans cette bulle pour toujours. Loin des James, loin des pensées noires, loin de tout.
Sentant le souffle de Sophie ralentir, je suis le premier à briser le contact et m’écarte lentement en frottant mon nez contre son front. « You should have some sleep. Come on. » Elle me répond d’un faible hochement de tête tandis que je m’occupe de désentortiller nos membres, prenant soin d’éviter de toucher les plus gros hématomes qui s’étalent sur sa peau. Mais alors que je m’apprête à me relever, posant déjà le drap sur les épaules de Sophie, celle-ci referme ses doigts sur mon t-shirt et émet un petit geignement d’animal blessé. Comprenant le message, je hoche la tête et retombe sur le lit. « Alright, I’ll stay. Let me just get my shoes off. » Une fois chose faite, je me glisse doucement sous la couette, accueillant le corps épuisé de la jeune femme entre mes bras. Il ne lui faut pas longtemps pour s’endormir, les battements de son cœur réguliers me berçant tranquillement, et je pousse un petit soupir de contentement avant de me laisser sombrer à mon tour dans un sommeil sans rêve.