On le voit partout, sur les réseaux, dans les bouches de n’importe quelle personne qui s’intéresse un peu à la culture américaine. On en parle beaucoup, en bien ou en mal, tout dépend de ce à quoi vous portez importance. Dans mes yeux, c’est surtout un endroit où l’art et la musique sont rois. Certes on y croise les grands de ce monde, les rois et reines des réseaux sociaux et où la grande roue était plus un décor de photo qu’une actuelle grande roue, où les gens profitent d’une vision du ciel du festival. Mais c’est surtout le festival qui nous a invité, le groupe et moi, pour faire une petite scène. C’est tellement un honneur incroyable, que de jouer ici. On est en petit sur le headline, tout en bas, dans les artistes qu’on arrivent pas trop à lire, mais on est là. Les Space Boots et moi, on a donné une représentation, à un des festivals les plus connus au monde, avec un public international. Si ça ce n’est pas goal un peu. C’était un opportunité de malade, pour nous quatre. On aura l’occasion d’élargir notre public, de faire un peu parler de nous, éveiller la curiosité des gens. On avait eu de longues discussions, avant d’accepter de participer. C’est vrai que participer à quelque chose de pareille, c’est un engagement, puis on ne sait pas forcément comment ce sera pris, mais on avait a dit oui. C’était un parti pris, mais cette heure de concert était franchement ultra revigorante. J’étais venu ici avec les garçons, Lewis, et Elsa étaient venus avec nous pour prendre nos photos. Sophie et le reste du Squad avait fini par la suivre. Moi je n’avais pas pu emmener Finn, cette dernière travaillait ce week-end. Cependant on restait au maximum en contact, elle me manquait.


C’était le deuxième jour du festival, et j’ai réussis à chopper des pass VIP pour Sophie et la bande. Histoire qu’on soit tous ensemble entre les set, et qu’ils soient pas trop dérangés par les foules. On venait de finir le set, et de retourner dans la zone VIP et artistes. On croise un nombre incalculable de nanas qui font des photos. J’ai la dalle. J’ai besoin d’une grosse dose de frites au bacon et au fromage. Faudrait aussi que je me change, parce que mon hoodie est trempé et que ça à tendance à m’embêter fortement, et qu’il fait un peu chaud dans le désert californien. Les 40 degrés sont parfois, très très peu supportables. On passe dans une loge qui mets des vêtements à disposition, à condition de les montrer sur les réseaux sociaux. Echange de bons procédés. C’est la base de Coachella, et puis surtout, c’est grâce à Léna, qui nous a mis à disposition les tenues des collections de son école. On se demande bien pourquoi c’est Ash le meilleur habillé hein… Ils ont crus qu’on était aveugles les deux je crois. Tout le monde a remarqué qu’elle le bouffait des yeux. Elle me file une tenue relativement basique, jeans noir, haut noir, et masque pour cacher le bas de mon visage et me protéger de la poussière, je tiens à garder mes papilles, j’ai mon boulot à retrouver en sortant, et j’aime trop la nourriture pour perdre mes papilles. « Léna, t’as pas vu Soph par hasard ? » Je demande en laçant une paire de Yeezy qu’elle m’a filé. « Si, elle prends l’air sur la terrasse. Apportes-lui ce sac, il ira mieux avec son short. » Qu’elle ajoute totalement dans le rush, mais toujours avec le sourire, avant de retourner s’occuper de Ash, enfin de lui filer des conseils pour ses tenues.


Je ressors de l’atmosphère étouffante de la tente pour trouver Sophie par très loin. Elle papote probablement avec quelqu’un vu qu’elle a les yeux rivés sur son téléphone. « Tiens, Léna m’a dit de te filer ce sac. » Je prends place à ses côtés, et lui mets un coup d’épaule, amical. « C’est vraiment cool que vous soyez venus tous ensemble. » Je voulais lui faire plein de compliments, lui dire que même si c’est une gueuse, c’est une des meilleures des meilleurs amis, et qu’elle aura le droit à des posters gratuits, mais mon estomac me rattrape et ça me fait penser que j’ai fort la dalle. « On va chercher un Shake Shack ?! J’ai super envie de frites au fromage ! » Que je propose, en tant qu’estomac sur pattes. Et puis si y’avait des potins, y’en aurait masse à raconter, et puis autant en profiter, puisqu’elle est là, et qu’en dehors, on a pas vraiment l’occasion de se voir, en duo ou tous ensemble, et Sophie, c’est comme la sœur que j’ai pas eu, alors, quand je peux je profite, même si ça consiste à aller chercher un Shake Shack.

« Porte-moi, s’il-te-plaîîît ! » Non, je ne suis pas une enfant. Même si Alban me regarde présentement comme si j’en étais une, l’oeil dubitatif mais un sourire sur les lèvres. Les miennes en esquissent un en retour, et je hausse les sourcils avant de cligner plusieurs fois des yeux. II n’a absolument pas besoin de me porter, étant donné que nous ne sommes pas à un concert de Twenty One Pilots, que les garçons ne vont pas faire un cover de The Run and Go, et que nous sommes dans les premiers rangs du concert grâce à nos précieux bracelets VIP. Mais je suis une gueuse, j’aime bien être portée, il ne fait pas assez chaud comme ça apparemment. « Pour une chanson ? Tu rentreras tout musclé, Babtou sera content. » J’ai des arguments, vous m’voyez. Mon meilleur ami éclate de rire et fini par bien vouloir me présenter son dos, sur lequel je ne me fais pas prier pour grimper. Je vois à peine un peu mieux la scène, je dois dépasser la foule d’à peine une tête mais c’est déjà ça de gagné. J’agite mes mimines en l’air pour faire coucou à mes copains, le cœur qui bat fort et la poitrine gonflée de fierté. J’ai l’impression que c’était avant-hier que les Space Boots commençaient leurs répétitions dans le garage d’Ashton. Et il y a une semaine qu’on a commencé à se fréquenter régulièrement, quotidiennement. Je me souviens avec nostalgie des coupes Justin Bieber d’Ashton et Jude, de la première tentative de moustache d’Alban, d’une certaine soirée entre filles avec Noa et May où on a décidé que vraiment, le vin ce n’est pas bon. On a grandi tellement vite, alors qu’au lycée on ne faisait que se plaindre qu’on voulait déjà être adulte. Si on savait. Il y a eu des bons moments, des plus mauvais, et on en arrive là. Avec deux d’entre nous sur scène, alors que des centaines voire des milliers de personnes se dandinent sur leur musique, quand ils ne la chantent pas. Pour ma part, je la beugle avec tout mon petit cœur, Alban et May risquent de perdre l’ouïe mais tant pis. C’est pour une bonne cause. Je descends de l’indien après une chanson, comme promis, et lui embrasse une joue pour le remercier. Ben annonce qu’ils s’apprêtent à jouer leur dernière chanson et je siffle. Déjà ? May-Line sort son portable et commence à filmer, je retiens un énième commentaire. Elle a fait ça toutes les cinq minutes environ, et tout notre court séjour à Coachella jusqu’à présent, sous prétexte qu’il faut qu’elle alimente sa chaîne Youtube et que ça leur fait de la pub ou je ne sais quoi. Oui certes, mais il me semble qu’il y a déjà deux énergumènes chargés de ça ? Je ne comprends pas, nos meilleurs amis - et son frère pour elle - sont sur scène et je préfère immortaliser ça avec des souvenirs et des émotions que des images floues alors que je sais que Elsa pourra m’en fournir des biens meilleures. Yep, Sophie préfère Elsa, girl and schizo power baby. Mais plutôt que de m’énerver, je préfère vivre la dernière chanson à fond. On ne vit qu’une fois, semble-t-il.

« Sorry, please move dickheads ! » Je sépare les foules et me récolte quelques regards noirs, auxquels je réponds avec de grands sourires, alors que j’avance avec la main d’Alban dans la mienne. On ne sépare pas l’inséparable. On essaie de quitter la foule pour rejoindre les coulisses, mais les gens sont trop occupés à se prendre en photo entre deux changements de sets. C’est l’ambiance de ce festival en général, en fait, que je n’aime pas. Le summum du capitalisme, de la société des marques et de l’apparence, et des réseaux sociaux. Merci, mais non merci. Je suis juste là pour applaudir deux têtes blondes, dont une fausse. On arrive quand même jusqu’aux tentes où on retrouve Léna, que je câline brièvement jusqu’à ce qu’elle me fasse très justement remarquer que je sue. « Cela fait partie de mon charme, Miss Montgoméry. » Je lui réponds, prenant la chose avec humour et attachant mes cheveux récemment coupés en un semblant de queue de cheval. Pas pratique, certaines mèches sont trop courtes. Elle me propose de quoi me changer et il me suffit d’un coup d’oeil à son petit étendoir pour refuser. Je n’ai pas envie de devenir une publicité sur pattes et mon tee-shirt Batman emprunté une girafe et noué maladroitement car trop grand fera l’affaire. Léna est occupée alors je la laisse tranquille, retourne près d’Alban qui est en train d’essayer une veste à paillettes. Je pense sincèrement que Keziah déteint sur lui, par moments. « Je vais prendre l’air, tu veux venir ? » Il hoche négativement la tête. « Je ne peux pas, Sophie, je viens de trouver la caverne de Narnia. » Et j’éclate de rire, parce que c’est presque ça. Il me propose de demander à May, mais May aussi elle est occupée avec les vêtements. Et son portable, et un miroir, urh, no thanks. « Je ne vais pas loin, promis. Love you. » Il gagne un autre bisou avant que je n’aille aérer ma sueur sur un banc. Il fait vraiment chaud, ça manque vraiment d’air. Je sors mon téléphone, mais plutôt que de prendre des photos de la grande roue, je préfère envoyer un message à Alex. « Coachella really is bullshit, SDCC was so much better, the people here are taking 20 selfies a minute and it’s annoying af. But the music is great and my friends are rockstars wannabes, so there’s that. Do you know when Ana plays? Love, » J’ai perdu exactement trois programmes papiers aujourd’hui, j'abandonne. Je sais que Now or Never joue ce soir, ce qui me permet d’aller aux deux concerts qui m’intéressent, mais je n’ai pas l’heure exacte. Et je pourrais demander à Ana directement, mais je suis certaine qu’Alex a toujours rêvé d’être un pigeon voyageur. « Wow, I can’t believe you don’t like Coachella, you elitist prick! I’m so jealous of you right now!!! (In case you didn’t understand my sarcasm, I’m breaking my aesthetic with exclamation points, the things I do for you.) » Je glousse à la réponse d’Alex, attendant la suite puisqu’il y a la petite bulle avec les points de suspension à côté de son nom. « Ana is at 8pm, I think. She’s a real rockstar. » Je lève les yeux au ciel, eh oh c’est pas gentil, un jour mes copains aussi seront des vrais rockstars, ça va. « And I wonder why you think SDCC was better. Got no one to prank at Coachella ? » Je me mords légèrement les lèvres pour ne pas me mettre à rire une nouvelle fois. Mais ses messages me mettent particulièrement de bonne humeur et c’est difficile. Alex makes me happy, can’t help it. « The aesthetic is broken, damn, I’m so honored! Aight, I’ll say hi to her if I can see her. And it’s not that I’ve got no one to prank, my good Sir, it’s that I’ve got no one to unexpectedly hook up with. ;) » Bon, et il y a aussi le fait que, lame I know, je suis finalement plus geek que je ne veux bien l’admettre et que je préfère trois-milles fois le monde des super-héros à celui de la musique.

Le sourire sur mon visage est indétrônable, mais je n’ai pas le temps de voir la réponse d’Alex que le faux blond arrive dans mon champ de vision pour me tendre un sac. Je fronce les sourcils. Oui ? « Tiens, Léna m’a dit de te filer ce sac. » J’attrape le tissu du bout des doigts, suspicieuse. « Mmmh, pourquoi ? » Merci ? Je tourne le tote bag et tombe sur un logo Coca Cola. Je lève les yeux au ciel, légèrement ennuyée, et laisse le sac sur le banc. Désolée Léna, mais je ne suis pas une influenceuse, il fallait essayer ça avec May. Jude s'assit à côté de moi et je me tourne vers lui. « Alors, ce concert ? » De mon point de vue, c’était génial, mais pour lui ça doit être tout autre chose. « C’est vraiment cool que vous soyez venus tous ensemble. » Je hausse les épaules, l’air malicieuse. « Vraiment, les sacrifices qu’on fait pour vous ! » Ma plaisanterie me fait rire, on n’est jamais mieux servi que par soi-même paraît-il, mais je hoche légèrement la tête. « Je suis contente d’être là. Enfin… Là, c’est relatif, mais d’être avec vous en tout cas. » Parce que je passe ma vie à râler, qu’il y a beaucoup de monde et qu’il fait trop chaud. J’aurais largement préféré qu’on soit dans un autre festival, d’autant plus que celui-ci est potentiellement problématique de bien des manières, mais les Space Boots ont besoin d’un peu de notoriété et il faut jouer avec les cartes qui sont dans notre jeu. Ça m’effraie, un peu, qu’ils commencent à se faire connaître. Je me l’admets à peine, et je n’ai clairement pas envie de gâcher leurs rêves ou de me faire kicker du squad avec mes insécurités… Mais on a déjà perdu un membre lorsque Ashton et Noa ont rompu et qu’elle est partie vivre à Los Angeles, et c’était assez difficile comme ça. J’ai peur que ça arrive de nouveau, que Ashton et Jude ne deviennent trop célèbres et occupés et nous oublient, ou qu’on ne soit plus assez bien pour eux. Au début, je ne me sentais pas à ma place dans ce groupe d’amis. Parce que j’étais la gosse qui avait perdue ses parents et n’avait pas d’argent, et j’étais là juste parce que Alban était là et que Alban ça va de paire avec Sophie. Mais j’ai fini par la trouver, ma place, et par les aimer, ces gueux de riches. Ça me ferait mal de les perdre, après tout ce qu’on a vécu ensemble. Fort heureusement, avant qu’on ne devienne trop sentimental, Jude propose d’aller chercher à manger. C’est un grand et fort oui de ma part. « Yes please ! » Je me lève du banc, sautillant pour témoigner de mon impatience. Mon estomac décide de rejoindre la danse et de se mettre à gronder. Nous sommes donc synchros, top moumoute. « On va chercher les autres ou nous sommes des gueux ? » On peut leur ramener à manger, aussi… Ou nous sommes des gueux ?

Dans le public du concert, j’ai vu la tête de Sophie dépasser par moment, les boucles d’alban virevolter par ci par là, et je les ai vu tirer la moue par moment, sûrement à se battre à savoir si notre ami peut porter la petite brune. Elle finit par rejoindre les épaules du brun, et ça me fait beaucoup sourire. Mes amis sont un peu débiles, mais leur dedication, est probablement aussi grande que leurs bêtises. Ils sont là, et c’est le principal. J’aime beaucoup ça. On est très contents de les avoir avec nous, ça veut dire énormément, parce qu’ils sont sûrement nos premiers fans, au milieu d’une foule d’actuels, de nouveaux, et futurs fans. Jouer m’avait manqué. Être sur scène m’avait manqué, La communion avec le public m’avait manqué. La scène c’est probablement toute ma vie, à croire que je suis né pour ça. Une guitare à la main, gratter les cordes avec passion, parce que c’est ce qui me fait vibrer. Je mentirais si je disais que je ne rêvais pas d’une grande tournée, de sillonner les routes des USA, à bord d’un bus, avec mes 3 gus, faire des blagues nulles et rentrer le soir ivre à rire comme des baleines. Vivre la vie de rockstar, et savoir ce que c’est que d’une tournée juste nous. Nous, les Space Boots, devant un public pour nous. Nous 4 des gosses de San Francisco, qui ont passé des années à jouer dans un garage. Les rêves de reconnaissance, ils datent pas d’hier. J’ai beau assurer mon avenir en passant mon diplôme de traiteur, mon rêve à moi, c’est la scène, ça l’a toujours été.

Les rêves, ils sont sympa, ils sont pas si loin, mais il y a plus proches, les copains dans la foule, dans le coin VIP. Il y a Alban qui joue les mannequins avec Léna. May qui joue les panneaux publicitaires. Ashton qui mates Léna du coin de l’oeil, et Sophie qui n’est pas sous la tente, mais dans un coin sur un banc les yeux rivés sur son téléphone, je la vois même sourire. Elle à l’air d’aller mieux, et ça me fait chaud au coeur. Je préfére la voir comme ça, que la voir peureuse, angoissée de tout ce qui se passe autour d’elle, encore dans le trauma de tout ce qui lui ait arrivé. La girafe qui lui sert de partenaire de vie, semble la rendre heureuse, et je dois bien avouer que je ne demande rien de plus que ça. J’ai joué les coursiers pour Léna, mais Sophie est pas trop copine avec l’idée de servir de panneau publicitaire. Je peux comprendre. Je m'assois à ses côtés pour lui tenir compagnie. « Je ne sais pas, elle a parlé que ça irait mieux ta tenue, je sais pas trop.» Que je réponds à la demoiselle en haussant les épaules. Léna parle trop vite pour comprendre, et j’ai écouté que d’une oreille. L’autre est encore sourde du retour. « C’était si cool. Ca m’avait manqué d’être sur scène.» Avouais-je en souriant comme un gueux. C’était même plus que ça, mais il existe peu de mots, pour exprimer ce sentiment de plénitude, quand je suis là-haut, devant plein de gens. Mais mon estomac gronde, et j’ai faim, et j’ai pas le temps de faire plus dans le sentiment, la nourriture n’attends pas. En plus, on fait des grondements synchros avec Sophie, et ça c’est la grande classe.  «On est des gueux.» La réponse se fait immédiate. La nourriture n’attends pas, j’ai dis. Je souris fort quand on part vers le stand du Shake Shack. Depuis le temps que j’en rêve, je peux vous dire, que je suis aussi excité qu’un acarien au salon de la moquette. Mais tout de même, je me reprends.  «Je suis content, et soulagé, que tu ailles mieux. Je préfère de loin te voir comme ça. » Dis-je, en passant un bras, amical, je précise, autour des épaules de ma meilleure amie. L’ambiance chill du festival nous rends chill dis donc.

Jude, Sophie, et la mode. C’est le début d’une blague hilarante, qui se termine en un horrible facepalm. Si vous avez du mal à l’imaginer, pensez à Tan France qui essaie d’habiller Miranda Sing. Ça donne ça. Je décline donc poliment le sac de Léna, parce que j’ai déjà un sac et qu’il est à moi et que je m’en fiche pas mal d’accorder mon sac à ma tenue, et Jude prend place à côté de moi. Je range mon téléphone, parce que je suis quelqu’un de polie et qu’on s’est déjà battue à maintes reprises toute notre vie sur le sujet. Pas de téléphone quand on est avec les copains, il y a un moment pour tout. Je souris lorsque je vois le teint tout illuminé de Jude lorsqu’il parle du concert. C’était vraiment cool. Mon plus grand regret dans ma vie est de ne pas savoir chanter, parce que j’aurais adoré faire partie d’un truc aussi grand, je crois. Enfin, à petite mesure. Genre en invitée spéciale sur une chanson. Il ne faut pas abuser, il y a pas mal de trucs qui vont avec la célébrité qu’ils essaient d’atteindre, et ça ne m’intéresse pas tellement. J’aime bien pouvoir poster des photos nulles et montrer un bout de peau sans être jugée par un continent entier. Je n’ai plus qu’à attendre que les développeurs de réalité virtuelle avancent un peu pour vivre ça, j’imagine. Ashton ne me laissera jamais monter sur scène, même s’ils étaient les artistes les plus populaires de la planète, because he a prick. C’est quand même plutôt chouette de vivre ça avec eux de mon côté, je ne râle pas trop, promis.

« On est des gueux. » Parfait ! J’ai faim, et je n’ai pas dépensé autant d’énergie que la fausse blonde, alors allons-y Alonzo. Je me lève du banc, attrape le sac qui est mien et on avance vers les food trucks, la grande roue derrière nous.  Jude décide qu’il ne fait pas assez chaud et me prend comme repose feignant. Ou canne. Bref, il passe un bras autour de mes épaules, je veux bien poser une main dans son dos pour ne pas tomber ou marcher de travers. « Je suis content, et soulagé, que tu ailles mieux. Je préfère de loin te voir comme ça. » Mon rythme cardiaque s’accélère légèrement, le temps que mon cerveau ne se souvienne qu’il ne faut pas paniquer dès que les événements du début d’année sont évoqués. Je prends une inspiration discrète, affichant un sourire discret. Ce n’est pas parce que je vais mieux que je suis à l’aise pour en parler. Je recommence à peine à prendre pieds, les derniers événements avec Alex laissant d’autres plaies à penser même si ça va beaucoup mieux, et erf. Je n’aime pas être au centre de l’attention, clairement pas pour ce genre de choses en tout cas, et j’ai très envie d’oublier ces derniers mois et de les laisser très loin derrière moi. « Mmmh merci, je crois ? » Pas sûre, mais je fais de mon mieux. Et ça me rassure un peu, que Jude le voit, parce qu’on a tous besoin de passer à autre chose très vite. Il devrait avoir l’habitude, pourtant, on a passé nos années d’ado ensemble et let’s face it, I was always an angsty dumbass.

On n’a pas le temps de s’arrête complètement dans la file d’attente du food truck que deux demoiselles viennent nous piailler dans les oreilles. Enfin, dans celles de Jude, surtout. Lui demandant si c’est bien lui qu’elles viennent de voir sur scène, enchaînant des « ohmygawd you’re so cute » et un gras « are you his girlfriend ? » presque possessif. Wow. Mes yeux s’écarquillent légèrement, je m’extirpe très vite de la situation en faisant plusieurs pas de côté. « Je… Vais juste faire la queue, hein, à tout’. » Quelques raisons de plus pour détester ce festival et la célébrité naissante de mes amis, et je m’agace moi-même à avoir cette réaction. Je rejoins sagement les festivaliers qui attendent leur tour pour commander, laissant Jude prendre des photos avec ses nouvelles fans, et ressort mon portable pour me plaindre à Alex. Si, c’est à ça que ça sert, les petit-copains, chut. Il a répondu, entre temps. « You’re so filthy, I’m shocked. I’ll pray for your soul next time I go to church (so never). » Uuuurf. C’aurait été tellement mieux si Alex avait été là. Il aurait détesté, pour sûr, et ç’aurait été un tantinet bizarre avec les copains, mais j’aurais au moins eu quelqu’un avec qui médire sur la vie. « I hate Coachella. » Je répète, au cas où qu’il n’ait pas compris, parce que je suis énervée de ce qu’il vient de se passer. CoMe pIcK mE uP AlEx. Jude finit par me rejoindre, et je lui offre un pauvre sourire d’excuses. « My my, ça y est, tu es une vraie célébrité. J’peux avoir un autographe et le revendre sur Ebay ? » Je plaisante, à moitié, pour qu’on puisse en rire et passer à autre chose. Pas pour que je devienne cette amie chiante et pot de colle et triste de voir le succès de ses amis, alors que c’est un peu ce que je suis au fond.

Je suis un bon ami, je fais les choses bien, j’ai pas peur de dire aux copains quand ils ont l’air d’aller bien, et d’être plus apaisé, surtout Sophie. La pauvre a vécu ce qu’on peut appeler l’enfer. Et même si moi et nos autre gueux de copains on a tout fait pour qu’elle se sente mieux, ça a pas été simple. On voit qu’elle fait de son mieux et c’est un comportement que je veux encourager. Peut-être parce que le soutien de mon entourage à toujours été quelque chose auquel j’ai été habitué depuis petit. Le soutien parental, amical, même maintenant, en couple. Le soutien c’est important, surtout quand comme Sophie, on est presque de la famille, oui oui, même si je l’ai jetée dans l’océan toute habillée l’année dernière alors qu’on avait un peu bu. De toute façon, je maintiens et le répète, c’était son idée de brancher Ash avec une fille. En tout cas, c’était surtout pour marquer le coup, et montrer que quoi qu’il se passe, dans les bons et les mauvais moments, je la soutiendrais toujours. C’est comme ça, on est un peu des softies par ici. C’est l’ambiance, ou le fait d’avoir été sur scène, qui agit sur mon attitude probablement, même si je suis plutôt du genre à être très chill au quotidien. Et puis en soit ça fait du bien de se retrouver tous ensemble ici, ça nous fait un peu de vacances en quelques sortes, même si nous sommes là en tant qu’artistes et qu’on a dû performer devant plein de gens, et que c’était très cool, il n’en est pas moins qu’on se voit pas tous les jours, parce que nous avons tous plus ou moins des emplois du temps de ministres, ou des gens forts récalcitrants à venir avec nous dans nos plans ou bêtises relativement drôles mais souvent foireuses, on va pas se le cacher. non non je ne parle pas de may, non non. au merci de Sophie, je répond seulement par un sourire bienveillant, pensant qu’on en avait déjà trop parler, qu’elle voudrait sûrement passer à autre chose, et c’est légitime.

Si il y a bien des choses que j’aime dans le fait de faire de la musique et de participer à de tels événements, c’est la cohésion avec le public, et l’amour de la musique qui règne un peu partout autour de nous tous, il reste des choses auxquelles je ne suis pas encore franchement habitué. Comme ce qui se passe actuellement. Deux jeunes filles sont arrivées pour hurler mon prénom dans mes oreilles. Alors anciennement, et dans un autre contexte, ça aurait pu être agréable, si vous voulez, mais là, c’est un peu plus inhabituel, et j’ai été reconnu par des fans, et c’est un poil déstabilisant quand on ne s’y attends pas. D’autant que je ne suis pas seul, et qu’en plus, Sophie trinque le ton assez méprisant de l’une d’entre elle. Si les fans sont au courant que j’ai une relation amoureuse, et que je ne le cache pas, j’aimerais bien que mes amis n’en pâtissent pas. Je ressent tout le malaise actuel de Sophie, et lui réponds dans un sourire désolé. « J’arrive. » Je ne vais pas dire non aux demoiselles, mais j’avoue que j’aurais préféré que ça se passe autrement. Il va falloir que j’apprenne à gérer ces moments, parce que cette célébrité naissante risque d’être pesante si ça se reproduit à l’avenir. Je réponds à toutes les requêtes des jeunes femmes, autographes, photos, on discute un bref moment. J’aime beaucoup notre communauté, parce qu’elle à tendance à être très supportrice et respectueuse en règle générale. Du moins l’une plus que l’autre, sur le cas présent. L’une d’entre elles était plus timide, et osait moins parler, et semblait beaucoup plus reconnaissante que sa copine qui se voulait un poil plus envahissante. Je finis simplement par couper court au moment. Je devais rejoindre Sophie. Je les salue dans un dernier geste et court presque rejoindre la file et mon amie. Amie qui plaisante sur ce qu’il vient de se passer. « T’auras même le droit à une photo si tu es sage. » Que j’en viens à répondre presque sur le même ton. «C’est dingue quand même, elles ont la voix hyper aiguë, et la blonde était super intrusive.» Que je réponds un poil plus sérieux, j’avais du mal à revenir de l’impolitesse de la jeune femme, mais bref, il faut passer à autre chose. « Bon, où sont mes frites ? Je meurs de faim, bon sang!» Que je me lamente en regardant la file devant nous. C’est trop demandé de manger rapidement ? « Tu crois que je peux leur filer un procès si je fais un malaise ? » Estomac sur pattes premier du nom. J’ai tendance à être insupportable quand j’ai faim, aussi. «Au fait, tu sais où ça en est entre Léna et Ashton ? Ca se bouffe des yeux, mais j’ai pas l’impression que ça avance beaucoup» Estomac sur pattes, ET roi des ragots.

La prochaine fois que je me fais des copains, je fais passer un test avant. Êtes-vous célèbre ou comptez-vous devenir célèbre dans les 5 ans à venir ? Si oui, l'affaire n'aura pas lieue, si non, on apprend à négocier. C'est assez compliqué à gérer, la célébrité de ses amis, quand même. Des gens qu'on connaît, en général. Vous aimeriez, vous, voir Kyle du cours de trigo devenir plus célèbre que vous alors que c'était un petit con au lycée ? Non, vous n'aimeriez pas. Et ne venez pas me dire qu'on a tous été un petit con au lycée, c'est pas faux mais c'est un autre débat. Just because you're accurate doesn't mean you're interesting. Gwen you need to watch more John Mulaney please!!! Bien sûr que je souhaite à Jude et Ashton la réussite, mais j'aimerais bien me passer des side effects, des fans, de l'impression d'être de moins en moins importante ou not good enough, de l'anxiété de voir notre groupe et ses dynamiques changer une nouvelle fois. Lorsque Jude revient, devoir de superstar accompli, je masque toutes mes insécurités derrière un sourire et préfère en plaisanter. « T’auras même le droit à une photo si tu es sage. » Superbe, je vais devenir riche. « Merci, t'es un frère. » Ca m'aurait arrangé qu'ils connaissent le succès il y a genre, trois ans, parce que j'avais besoin d'argent à l'époque, mais je ne me plains pas promis. Jude, si. Les filles, ça a la voix aiguë en général. Et les fans, les Coachelleuses moi j'vous dis, sont pas toutes cool. Je hausse les épaules, parce que j'ai tout un tas d'opinions là-dessus mais que je n'ai pas spécialement envie d'avoir ce débat. Move ooooon.

« Bon, où sont mes frites ? Je meurs de faim, bon sang !» Et l'award de la drama queen du jour revient àààààà. Alban risque d'être jaloux de se voir détrôner. Je reste silencieuse, la file d'attente n'est pas si grande que ça. « Eh attention, tu prends déjà la grosse tête. » Il lui faut tout, tout de suite. Dans deux minutes il va se mettre à parler comme Mick Jagger et le monde aura perdue une belle âme - parce que je risque de l'assassiner. « Tu crois que je peux leur filer un procès si je fais un malaise ? » C'est une tactique. Mais deux personnes sont servies et on avance déjà. « Tu risques surtout de perdre ta place, et d'être coincé jusqu'à ce que des pompiers viennent vérifier ta tension et t'offrir une bouteille d'eau. Après, c'est tout bénef pour toi si les pompiers sont sexy, mais ça ça n'arrive que dans Magic Mike - et ce n'sont pas des vrais pompiers du coup. » En bref, je ne pense pas que ça vaille vraiment le coup de faire un malaise. Je peux éventuellement faire semblant d'être enceinte pour qu'on avance plus vite, mais je n'ai pas le matériel adéquat et les gens derrière nous verrons l'entourloupe. Patience, gloire et beauté, donc. « Au fait, tu sais où ça en est entre Léna et Ashton ? Ça se bouffe des yeux, mais j’ai pas l’impression que ça avance beaucoup. » Un soupir m'échappe. Ashton, aaaah, Ashton. Notre neuneu d'ami est un être adorable, mais terriblement nul niveau amour. Avec Noa, ça avait pris plusieurs semaines aussi, mais on était ado. Et seulement plusieurs semaines, parce que la brune avait son petit caractère aussi et qu'elle a su prendre les choses en main. Ashton et Léna, c'est différent. J'ai l'impression qu'ils attendent tous les deux que l'autre fasse le premier pas, ou alors il y a autre chose et je n'ai pas toutes les informations. En tout cas, j'ai décidé de ne pas intervenir. Parce que je suis une chic fille, que je n'ai pas envie d'un nouveau passage dans l'océan, et que j'aurais absolument détesté qu'une personne extérieure vienne mettre son nez dans mes affaires avec Alex - là c'est sérieux avec Ashton alors il devra affronter la vie tout seul comme un grand. « Je soupçonne qu'ils se sont bécotés, au moins. Mais je n'en sais pas plus. » Je laisse les autres mener l'enquête, pour une fois que j'ai décidé d'être sage. « Peut-être que c'est pas fait pour se passer, ça traîne c't'affaire. » On avance, encore. Est-ce qu'on doit comparer avec nos propres relations ? Je ne préfère pas. Je préfère changer de sujet, très vite. « Tu m'invites, maintenant que t'es une star nationale ? » Raboulle les simflouzes, hey Jude, don't let me down.