Cela faisait désormais quelques semaines qu’Oliver et Kinga se connaissaient, ce n’était pas grand chose mais assez pour qu’ils deviennent amis. Pourtant le courant passait bien, malgré leur rencontre atypique, elle ne pensait pas l’apprécier après cette aventure mais la vérité était qu’elle l’aimait bien. Ils s’étaient même échangés leur numéro, seulement elle ne s’attendait pas tellement à recevoir un message, un après-midi. Mais voilà, Kinga était gentille et prête à aider, et puis il était sympa Oli, de plus ça la ferait sortir de son petit appartement après le boulot.

C’est comme ça qu’elle s’était retrouvée devant le centre commercial, à attendre sagement le jeune homme, faut dire que Kinga était arrivée juste un peu en avance. Il ne faisait pas particulièrement froid, un pull suffisait mais malgré la température plutôt douce, les décorations installées dans les rues et sur la façade du bâtiment un peu partout lui donnaient l’impression que Noël arrivait bientôt. Ça lui plaisait, cette période de décembre. Et puis il ne fallait pas oublier l’essentiel, elle était là en tant que conseillère pour trouver un cadeau à la sœur Grimm, les fêtes de fin d’années approchaient donc rapidement. D’ailleurs cette année, ce serait son premier noël sans sa famille, mais elle n’allait pas se morfondre non plus. Hors de question de déprimer.

Une minute, deux, trois, puis bien rapidement elle vit au loin Oli qui se distinguait des autres passants. Elle lui fit signe et se rapprocha de lui, contente de le voir. « Alors, je te manquais trop ? » Un sourire se dessina vite sur les lèvres de la petite polonaise alors qu’elle le taquinait gentiment. Elle savait déjà qu’elle ne passerait pas l’après-midi à s’ennuyer avec lui. Depuis leur première rencontre, il avait réussi à la supporter et elle-même avait réussi à découvrir un peu de sa vie. Autant continuer à le découvrir aujourd’hui.

Kinga et moi, c'était une relation particulière et peut-être même assez ironique. M'entendre avec la jolie brune relevait du miracle. Non seulement parce que nos deux caractères sont clairement incompatibles, mais surtout parce que vu notre rencontre, si on m'avait dit que quelques semaines plus tard je continuerais à la voir et à lui parler, j'aurais cru à une bien mauvaise blague. Mais le pire dans tout ça, c'est sans doute que moi, Oliver Grimm, à la fierté plus grosse qu'un château, je lui demande mon aide. Rien qu'en pensant à ça, j'ai comme l'impression d'être passée dans un monde parallèle. J'ai l'habitude depuis… presque toujours, de me débrouiller seul et de ne compter que sur moi. Mais pas cette fois. J'ai eu un moment de faiblesse et j'ai pris le chemin de la facilité ; la contacter et lui demander de m'aider. Parce que même si ça me coûte de l'avouer, j'ai vraiment besoin d'elle et de son avis pour offrir un cadeau à Sophie. Je connais ses goûts, oui, enfin en surface, mais je ne suis pas sûr d'être le plus doué pour trouver quelque chose. Et j'en ai fait le constat en l'aidant à chercher un cadeau pour Emma. Je ne crois pas avoir été d'une grande aide d'ailleurs. C'est comme si j'étais resté bloqué à leur huit ans et que mon choix de présents se résumait à des poupées ou des coffrets de perles. Puis travailler dans un magasin de jouets, entouré de morveux, ça n'aide pas non plus.

Comme je ne bosse pas aujourd'hui, c'est à 14h au centre commercial que j'ai donné rendez-vous à Kinga. Pendant un cours instant, je me suis demandé si arrivé en retard de plusieurs minutes ne serait pas des plus judicieux. Oui, tout ça parce que j'ai encore du mal à accepter que j'ai osé lui demander de m'aider. Puis finalement, préférant ne pas prendre le risque qu'elle me plante un lapin pour se venger, je décide de faire un effort sur l'horaire. En prenant toutefois le soin de ne pas être en avance. Il ne faut pas déconner non plus. C'est donc avec un retard de trois minutes et 45 secondes que je passe les grandes portes du centre. Les allées sont bondées, à croire que personne n'a d'emploi ou qu'ils ont tous posé un jour de congé en même temps dans le même but de faire leur course de Noël. Remarque, c'est peut-être un avantage pour moi. Plus il y a de monde, moi j'ai de risque de me faire prendre si je décide de dérober deux ou trois porte-monnaie. Un jeu d'enfant. Le plus compliqué, ce sera de berner Kinga. Qui d'ailleurs m'attend déjà quelques mètres plus loin. Je me fraie un passage entre un grand-père boiteux et une mamie bigleuse et la rejoins. « Alors, je te manquais trop ? » Je lève les yeux vers le plafond décorés de mille et une décorations. Est-ce qu'elle m'a manqué ? Non. Ou peut-être que si. Un petit peu. « Bonjour à toi aussi. » dis-je en secouant la tête. « Et je ne dirais pas que ta personne m'a manqué. En revanche, t'embêter, ça… je ne dis pas. » C'est à mon tour de sourire et pour appuyer mes mots, je lui fais un clin d’œil. « On y va ? » Je la presse un peu, mais j'ai mes raisons. « Non, parce que mes mains commencent déjà me démanger devant autant d'opportunités qui s'offrent à moi et je n'aimerais pas craquer au bout de quelques secondes… j'ai quand même dis que je ferais des efforts. » Et on devrait m'applaudir voire même ériger une statut à mon édifice. « On commence par quoi ? Parce que je n'en ai pas la moindre idée… Oh et avec un magasin dans mon budget de préférence. Donc on oublie tout de suite les marques et les gadgets hors de prix ! »

Si quelques semaines avant on avait dit à la polonaise qu’elle serait devenue amie avec un pseudo voleur de pâtisseries, car c’était quand même à cause de ça qu’ils s’étaient rencontrés, et qu’elle serait avec lui en plein centre commercial bondé de monde quelques jours avant les fêtes à chercher un cadeau pour sa petite sœur, ça lui aurait paru extrêmement étranges. Mais voilà, c’était la réalité, elle était là à chercher des idées pour une jeune fille qu’elle connaissait à peine, il fallait le dire. Elle ne l’avait rencontré qu’une fois, c’était peu. Bizarrement, être avec Oliver ne la dérangeait pas plus que ça, au contraire c’était plutôt agréable, mais ça c’était secret. Elle ne pouvait pas lui montrer et passer pour une jeune fille émotive en quête d’amis. En tout cas, Kinga avait sourit en le voyant arriver. Au moins elle allait pouvoir le taquiner pendant un bon bout de temps et ça c’était une occupation formidable.

« Au moins, quelque chose chez moi t’a manqué, même si ce n’est pas ce que j’espérais. » C’était déjà ça, non ? Un des seuls points en communs qu’ils avaient était qu’ils aimaient tous les deux se chercher, peut-être que c’est grâce à ça qu’ils arrivaient à se supporter alors qu’ils sont pourtant bien différents. Elle avance donc sans se faire prier en hochant la tête. « Ouais, allons y... » Elle fait une pause de quelques secondes, un léger silence avant de reprendre de vive voix. « Eh ! Tu ne vas rien faire, tiens toi tranquille... S’il te plaît ? » Elle se met un peu à réfléchir, cherchant dans ses propres goûts pour essayer de trouver quelque chose de sympathique pour la jeune Grimm. « Ne t’inquiète pas. Dis moi, elle aime quoi ta sœur ? Quelque chose qu’elle adore particulièrement ? » Elle ne savait pas tellement dans quelle boutique rentrer pour l’instant, attendant un peu d’avoir des informations au lieu de le traîner dans tous les magasins. Ce centre commercial, Kinga le connaissait bien, il n’était pas loin de chez elle et c’était un des premiers endroits où elle était allée à son arrivée. Autant dire qu’elle n’était pas perdue et qu’elle avait plutôt hâte de commencer les achats, mais avec le jeune homme, ça risquait d’être un peu plus compliqué que ça.

Je lui souris, amusé. Évidemment, qu'elle m'a manqué, mais plutôt mourir que de lui avouer. J'ai déjà du mal à l'accepter moi-même alors… Alors je me contente de ricaner et de lui sourire narquoisement, préférant jouer l’indifférence. Au moins, je ne risque pas de me faire charrier sur ça aujourd'hui. Avouer qu'elle m'a manqué, ce serait me tirer une balle dans le pied et perdre une partie de ma dignité et ça, il en est hors de question. « N’espère pas grand-chose venant de moi. Je suis un électron libre. » Et c'est vrai. J'ai toujours refusé de m'attacher à qui que ce soit par peur de me faire abandonner une fois de plus. Mes parents sont partis et j'ai fini par comprendre que tout le monde s'en va un jour ou l'autre. Je ne suis pas sûr de vouloir connaître une nouvelle fois la douleur que j'ai pu ressentir quand mon oncle m'a annoncé qu'ils ne reviendraient pas. Pourtant, j'ai beau me répéter ça en boucle, il n'empêche que malgré tout, je commence à vraiment l'apprécier la petite polonaise. Et c'est mauvais, très mauvais. Surtout pour ma santé mentale. Mais je ne préfère pas y penser maintenant, il ne vaut mieux pas. Alors pour laisser filer toutes ses pensées néfastes et qui commencent à me faire flipper de plus en plus, je décide de changer de sujet et de revenir à nos moutons. Et tant qu'à faire, de la presser un peu en lui annonçant que mes pulsions de voleur prennent le dessus, parce que je n'ai pas l'intention de camper ici !  « Eh ! Tu ne vas rien faire, tiens toi tranquille... S’il te plaît ? » Je la dévisage quelques secondes et arc un sourcil. Sa formule de politesse me laisse pantois. « Euh… ouais, d'accord. » Je secoue la tête de droite à gauche pour me reprendre. « C'est demander avec tellement de gentillesse que je ne peux pas refuser. » dis-je en haussant les épaules et d'un ton plus moqueur. On s'avance un peu dans les allées lorsqu'elle me demande enfin ce que ma sœur aime. Je me stoppe pour réfléchir et croise les bras sur mon torse. « Eh… C'est bien ça le problème. » Je n'en ai pas la moindre idée. Je sais qu'elle adore Marvel. Ou peut-être DC Comic. A moins que ce ne soit les deux. Qu'importe. Mais pour le reste, je n'en sais trop rien et je ne saurais même pas dire de quoi elle a besoin. En fait, on aurait besoin de tout… Je suis persuadé que même une brosse à dent pourrait lui faire plaisir. « Qu'est-ce qu'une femme de son âge apprécie ? Si ce n'est la dernière palette de maquillage ou la dernière collection de pantalon de je ne sais quelle star ? » D'autant plus que Sophie n'est pas vraiment attiré par ça. Ou alors elle le cache vraiment bien. « Elle est sportive… » fini-je par dire en tournant la tête vers Kinga. « On pourrait peut-être commencer par là ? Peut-être trouver un punching-ball et l'équipement qui va avec pour pas trop cher ? » Ce n'est qu'une idée en passant, mais je suis persuadé que ça plairait à ma sœur. Elle a fait, pendant longtemps, de la boxe et comme on n'a plus vraiment les moyens de payer des cours, si elle pouvait le faire à la maison, ce serait un bon début. Et vu le nombre de fois où elle doit rêver de m'arracher la tête, elle aura de quoi se défouler…

Oliver avait le don de la faire sourire à n’importe quelle phrase ou même grâce à un regard, et c’était bien trop étrange pour elle. En vingt-cinq ans, elle n’avait connu que quelques garçons qui se comptaient sur les doigts d’une main : son père tyrannique, ses frères qui savaient à peine qu’elle existait, un fiancé qu’elle n’avait rencontré que quelques fois et un ancien amoureux qu’elle avait dû abandonner par crainte de son géniteur. C’était pas la vie rêvée tout ça, mais désormais elle sentait qu’avec lui, c’était un peu différent. La preuve : elle avait accepté de faire les magasins avec lui. « Un électron libre ? Arrête de faire l’idiot, je te connais assez pour savoir quand tu dis des bêtises désormais. » Un clin d’œil bien placé, très rapidement et puis elle reprit sa route, observant les vitrines des magasins qu’elle connaissait plus ou moins bien. Un peu cliché, elle avait eu l’idée des produits de beauté, des vêtements ou même du maquillage. Mais ce n’était pas dans les goûts de tout le monde, il fallait ruser et trouver quelque chose d’assez général pour lui plaire. [color=#9999cc] «Je saurais maintenant qu’il faudra toujours demander gentiment pour avoir ce que je souhaite. Tu ne pourras jamais refuser. » De nouveau, elle se mit à rire.

« Tu sais que chaque fille à ses propres goûts et je n’ai pas l’impression que ta sœur adore ce qui est maquillage ou vêtements... Enfin, je peux toujours me tromper mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée. » Elle déambule dans les allées du centre commercial, à la recherche de l’inspiration, essayant de se rappeler d’anciennes idées de cadeaux pour des amies, avant de se tourner d’un seul coup vers le jeune homme. « Mais pourquoi tu ne l’as pas dis plus tôt ? » Au moins ils partaient sur quelque chose. Alors rapidement, elle attrapa sa main sans y faire réellement attention pour l’emmener dans un magasin de sport. Certes, ce n’était pas ce qu’elle fréquentait le plus mais chaque fois qu’elle passait devant, elle se sentait coupable et se promettait secrètement de se remettre au sport. Évidemment, la promesse n’avait pas encore été tenue. Elle le lâcha enfin lorsqu’elle trouva le rayon avec tous les accessoires de boxe, pouvant être dans ses prix pour la plupart. Enfin, ça dépendait ce qu’il comptait dépenser et de plus, un punching-ball était bien trop gros pour être volé par Oli, elle n’hésiterait sûrement pas à aider financièrement simplement pour avoir le bonheur d’une des sœurs Grimm.  

Je ricane à mon tour. Qu'est-ce qui lui fait dire ça, ou croire ça ? Je n'ai pas d'amis, ou d'accord, très peu, ça prouve bien ce que je viens de dire, non ? Les deux seules personnes que j'aime et qui, malheureusement, sont également mes plus grandes faiblesses, ce sont mes sœurs. Oui, c'est un peu horrible dit comme ça, mais c'est la vérité. Quand on aime ou qu'on tient à quelqu'un, c'est prendre le risque d'avoir une faille. Et la mienne, elle est là. Je suis prêt à tout pour elles, même à commettre le pire. Et c'est bien pour ça que je me refuse de m'attacher à quiconque. Ça ne ferait qu’agrandir cette faille et me rendre plus vulnérable encore. « Et pourquoi est-ce que je raconterais des bêtises ? » Même si, il est vrai, la plupart du temps, je sors environs une connerie toutes les quarante secondes. C'est bien évidemment un temps approximatif, mais c'est prouvé. Je débite plus de bêtises à la minute que n'importe qui. Sauf maintenant. Chose rare et exceptionnelle. On continue de flâner devant les boutiques. Enfin, Kinga flâne, moi, j'essaie de contrôler mes pulsions de voleurs. Des fois, je me demande si je ne suis pas un peu kleptomane sur les bords. J'ignore pourquoi, mais je me sens obligé de faire part de mes envies et la jolie brune me demande de me tenir tranquille. Plus facile à dire qu'à faire. Malgré tout, j'accepte. Mais seulement parce que c'est demandé gentiment. Ou avec une once de gentillesse. « Je saurais maintenant qu’il faudra toujours demander gentiment pour avoir ce que je souhaite. Tu ne pourras jamais refuser. » Elle se met à rire et je ne peux m'empêcher de sourire. Je passe une main dans mes cheveux, tout en haussant les épaules. « Oui, mais maintenant je saurais que quand tu me demandes gentiment quelque chose, c'est dans l'espoir de m'entourlouper. Tu ne m'auras pas deux fois très chère. »

Jamais je n'aurais pu m'imaginer que choisir un cadeau relevait presque de l'impossible. Et pourtant, je connais mes sœurs depuis… bah depuis toujours. Je vis avec elle et même si je connais leurs goûts, ça n'en reste pas moins compliqué d'avoir une idée qui tienne la route et surtout qui puisse faire plaisir. Sans compter que ce dit cadeau ne doit pas être trop cher et surtout, de préférence, être quelque chose d'utile ou qui se conserve le plus longtemps possible. Manque d'argent oblige. J'écoute ma conseillère de shopping m'expliquer que chaque personne à des goûts bien différents, ce que j'aurais pu deviner tout seul, et me confirmer que Sophie n'est très certainement pas la fille la plus préoccupée par son apparence. Est-ce que ce serait le cas si elle avait grandi bien sagement chez mon oncle et ma tante ? Ne l'aurais-je pas, involontairement, conditionné à ne pas attacher de l'importance sur les produits de beauté ou les derniers vêtements à la mode parce qu'on n'a pas les moyens pour se les offrir ? Je secoue la tête pour faire fuir ces questionnements lorsqu'une idée me vint à l'esprit. J'annonce, non sans fierté, que ma sœur est une grande sportive et qu'elle adore la boxe. « Mais pourquoi tu ne l’as pas dis plus tôt ? » Je la regarde avec des yeux de merlan fris. C'est vrai ça, pensé-je avec ironie, pourquoi ne l'ai-je pas dis plus tôt ? « Peut-être parce que ça vient seulement de me revenir… Et n'ose pas dire que je suis un mauvais frère. » rétorqué-je en croisant les bras sur mon torse, la mine faussement boudeuse. Pas le temps de faire la moue plus longtemps, Kinga attrape ma main pour m'entraîner vers le magasin de sport. Bien que surpris par ce contact, je la laisse faire, me répétant inlassablement qu'elle a agit par pur mécanisme. On se faufile, main dans la main, à travers les rayons jusqu'à arriver à celui que nous cherchons. Nos mains se quittent et je semble être le seul mal à l'aise. Je me racle la gorge et cache mon malaise en m'intéressant aux produits proposés. Les prix varient énormément et je fais mentalement le compte dans ma tête. Si je veux faire tout ce que j'ai prévu durant cette journée, il va falloir que je fasse attention. Même si j'ai un salaire, j'aimerais évité de tout dépenser en une après midi. J'attrape donc une paire de gants, faisant gaffe de ne pas prendre le premier prix non plus et me tourne vers Kinga. « Je ne sais pas si ça fera l'affaire, mais tu sais ce qu'on dit ? Que le meilleur moyen de savoir, c'est de tester. » Je lui envoie les gants en souriant et lui montre du doigt le sac de frapper exposé à quelques centimètres de nous. « Alors ? Partante ? »

« Pourquoi est-ce que tu raconterais des bêtises ? Parce que tu es Oliver, c’est tout. » En vérité, elle ne le connaissait pas tellement, car au final ils ne s’étaient côtoyés que quelques fois. Mais elle avait cette impression, celle de savoir qui il était. Et puis, en à peine quelques semaines, elle était devenue bien plus proche de lui que de son grand frère alors ce n’était pas rien. Kinga continuait de flâner, cherchant une idée de génie pour un cadeau, bien qu’au final elle ne puisse pas grandement aider. Elle avait déjà du mal à trouver pour ses amies proches, alors autant dire que pour une fille qu’elle n’avait vu qu’une seule fois, c’était presque mission impossible. Mais elle se forçait, cherchant et se remémorant tout ce qu’elle avait auparavant offert ou reçue elle-même. « Je vois... Pas faux. Et si je demande encore plus gentiment, ça marchera une fois de plus, tu penses ? » Autant demander, on sait jamais.

En effet, le magasin de sport n’était pas celui qu’elle fréquentait le plus quand elle décidait de faire des virées shopping, mais faire du sport est toujours important. Et puis même, c’était un magasin comme un autre et il lui était déjà arrivée de faire quelques tours simplement pour observer. Un vrai cliché sur le fait que les filles aiment faire le magasin, mais là-dessus elle est incorrigible, et elle peut tout de même se le permettre. Attraper la main du jeune homme était un réflexe, absolument pas réfléchit. Elle n’en avait pas grand chose à faire de ce contact, contrairement à Oliver, qui lui essaie de cacher le fait qu’il soit mal à l’aise. Kinga l’a plutôt bien deviné. La boxe, elle n’y connaissait rien, vraiment rien. Pour elle cela se résumait à un sport un peu trop violent où il faut seulement savoir mettre quelques coups de poings, pas trop intéressant. Elle faisait cependant mine de s’y intéresser, regardant les tenues et accessoires un peu trop attentivement pour cela fasse vrai. « Tu n’es pas un mauvais frère, non. Si tu voyais l’un des miens... En comparaison, à toi on te donnerait le prix du meilleur frère. Ça existe ce genre de choses dans ce pays ? » Il y avait tellement de choses totalement différentes à Pologne, Kinga ne s’étonnait plus de grand-chose désormais. Plus elle se dirigeait vers le fond du rayon, plus les prix augmentaient et ça faisait un peu peur. En fronçant parfois les sourcils, elle se demanda comment des accessoires dont elle ne connaissait même pas l’utilité pouvaient atteindre un tel prix ? Totalement de la folie. Mais si quelqu’un chose l’intéressait et qu’elle voulait l’offrir à la jeune Grimm, elle pouvait toujours mettre de sa poche. Cependant, elle était certaine qu’Oliver refuserait, par principe et fierté. Pour l’instant, il valait mieux se taire et voir plus tard pour l’argent. La brune finit par sortir de ses pensées malgré elle, rattrapant maladroitement des gants lancées, ce qui l’a fit presque sursauter vu qu’elle ne s’y attendait pas. En grimaçant, elle s’approche doucement du sac, un peu hésitante. C’est pas comme si il allait lui sauter dessus et se mettre à la frapper elle mais elle ne savait simplement pas comment s’y prendre. Mais après tout le ridicule ne tue pas. Kinga décida alors d’enfiler les gens, toujours avec des gestes aussi peu habiles mais après tout ce n’est et ne sera jamais une boxeuse professionnel alors elle n’y faisait pas trop attention. « Pourquoi pas. Mais tu sais, si tu veux que je frappe quelque chose, j’ai pas besoin de sac. Tu ferais très bien l’affaire. » Elle haussa ensuite les épaules, frappant une première fois avec la force d’une gamine de cinq ans, au cas où. Puis une deuxième fois. C’était un peu ridicule la façon dont elle se tenait, dont elle frappait et ça se voyait un peu trop que ce n’était pas du tout son domaine, mais personne ne lui avait apprit. « Interdiction de te moquer. Et si tu oses simplement sourire, c’est vraiment toi que je tape. » Aussi inexpérimentée qu’elle était, il n’avait pas intérêt à la provoquer, elle pourrait bien le blesser sans le faire exprès si elle tentait.

Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer. C'est vrai quoi… Je suis donc condamné à errer dans la catégorie des gars qui ne savent que plaisanter ? Pourtant, je n'ai pas vraiment l'impression d'être qu'un rigolo. Mais bon. Je préfère sourire et hausser les réponses en guise de réponses. Après tout, si elle veut croire ça, je ne vais pas l'en empêcher. Et puis ça m'arrange, ça ne fera que l'éloigner de la vérité sur ma propre personne. Et non, je ne cherche pas à jouer le gars mystérieux et sombre, très peu pour moi. J'apprécie simplement le fait de ne pas être cerné trop rapidement et surtout de surprendre. J'avais déjà laissé percevoir qui j'étais réellement à de trop nombreuses reprises et ça ne me plaisait guère. Quand on connaît, on peut frapper là où ça fait mal et je ne suis pas prêt pour me laisser mettre à terre par une fille. « Si tu le dis. C'est que tu as peut-être raison. » dis-je de manière évasive. Plus je côtoie cette fille, plus j'ai l'impression de perdre les pédales. Entre cette invitation et mon acceptation presque trop facile pour ne pas jouer les voleurs, ça commence à me faire peur. Quel genre de sorcière est-ce ? « Penses-tu que je devrais répondre à cette question ? Parce que si la réponse est oui, tu sauras que tu peux me faire chanter. En revanche, si la réponse est non et que je te le dis, je ne pourrais pas profiter de ton échec cuisant quand tu me demanderas gentiment de garder mes mains dans mes poches la prochaine fois qu'on sortira ensemble. Alors je vais faire comme ci je n'avais rien entendu et ignorer cette question. » Je termine ma phrase par un clin d’œil à son attention. « Pour savoir, il faudra essayer ! »

L'entendre me dire qu'en comparaison à son frère, je suis le meilleure frangin de la terre me fait bizarre. Pendant un court instant, je me suis demandé si elle ne se foutait pas de moi, mais devant son regard sincère, j'ai su que non. « Je ne sais pas si ça existe. Peut-être. Mais je ne pense pas qu'aux yeux de mes sœurs je sois le meilleur grand-frère. Elles auraient sûrement préféré quelqu'un d'autre. » Je me suis souvent fait cette réflexion. Depuis la maladie d'Emma et par la suite presque tous les jours. Cette question revient d'ailleurs à chaque fois que je me prends la tête avec Sophie sur mes manières de faire et de gérer ma vie. « Et le pire, c'est que je pourrais être d'accord avec elles si je n'étais pas aussi buté. » continué-je en riant, amer. « Elles seraient sûrement mieux ailleurs, chez… » Non. Définitivement non. Elle ne serait pas mieux chez eux, jamais. Ou si. Je ne sais pas. Ce type est un connard sans nom. Sa femme ne vaut pas plus. Il n'empêche que là-bas, elles auraient un toit et ne mangerait pas que des conserves sans goût à chaque repas. « Bref. Tu ne t'entends pas bien avec ton frère ? Parce que franchement, pour dire que je mériterais un prix, c'est que votre relation n'est pas top, non ? » Je ne sais même pas pourquoi tout ça m'intéresse. Dans le genre problèmes des gens, je suis le gars le plus nul de la terre pour apporter une quelconque aide. Moi je suis plutôt le type qui empire les choses et fait tout foirer. La preuve, mes amis ne se compte même pas sur les doigts d'une main. Il faut dire que faire passer les besoins des autres avant les miens, ce n'est pas vraiment mon fort. Hormis pour mes sœurs, je pense être le gars le plus égoïste de la planète. Quand les choses se compliquent, c'est chacun pour sa poire. Ouais, ce n'est pas très glorieux, mais c'est ma philosophie de vie.

Finalement, j'ai fini par trouver un cadeau, du moins je crois, pour Sophie, dans ma fourchette de prix. J'ignore ce que ça vaut, mais on ne pourra pas dire que cette année, je ne me suis pas surpassé. Et comme je suis d'humeur joueur et que j'ai besoin de quelqu'un pour tester la marchandise, je propose à Kinga de tester pour moi. Au début, je pensais qu'elle allait se défiler, mais pas du tout. J'avoue que je suis surpris. Dans le bons sens, évidemment. Cette fille ne cesse de m'impressionner. « Pourquoi pas. Mais tu sais, si tu veux que je frappe quelque chose, j’ai pas besoin de sac. Tu ferais très bien l’affaire. » Je la regarde en fronçant les sourcils avant de croiser les bras sur mon torse. « Non, sans façon. Je sais que tout le monde rêve de me cogner, mais je n'ai pas envie qu'on abîme mon si beau visage. Je ferais comment pour draguer les filles après ? Un œil au beurre noir, ça n'a rien de sexy ! » Je la regarde frapper ce pauvre sac, même si honnêtement, il doit bien se marrer. Même une fillette de cinq ans aurait plus de force. Je ne peux pas m'empêcher de sourire, amusé. Sourire que je fais bien vite disparaître quand elle m'interdit de me moquer. Je redeviens sérieux, tentant de cacher mon hilarité et hoche la tête. « Je ne rigole pas, promis. Je ne voudrais pas me faire frapper… J'aurais trop peur que tu me conduises tout droit aux urgences. » J'ai tenté d'employer un ton neutre, mais je suis persuadé que mes yeux brillent de sarcasmes. « Mais si tu veux mon avis… » dis-je pour éviter de me faire vraiment frapper. « Tu devrais plutôt te mettre comme ça. » Je me place derrière elle, glissant mes mains le long de ses bras pour les positionner correctement. Je n'ai jamais pratiqué ce sport, mais je sais cogner. J'ai appris à frapper pour me défendre comme tous les gosses qui traînent dans les rues. Ma technique n'est pas aussi pointilleuse que ce qu'on peut apprendre en club, mais il n'empêche qu'elle fait ses preuves. Sauf quand je tombe sur plus fort que moi. « Et il faut que tu prennes appuies sur cette jambe plutôt que sur l'autre. » terminé-je. C'est à cet instant que je me rends compte que nos corps se touchent presque, brisant une barrière que je m'étais promis de jamais franchir. Je me recule brutalement et passe une main sur ma nuque, mal à l'aise. « Hum. Ouais, voilà. C'est mieux comme ça… » Je détourne le regard et dégluti difficilement. « Je… Je crois que je vais les prendre. » Je préfère mettre fin à ce test avant que la situation ne devienne plus gênante qu'elle ne l'est déjà.

Il fallait avouer, ou pas d’ailleurs, que plus Kinga passait du temps avec Oliver, plus elle l’appréciait. Mais lui dire, sûrement pas. Et ça serait également un peu gênant pour lui. Parce que leur relation a commencé par un vol de muffin. Et ce n’est pas avec ce genre de rencontres qu’on peut trouver un meilleur ami ou l’âme sœur, enfin peut-être que ça se fait dans ce pays finalement ? On sait pas trop. Mais oui, elle l’aimait bien et ça se voyait probablement dans son sourire en coin et sa façon de le regarder entre deux rayons de sport. « Alors... On verra bien, je ne veux pas gâcher la surprise. Mais attend, la prochaine fois qu’on sortira ensemble ? T’as déjà prévu une nouvelle sortie, c’est ça ? Je suis partante. » Il ne faut pas se faire des idées mais Oliver est une des seules personnes qui lui permet en ce moment de penser qu’elle a une vie sociale à peu près normale. Elle n’a pas énormément d’amis, et c’est sûrement son cas à lui aussi, d’une manière différente. Son travail n’est pas le plus passionnant non plus et il est un des seuls liens qui se réfère au boulot. Alors l’idée d’une nouvelle sortie, c’est pas grand chose mais ça la fait sourire un peu plus parce qu’elle aimerait peut-être secrètement que ça arrive. Elle aimerait fortement même, mais ça non plus elle peut pas oser l’avouer.

« Et malheureusement, elles sont coincées avec toi, c’est horrible. Si tu étais mon frère, c’est sûr que je me plaindrais comme elles le font probablement. » C’était un peu ironique parce que pour elle, Oliver faisait tout ce qu’il pouvait pour ses deux sœurs alors pourquoi se définir ainsi ? Lui prend soin d’elles, leur assure un toit et à manger, il ramène même des muffins. Kinga était sûr et certaine que son frère à elle l’aurait laissé dormir dehors par des températures négatives si son père l’avait demandé. Ils sont pas très famille les Ilinski, c’est surtout chacun pour soi là-bas. « J’ai deux frères et l’aîné, c’est pas qu’on s’entend pas, c’est... c’est pire. Comme si on était presque inconnus. Du genre à avoir la mentalité de mon père, ce qui n’est pas génial. Si tu le connaissais, tu comprendrais. Trop compliqué à expliquer mais en tout cas, ne pense pas que tu es le pire frère au monde juste parce que tu ne peux pas payer des tonnes de fringues à tes sœurs. Et puis.. laisse tomber, retiens juste que y a plus nul que toi. » C’était trop de mauvais souvenirs qu’elle tenait juste à oublier, fallait mieux les laisser là où ils sont. Heureusement, avec son histoire de boxe et son invitation à frapper le sac devant elle, elle arrive à penser à autre chose et c’est bien mieux. « Tout le monde ? T’abuses ! Et puis, personnellement, j’trouve ça sexy sur certaines personnes. J’dis pas que tu le serais avec la moitié du visage abîmée mais... Tu vois. Ça y est, elle s’enfonçait et ça la faisait même un peu rougir. Mais elle se reprend rapidement en essayant d’être sérieuse. « C’est bien d’avoir peur, tu ne sais pas de quoi je suis capable énervée. Mais soyons honnête, Kinga atteint à peine le mètre soixante et vu son gabarit, il est peu probable qu’elle arrive simplement à atteindre son visage et à lui mettre un coup, même avec de la bonne volonté. Il a bien plus d’expérience qu’elle dans ce domaine. Et c’est pourquoi, sans y prêter attention sur le moment, elle se laisse guider sans rien dire, approuvant ses paroles. Pour elle, c’était pas grand chose et ça ne la dérangeait même pas. « Mmh... D’accord, ok. Mais t’es sûr, avant de les prendre, que tu veux pas rester toi aussi pour voir la résistance des gants ? Peut-être que t’as trop peur que je te batte ? Tu veux qu’on arrête là ? »

C'est ça d'ouvrir la bouche sans réfléchir, ça fini toujours par nous retomber dessus. Je n'avais pas du tout pensé à ce que je laissais sous-entendre quand je disais qu'elle devra essayer. Parce que non, évidemment, je n'ai pas prévu une autre sortie. Enfin, pas vraiment. Oui, j'ai envie de la revoir, j'ai envie qu'on passe du temps ensemble, mais je n'ai pas réellement prévu la prochaine fois que ce sera. Mais je n'ai pas le temps de la contredire qu'elle m'annonce déjà être partante. Bah merde alors. « Tu ne devrais pas t'avancer aussi vite. Peut-être que j'ai décidé de t'emmener sauter du haut d'un pont. » Ce qui n'arrivera probablement jamais, mais ça, elle l'ignore. « Maintenant, tu es condamnée à accepter la prochaine sortie que je te proposerais. Qu'elle te plaise ou non. » Et je suis sérieux. Parce que des idées, j'en ai plein et je ne suis pas franchement sûr qu'elle sera ravie de m'accompagner. « Mais promis, pas de cambriolage de banque. » Faut dire que je n'ai pas le talent pour et qu'il me reste encore un peu de sens moral. « Par contre, voler des pâtisseries, ça… » Je lui souris et lui adresse un clin d’œil.

Je secoue la tête en haussant les épaules. Je suis persuadé que Sophie se plaint de moi. Je n'ai aucun doute là-dessus. Après tout, je peste après elle dans mon coin et je suis prêt à parier que c'est son cas aussi. Emma, et bien c'est Emma. Elle est fidèle à elle-même. Je ne crois pas qu'elle se soit déjà plaint de quelque chose, ça ne lui ressemble pas. Et pourtant, elle en aurait eu des raisons de se plaindre. Nos parents, notre oncle, notre habitation, nos galères financières, sa maladie, le frère irresponsable que je suis, puis nos disputes incessantes avec Sophie. Et en cherchant bien, je pourrais poursuivre la liste. Je me demande comment elle fait pour rester aussi calme, vraiment. Notre discussion divague sur les frères de Kinga. Je l'écoute m'expliquer dans les très grandes lignes les soucis avec sa famille, mais je sens bien que ce n'est pas un sujet dont elle souhaite parler. Elle conclut en me disant de simplement retenir qu'il y a plus nul que moi. « Me voilà rassuré. » dis-je en hochant la tête, sincère. Je décide alors de changer de sujet, l'invitant à frapper dans le sac pour tester les gants de box que je souhaite offrir à Sophie pour Noël. « Tout le monde ? T’abuses ! » Moi ? Abuser ? Ok, juste un peu. Mais pour ça aussi, je peux effectuer une longue liste. J'ai bien plus d'ennemis que d'amis, ça été prouvé à de maintes reprises. « Et puis, personnellement, j’trouve ça sexy sur certaines personnes. J’dis pas que tu le serais avec la moitié du visage abîmée mais... Tu vois. » Je la regarde en haussant les sourcils. Est-ce que j'ai bien entendu ce que je viens d'entendre ? Je tente tant bien que mal de cacher ma surprise. « Bien sûr. Les filles aiment les bad boys c'est ça ? » Tellement cliché. Et pourtant tellement vrai. « Ouais, je vois. Je vais juste retenir que tu pourrais me trouver sexy avec des hématomes sur le visage. » J'ai pris un ton taquin, mais je ne suis pas certain d'être très convaincant. « Et je suis sûr que tu es aussi dangereuse qu'un chaton en colère… » Et j'en ai la preuve quand elle commence à frapper le punching-ball. Elle se débrouille, je ne pourrais pas dire le contraire, mais elle manque encore un peu de technique. Je me place derrière elle pour lui montrer comment se positionner avant de me rendre compte l'embarras dans lequel je suis en train de me fourrer et me recul précipitamment, gêné, en lui annonçant que je vais les prendre.  « Mmh... D’accord, ok. Mais t’es sûr, avant de les prendre, que tu veux pas rester toi aussi pour voir la résistance des gants ? Peut-être que t’as trop peur que je te batte ? Tu veux qu’on arrête là ? » Elle n'a pas l'air de lire le malaise naissant sur mon visage ce qui me rassure un peu. Je croise les bras sur mon torse et secoue la tête de droite à gauche. « Je ne me bats pas contre les filles. Il me reste encore quelques principes. » Mais je sens déjà qu'elle va continuer de me charrier avec ça pendant des semaines si je me contente de cette excuse. « Mais si tu tiens vraiment à ce que je te mette la raclée du siècle, on peut planifier un petit combat pour notre prochaine sortie. » Même si, je l'avoue, ça ne me réjouit guère de devoir me battre contre elle. « Sinon, je pense que oui, je vais les prendre. Mais comme je sais que me quitter va te briser le cœur, je t'invite à boire un café ? Ou un thé. Ou un chocolat. Bref, quelque chose…. »

Leur sortie était peut-être sur le point de se terminer. Ils avaient trouvé un cadeau pour la sœur d’Oliver, voilà. C’était terminé. Il allait sans doute la remercier, lui dire que c’était plutôt cool et repartir chez lui. Ça la rendait bizarrement un peu triste, parce qu’elle aimait bien sa compagnie et qu’elle aimerait que ça dure. Au final, Kinga, c’était qu’une fille qui l’a aidé un après-midi. Qu’est-ce qu’elle était pour lui ? Une simple connaissance qui lui faisait pitié, qu’il invitait à sortir parce qu’il savait qu’elle n’avait pas énormément d’amis ? Ou quelqu’un qu’il appréciait réellement ? C’était un peu compliqué de savoir, mais en tout cas Kinga, elle, était certaine qu’elle aimait passer du temps avec lui. C’est pour ça que l’idée d’une deuxième sortie la fait sourire, bien qu’elle ne veuille même pas se l’avouer. « Sérieusement ? Je pense que j’accepterai tout. Même si au début, ça ne me plaît pas. Sauf le pont. Pas ça, non. » Quelle personne saine d’esprit sauterait d’un pont, en même temps ? Si c’est son genre, il est tombé sur la mauvaise fille. « C’est quoi cette idée, déjà ? T’as déjà cambriolé une banque ? Cette fois, Kinga l’imaginait avec une grosse somme d’argent, à fuir la police. Non, mauvaise idée de toute façon.   Elle finit simplement par rire à son clin d’œil et repousse ses cheveux. Les vols de pâtisseries, ça restera encore un bon moment entre eux deux.

Ils continuent ensuite de parler de leur famille. N’ayant aucune nouvelle de ses deux frères, elle en viendrait presque à penser que sa famille a tout oublié d’elle. Kinga aurait été effacé des Ilinski et se retrouverait sans personne, de nouveau. Sans nom de famille, sans parents. Tant pis, finalement. Et puis ils changent de nouveau de sujets, encore. Elle finit même par frapper dans un des sacs disponibles dans le magasin. C’est pas glorieux. Kinga n’est pas très douée et ça se voit. Ça dérive sur les hommes et elle rougit un peu à sa question. « J’ai pas dis que je les aimais ! Dans les films, pourquoi pas. Mais en réalité... C’est pas forcément mon type. J’sais pas. » Elle hausse alors les épaules en essayant de ne pas sourire, cette fois-ci. « Eh ! Stop. Oublie ça ! » Bien qu’au final, elle pourrait même le trouver sexy avec ou sans hématomes, c’est pourtant un secret. Elle n’aurait même pas dû aborder le sujet parce qu’elle finit par être un peu gênée et presque mal à l’aise mais il finit tout de même par la faire rire à nouveau et heureusement. « Je suis très dangereuse. Tu devrais faire plus attention. La prochaine fois, c’est moi qui pourrait te causer les hématomes dont tu as parlé. Pourquoi pas ? » C’était bien évidemment ironique parce qu’elle était plus proche du chaton comme Oliver le disait que d’autre chose lorsqu’elle était en colère. Mais elle ne l’était presque jamais de toute façon.

Kinga avait finit par retirer ces gants en se reculant. Heureusement, personne d’autre ne les avait vu dans le magasin. Ce rayon était désert et c’était tant mieux. « Oh, je vois ! Tu as trop peur que j’abime ton joli visage, c’est ça ? Je te fais trop peur ? Elle lui tend ensuite les gants, se dirigeant vers la caisse près de l’entrée du magasin pour payer. « Je rigole. J’ai pas envie de finir à l’hôpital. Un coup de poings et je suis k.o, tu sais. Surtout que t’as l’air au moins dix fois plus fort que moi... Et.. Pourquoi pas un café ? Sauf si tu veux peut-être rentrer ? T’es pas obligé de rester pour moi. »

Je hoche la tête en signe d'approbation. Pas de saut du haut d'un pont, je prends note. Et tant mieux. J'aurais été dans une merde pas possible si elle m'avait dit être d'accord et adoré ça. Parce que je tiens encore, un minimum, à ma vie et que je ne fais pas confiance aux élastiques censés nous maintenir en vie. Oh ça non. Il manquerait plus qu'ils lâchent et c'est la mort assurée. En revanche, elle a bien précisé qu'elle accepterait toutes mes autres idées. Et ça, ce n'est pas un point négligeable. Je vais lui concocter la meilleure journée émotionnelle de sa vie. On oublie juste les sorties mettant notre vie en danger ou impliquant la police. Comme braquer une banque. Ou voler un éléphant dans un zoo, mais cette idée loufoque, je ne la dis pas. « C’est quoi cette idée, déjà ? T’as déjà cambriolé une banque ? » Je tourne la tête vers elle et me met à rire d'un rire franc. Elle m'en croit sincèrement capable ? Je me sentirais presque flatté. « Est-ce que j'ai la tête de l'emploi ? » demandé-je en haussant les sourcils. Je vole, certes, mais jamais ce qui pourrait me coûter plus d'une nuit en prison si je me fais attraper. Et puis, je n'ai même pas d'armes alors j'aurais l'air fin à menacer les employés avec une batte de baseball ou n'importe quelle autre arme blanche. « Non, jamais braquer de banques. J'ai déjà dû mal à voler des pâtisseries dans un café sans me faire prendre par une employée incroyablement enquiquineuse, alors une banque… » Je lève les yeux vers le plafond. « Je n'ose même pas imaginer… »

Je l'écouter s'embrouiller toutes seules dans ses explications, me contentant de lâcher quelques « Oh, je vois. » quand cela me semble utile, mais en vérité, je ne crois pas un mot de ce qu'elle me raconte. C'est mignon d'aimer les bad boys dans les films ou même dans les romans, mais ça reflète forcément une petite part de vérité dans la vie réelle, non ? « Eh ! Stop. Oublie ça ! » « Oublier quoi ? Je me souviens absolument pas de quoi on parlait… » Je lui tire la langue et nous reprenons notre discussion.
Je la compare à un chaton en colère et malgré son rire, elle ne semble pas entièrement convaincue par cette comparaison. Elle m'affirme être plus dangereuse que ce que je pense. Mais je ne me bats pas contre des filles. Questions de principes. « Oh, je vois ! Tu as trop peur que j’abîme ton joli visage, c’est ça ? Je te fais trop peur ? » Si seulement… « Je te remercie pour le compliment. Mais franchement, je crois qu'il a été abîmé de trop nombreuses fois pour que je m'en soucie maintenant. On fini par s'habituer aux hématomes et autres défigurations du style. »  Mais je demande à voir et lui propose donc un petit combat pour notre prochaine sortie. Ce qu'évidemment, elle refuse. Et elle a plutôt de bonnes raisons. En revanche, elle pourrait tout de même apprendre. Après tout, il y a des cons partout et savoir mettre un bon coup de poing peut s'avérer utile. Mais on reparlera de ça plus tard. Je récupère les gants de boxe et lui propose d'aller boire un verre. « Et.. Pourquoi pas un café ? Sauf si tu veux peut-être rentrer ? T’es pas obligé de rester pour moi. » Je hausse les épaules et me dirige vers les caisses. « Je ne reste pas avec toi par pitié ou à contre-cœur. Crois-moi, si je voulais rentrer, je ne t'aurais rien proposé. »
Une fois les articles payés, ce qui est une assez grande première pour moi, nous quittons le magasin de sport pour trouver un endroit où s’asseoir et boire un café. « Le Starbucks, ça te va ? »

Le connaissant, Kinga avait un peu peur de ce qu’il pouvait penser. Elle avait un minimum appris à le connaître en quelques semaines, bien qu’il y ait encore beaucoup de mystère autour du jeune homme. Mais après tout, autant sortir de sa zone de confort et avec Oli, elle était sûr de s’amuser au moins. Mais rapidement, ils partent sur un autre sujet qui la fait tout autant sourire et qui serait -pourquoi pas- également possible. « Eh. J’en sais rien, c’est toi le voleur, pas moi ! Tu as pu faire beaucoup de choses avant qu’on se connaisse. » Bon, évidemment, c’était sans doute impossible à bien y réfléchir. Elle en aurait entendu parler si cela c’était produit et puis il serait sans doute en prison et non pas ici avec elle. Heureusement, elle ne côtoyait pas vraiment un grand criminel. « Pas ma faute si j’ai réussi à t’avoir ! Mais c’est vrai que dans ton cas, la banque n’est pas conseillée. Et puis d’ailleurs, je crois que tu l’aimes bien cette employée dont tu parles, pas vrai ? » Dans un sens, il avait intérêt à répondre positivement ou sinon Kinga pourrait être un peu vexée. Parce qu’elle, elle l’aimait bien Oli.

« C’est ça, oui... Et ne me tire pas la langue ! » Mais secrètement et en quelques secondes, elle fait le même geste en réponse, espérant ne pas être vu. Quant aux bad boys, il est vrai qu’elle les aimait un peu secrètement. Mais elle n’avait eu que trop peu de petits amis pour savoir ce qu’elle aimait réellement chez les hommes. De plus, elle savait très bien qu’en ne connaissant pas énormément de personnes ici, elle ne risquait pas de trouver quelqu’un ici.

Si on y pensait, Kinga pouvait vite se mettre en colère et être plus dangereuse qu’on ne pouvait y penser bien que ce ne soit pas visible au premier coup d’œil. Ça n’arrivait pourtant pas souvent, elle ne s’énervait presque jamais. Un vrai ange. « Comment ça s’habituer ? Tu t’habitues à prendre des coups donc ? Peut-être que tu ne t’en soucies plus mais certaines personnes sûrement. » Ils finissent par sortir du magasin. Heureusement, il faisait toujours beau et ils avaient encore du temps devant eux avant que la nuit tombe. Un autre jour, ils pourraient se revoir pour qu’elle apprenne un peu mieux à se défendre. Mais ça sera bien un autre jour. Pour l’instant, elle accepte de passer un peu de temps en plus avec lui et de boire un verre. C’est toujours ça de plus. « Vraiment ? C’est gentil alors. Merci. C’est plutôt sympa d’être avec quelqu’un juste comme ça, j’veux dire... Qui ne reste pas avec moi parce que j’ai de l’argent ou ce genre de choses fréquentes à Varsovie. » Elle garde le sac avec les articles payés dans ses mains, restant à distance raisonnable du jeune homme avant d’hocher la tête positivement à sa question.

Je lèves les deux mains en l'air avant de me mettre à rire. Effectivement, c'est moi le voleur, mais aller croire que je peux voler quoi que ce soit dans une banque, c'est me surestimé. Non pas que ça m'en déplaise, loin de là, mais je ne suis pas certain que ça dépeigne un portrait sympathique de ma personne. Et comme je reste quelqu'un, à priori, de plutôt sympas, mieux vaut éviter de faire croire n'importe quoi à une fille qu'on connaît à peine. Même si je doute qu'elle puisse croire une telle chose. « J'ai effectivement fait beaucoup de choses avant de te connaître. » Mais ce ne sont que des choses de bas étage, des conneries d'adolescents. Un peu comme maintenant en fait. Je n'ai pas vraiment changé depuis mes seize ans. Je suis un petit délinquant, pas un grand criminel qui mérite d'être enfermé. « Pas ma faute si j’ai réussi à t’avoir ! Mais c’est vrai que dans ton cas, la banque n’est pas conseillée. » Je hoche la tête, je suis entièrement d'accord avec elle. C'est pour ça que mon prochain projet, n'a rien de très grandiose. J'hésite encore avec la boulangerie et la charcuterie. Je me dis qu'un peu de protéines nous ferait pas de mal. Ce sera meilleur que toutes ces sucreries… « Et puis d’ailleurs, je crois que tu l’aimes bien cette employée dont tu parles, pas vrai ? » Je suis à deux doigts de m'étouffer avec ma salive. L'aimer, oui, mais dans quel sens ? Je me racle la gorge avant de répondre, évasif. « Peut-être. Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Parce qu'il faut quand même notifier le fait qu'elle est plutôt curieuse et agaçante… »

Je n'avais pas prit le problème sous cet angle. Parce que oui, je me suis habitué à prendre des coups au même titre que je me suis habitué à vivre dans un appartement pourri, dans un quartier pourri et avec des voisins pourris. Ça ne veut pas dire pour autant que ça ne fait plus rien. « Disons plutôt que je n'en fais plus une affaire d'état. Ce n'est pas parce que je ne le cris plus sur tout les toits ou que je ne m'en plains plus que ça me fait plaisir. »  « Peut-être que tu ne t’en soucies plus mais certaines personnes sûrement. » Et je sais très bien de qui elle veut parler. Emma et Sophie. Si ma plus jeune sœur se contente de soigner les plaies sans rien dire, je sais que ça ne signifie pas pour autant que ça ne la touche pas. Quant à Sophie, difficile d'oublier qu'elle en a marre de me voir rentrer avec le visage tuméfié. On se prend suffisamment la tête à ce propos pour que ça puisse sortie de mon esprit. Ce n'est pas pour autant que je compte cesser mes activités. Je préfère garder le silence, mais disant que dans un cas comme celui-ci, mieux vaut ne rien dire plutôt que d'avouer qu'on n'a pas l'attention de changer.
On quitte le magasin de sport en direction du Starbucks. Visiblement, Kinga à l'air plus que surprise que je puisse vouloir rester avec elle un peu plus que prévu. Je trouve ça assez étonnant d'ailleurs. C'est vrai, je la charrie beaucoup sur son caractère, mais je l'apprécie beaucoup. « C’est plutôt sympa d’être avec quelqu’un juste comme ça, j’veux dire... Qui ne reste pas avec moi parce que j’ai de l’argent ou ce genre de choses fréquentes à Varsovie. » Je vois. Heureusement pour elle, ce n'est pas mon genre. « Oh, je suis persuadé que ce genre de personnes existent ici aussi, mais tu es chanceuse, tu es tombé sur le seul voleur désintéressé de la région. » Ou presque. Si je ne la trouvais pas gentille, je crois que j'aurais déjà tenté de voler son porte-monnaie une ou deux fois.

Quelques minutes plus tard, nous passons les portes du café. Sans grande surprise, il y a foule et j'ai bien peur qu'on soit contraint de boire notre café debout. Je balaye la salle du regard avant que mes yeux se posent sur une table de libre. Je me tourne vers Kinga pour lui montrer d'un léger coup de tête les chaises libres. « Dis-moi ce que tu souhaites, je vais commander pour nous deux. »

« Beaucoup de choses ? Comme quoi ? T’as volé d’autres pâtisseries dans d’autres cafés de la ville ? Ou pire... T’es recherché par la police dans un autre pays et t’as déménagé ici ? » Elle essaye de rire à nouveau mais au fond, elle n’est pas vraiment sûr de vouloir savoir ça. Il n’est certainement pas un grand criminel recherché dans toute l’europe comme elle peut l’être par sa famille, mais après tout, sait-on jamais. Au final, Oli, elle ne le connaît pas tant que ça. Ils ne se sont rencontrés qu’il y a quelques semaines, il n’est jamais venu chez elle et Kinga a encore beaucoup de choses à savoir sur lui. Elle connaît ses petites sœurs, son nom de famille et son immeuble mais c’est à peu près tout. Peut-être qu’elle voudrait en savoir plus. Lorsqu’elle passe à un autre sujet, elle sent que le jeune homme est un peu mal à l’aise alors elle s’éloigne légèrement, juste un peu. « Je sais pas, tu me supportes. Ça veut dire qu’on est amis, peut-être ? Et même si cette employée est agaçante, je la trouve tout de même sympa. Pas toi ? »

« Je vois. Tu devrais faire attention quand même. Je peux t’aider... Enfin, financièrement, si besoin, j’ai toujours l’argent de ma famille. J’dis ça comme ça... » Mais en formulant sa pensée, elle se rendit compte que c’était sans doute une mauvaise idée. Il refuserait probablement, elle avait l’impression. Mais proposer, ce n’était pas grand chose, c’était toujours ça. Ça aiderait peut-être la famille, surtout la plus jeune sœur qui avait l’air si gentille mais si fragile. Elle les avait tous trouvé très sympa, très différents de sa famille à elle, de ses deux frères constamment en conflit dont un intéressé seulement par l’argent, la gloire et le pouvoir. C’était sûrement plus simple d’avoir une famille à peu près normale, sans mariages forcés et disputes pour les héritages. Mais on ne choisit pas où on tombe.

En chemin vers le starbucks, la joie revient et le sourire avec. Elle parait tout de suite plus excitée. « J’en ai de la chance, dis moi. C’est rare. Heureusement que j’ai déménagé ici finalement ! » Un voleur est un voleur, tout de même. Et pourtant, bizarrement, Oli, il a l’air différent dans un sens, sans savoir expliquer pourquoi ni comment. Il aurait pu s’enfuir durant leur première rencontre, ne jamais la recontacter ou voler son téléphone. Pourtant, rien de tout ça n’était encore arrivé.

Ils arrivent finalement, après simplement quelques minutes de marche à peine, ce qui lui a paru beaucoup moins. Le temps passait vite à parler. Et il y avait malheureusement du monde aujourd’hui, bien plus que d’habitude. Elle aussi cherche des places avant d’hocher la tête lorsqu’il lui montre l’une des dernières tables libres. « Un simple café, merci. » Elle part ensuite s’installer et attend sagement qu’il revienne avec les deux commandes. C’était une sortie comme elle n’en avait plus l’habitude. La plupart du temps, elle restait chez elle ou allait au travail, elle n’avait pas énormément d’amis, simplement des collègues. C’est toujours bien de faire quelque chose de différent de d’habitude.

« Ou pire... T’es recherché par la police dans un autre pays et t’as déménagé ici ? » Je ne peux pas m'empêcher de rire franchement devant sa remarque. J'ai déjà du mal à m'imaginer voler autre choses que de la nourriture, alors quelque chose qui pourrait me faire rechercher par un pays tout entier, c'est d'une absurdité sans nom. Mais je reprends mon sérieux quelques minutes afin de dire : « Oui, quelque chose dans ce genre-là… » Je laisse ma phrase en suspens pour un peu plus de mystère, avant d'ajouter : « Les seuls vrais criminels ici, ce sont mes parents. Mais bon, ça, c'est une tout autre histoire. » Je balaie cette idée d'un revers de main. Ce n'est ni le jour, ni le moment pour parler de mes problèmes de famille et encore moins de mes parents. Aux yeux du monde qui m'entoure et même de mes sœurs, ils sont morts. Et il vaut mieux que ça reste ainsi. « Par contre, effectivement, j'ai déménagé ici. » Mes origines, je n'en parle pas souvent. Non pas que j'en ai honte, disons plutôt que ça me rattache à une partie de ma famille que j'aimerais oublié. Et puis, je ne me souviens pas vraiment de ma vie avant les États-Unis. C'est plutôt flou dans ma tête et encore une fois, c'est une chose dont on ne parle pas souvent avec mes sœurs. Pour dire quoi de toute façon ? Que ce serait chouette de retourner à Nice, retrouver nos origines et toutes ces conneries ? Clairement, oui, ce serait super, mais on n'a pas un sous en poche et l'avion, ce n'est pas donné. « Je suis né en France. Sophie et Emma aussi, d'ailleurs. Mais on est parti quand nous étions gamins, alors rassure-toi, je n'ai commis aucun crime là-bas. » Je termine en souriant. Notre discussion nous amène à reparler de notre rencontre et, bien évidemment, trop fier pour avouer que j'apprécie Kinga, je préfère la taquiner. Indirectement, certes, mais tout de même. « Et même si cette employée est agaçante, je la trouve tout de même sympa. Pas toi ? » Je lève les yeux vers le plafond, un demi sourire naissant sur mes lèvres. « Allez, j'avoue, elle est plutôt sympas. »

Lorsque Kinga me propose de m'aider financièrement avec l'argent de sa famille, j'ai un petit mouvement de recul. Par stupeur. On ne m'a jamais proposé de l'aide financière et je suis surpris qu'une fille que je connais à peine puisse me proposer une telle chose. Serais-je tomber sur la générosité même ? Je passe une main gênée dans mes cheveux avant de secouer la tête par la négative. Sa proposition me touche, mais il est hors de question qu'elle me prête quelconque argent. Peut-être que par le passé, j'aurais accepté, j'aurais même tiré profit de la situation, mais j'apprécie trop la polonaise pour ça. Et puis, il y a une part de mon ego qui m'en empêche. Il me hurle que je n'ai besoin de l'aide de personne et surtout pas d'une fille. A moins que ce ne soit que ma conscience. « Merci pour ta proposition, mais on se débrouille. J'ai un job maintenant, on devrait pouvoir survivre encore un peu. Et moi, régler mes... problèmes. » Je la gratifie tout de même d'une sourire, touché par son geste.

Nous arrivons au Starbucks, déjà bien rempli, sans doute à cause de la période des fêtes. Après avoir repéré une table inoccupée du coin de l’œil, Kinga se dirige vers celle-ci afin de la réserver, tandis que je commence à faire la queue pour commander nos boissons. L'attente est pour moi interminable. Je ne suis déjà pas bien patient en temps normal, mais là, c'est encore pire. En plus d'être un petit nouveau en formation, le type ne semble même pas savoir se servir de la moindre machine. C'est bien ma veine.  Après presque huit minutes d'attentes, nous sommes enfin servis. Je remercie le type d'une simple signe de tête, presque à regret d'être poli envers lui. Je me faufile parmi les tables et arrive à la nôtre après quelques slalomes. « Un café pour madame. » dis-je en déposant sa boisson chaude devant elle. « Et un café latte pour moi-même. » Je m'installe enfin d'elle, ou plutôt, je me laisse tomber lourdement sur ma chaise. Je n'ai pas l'habitude de faire du shopping et clairement, cette petite heure à chercher une tenue de boxe m'a épuisé. Et puis, avouons-le, les cris perpétuels des mômes, ça n'aide pas non plus. « C'est pour ça, que je déteste faire les magasins à Noël. » avoué-je en faisant allusion au monde qui nous entoure. « Bientôt, on ne s'entendra plus penser. »

Bon, en réalité, elle se doutait qu’Oliver n’était pas recherché par la police, que ce soit américaine ou autre. Il se serait forcément mieux caché que ça et n’aurait sûrement pas été aussi attaché au bien-être de ses deux petites sœurs. Dans un sens, Kinga se cachait elle, pas de la loi mais de son père et probablement aussi de son fiancé. Pas de doute qu’il n’ait pas apprécié être abandonné de la sorte. Tant pis, ils n’avaient qu’à réfléchir deux fois avant de décider ces fiançailles. Le seul avec qui elle gardait secrètement contact était son frère, celui qui l’avait aidé, le seul des trois enfants Ilinski qui n’avait pas été contraint de se marier, il en avait de la chance et Kinga l’enviait. Le regard un peu dans le vide, elle secoua un peu la tête et reprit ses esprits que Oliver reprit d’un ton plus sérieux. Avec ses paroles mystérieuses, elle avait envie d’en découvrir encore plus et même son regard ne pouvait à ce moment plus se détacher de lui, comme si elle attendait la suite pour survivre. Absurde. Elle devait avoir l’air d’une fille bizarre à être aussi curieuse. « Tes parents ? Mmh. Ok. » Autant dire qu’elle crevait d’envie de savoir la suite de l’histoire mais elle devina que c’était pas aujourd’hui qu’il allait tout lui dévoiler. Peut-être un jour. « Attend, quoi ? T’es français ? » Cette fois, sur son visage, on pouvait deviner la surprise. « Tu veux dire avec la... La Tour Eiffel, c’est ça ? Je rêverais d’y aller. La chance. » Elle soupira. Kinga rêvait de grands voyages, de voir le monde et pas seulement San Francisco. Et la France, elle ne disait pas non. Mais son salaire de serveuse lui rapportait bien trop peux pour visiter tous les continents et tout l’argent qu’elle gardait en réserve était surtout en cas d’urgence, pas pour prendre du bon temps au soleil. Au moins, elle sourit aux dernières paroles du jeune homme. Il la trouvait sympa, c’était déjà ça. Elle arrivait même à se faire apprécier des français, elle en était un peu fière.

En lui proposant son aide, elle n’avait pas trop réfléchi et c’était plutôt spontané. Plutôt aider quelqu’un que d’acheter des choses futiles, c’était toujours plus utiles. Kinga, elle avait jamais connu les problèmes d’argent, elle avait jamais les problèmes tout court avant de changer de vie. Avec le boulot de son père et les ancêtres Ilinski -merci à eux pour le patrimoine-, elle n’avait jamais manqué de rien. Ce n’était pas une princesse pourrie gâtée pour autant, elle était bien élevée et toujours polie. Mais il fallait avouer que sa condition avait été au dessus de la normale, du moins en Varsovie. Alors aider quelqu’un, c’était naturel et sans arrières pensées. Mais il refusait, et dans un sens cela se comprenait. Kinga ne voulait pas insister, alors elle se contenta d’hausser furtivement les épaules en souriant pour montrer que cela ne l’affectait aucunement. « Ok, c’est rien. Mais un jour, si t’as besoin, m’oublie pas. » Un clin d’œil pour faire passer ça sur le ton de l’humour et le tour est joué.

Une fois à sa table, Kinga attendit patiemment seule, sortant son téléphone pour passer le temps en balançant ses jambes dans le vide. Aucun commentaire sur sa taille, elle pouvait se vexer bien trop vite quand les mots "Kinga" et "petite" étaient mentionnés dans la même phrase « Merci ! » Le café était brûlant mais au moins, ça lui réchauffait les mains à cause des températures dehors, pas si catastrophique pas toujours froides. « J’aime bien sortir durant cette période. C’est vrai que les enfants sont bruyants mais dans les rues, tout est illuminé, les gens sont plutôt heureux et c’est clairement une des meilleures fêtes de l’année ! Non ? » Varsovie avait une ambiance tout à fait différente de San Francisco mais faire quelque chose de nouveau était bénéfique. Après de longues minutes à encore discuter de toute l’ambiance de Noël et des enfants un peu trop embêtants et surexcités à cette période, elle sourit en finissant son café refroidi. « Je devrais y aller, j’habite pas très loin et il fera bientôt nuit. Cette après-midi était très cool avec toi. Encore merci pour le café, la prochaine fois, je t’invite. » Elle se leva, attrapa ses affaires et l’embrassa sur la joue, en guise de remerciement et comme un réflexe sans penser à comment il pourrait y réagir. Un dernier regard puis un au revoir et se dépêcha de quitter le café. Son appartement n’était pas très loin mais marcher seule la nuit n’était jamais très rassurant. En tout cas, c’était sûrement une des meilleures journées qu’elle ait passé depuis longtemps.

Elle est mignonne avec cette expression d'étonnement sur le visage, comme si elle venait de découvrir la chose la plus dingue sur ma personne. Bon, c'est peut-être le détail le plus dingue sur ma personne, mais ce n'est pas non plus quelque chose qu'on ira crier sur tous les toits de San Francisco. Après tout, quatre-vingt dix pour cent des américains ne doivent même pas savoir où se situe la France. Je me contente de hocher la tête, accompagné d'un « Hum hum. » approbatif. « Tu veux dire avec la... La Tour Eiffel, c’est ça ? Je rêverais d’y aller. La chance. » Pourquoi toutes les filles rêve d'aller à Paris et de visiter la Tour Eiffel ? Est-ce que ce foutu monument est si romantique que ça ? « Oui, enfin, tu risques d'être déçue parce que je n'ai jamais vu la Tour Eiffel. En fait, on habitait à Nice, dans le sud de la France, donc c'était plutôt la mer et les palmiers là-bas. » Et je le sais uniquement grâce aux quelques photos qu'on possède, parce que sinon, c'est le vide le plus absolu quant à mon enfance française. « Je ne sais pas si on peut vraiment appeler ça de la chance. Je devais avoir entre cinq et six ans quand on est venu s'installer ici alors je me sens plus américain que français. Je ne garde pas vraiment de souvenirs de là-bas. » Je hausse les épaules, avec un petit air de je m'en foutisme, parce qu'honnêtement, je ne suis pas plus attiré par la France que par n'importe quel autre pays. Sans doute parce que je n'ai jamais eu à me poser la question. Je n'ai jamais quitté San Francisco alors si je pouvais commencer par visiter les États-Unis, je crois que ce sera un bon départ. « Tu as toute la vie devant toi pour visiter Paris. Je suis sûr qu'un jour tu te prélassera dans un café au pied de la Tour Eiffel en dégustant un délicieux pain au chocolat. »

Installé à une table du Starbucks, je maudis les cris des enfants et le mal de crâne qui vient lentement s'installer. J'ai l'impression d'avoir un tambour dans la tête. Je n'aime pas Noël ou toutes les autres fêtes impliquant les enfants de près ou de loin. « J’aime bien sortir durant cette période. C’est vrai que les enfants sont bruyants mais dans les rues, tout est illuminé, les gens sont plutôt heureux et c’est clairement une des meilleures fêtes de l’année ! Non ? » Je cligne plusieurs fois des yeux avant de porter mon café à la bouche pour en boire une gorgée. Est-ce que je suis d'accord avec elle ? Non, probablement pas. Et pour une multitude de raison. De toute façon, ce n'est pas comme si on fêtait réellement Noël à la maison. On est juste tous les trois, on se permet une petite folie gustative, et encore, et ça s'arrête là. C'est plus ou moins une soirée comme les autres. Il y a seulement pour cette année qu'on a décidé de mettre les plats dans les grands pour faire plaisir à Emma. Enfin, Sophie à eu l'idée et je ne me voyais pas refuser parce que je n'ai pas envie d'être heureux pendant une soirée. Ouais, je suis un putain de rabat-joie. « Oui, tu as sans doute raison. » Je ne me voyais pas la contredire, elle a l'air d'aimer cette fête plus que les gosses qui braillent derrière nous. Et puis, je l'avoue, je pourrais presque trouver ça adorable.
On discute encore pendant de longues minutes, jusqu'à ce que Kinga m'informe que la nuit va bientôt tomber et qu'elle va rentrer. « Cette après-midi était très cool avec toi. Encore merci pour le café, la prochaine fois, je t’invite. » « C'est vrai que c'était cool. Et... » ...on devrait faire ça plus souvent. « Et de rien pour le café, c'était pas grand-chose. » Lâche. J'ai à peine le temps de me lever qu'elle dépose un baiser sur ma joue avant de quitter le café d'un pas pressés. J'en reste pantois, ne sachant comment prendre son geste. Je la regarde s'éloigner avant de quitter le Starbucks à mon tour.